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Correspondance, 12 janvier 1638, REPONSE DE Monsieur DESCARTES

Publié le 29/07/2010

Extrait du document

descartes

 

Et pour savoir ce que l’on doit croire de celle-ci, on doit, ce me semble, considérer quel jugement en ferait un homme, qui aurait été nourri toute sa vie en quelque lieu où il n’aurait jamais vu aucuns autres animaux que des hommes, et où, s’étant fort adonné à l’étude des mécaniques, il aurait fabriqué ou aidé à fabriquer plusieurs automates, dont les uns auraient la figure d’un homme, les autres d’un cheval, les autres d’un chien, les autres d’un oiseau, etc.

, en sorte que souvent il se serait trouvé empêché à discerner, entre des vrais hommes, ceux qui n’en avaient que la figure ;

On sait bien que je ne prétends pas persuader que les parties de l’eau aient la figure de quelques animaux, mais seulement qu’elles sont longues, unies et pliantes.

Or si l’on peut trouver quelque autre figure par laquelle on explique toutes leurs propriétés, ainsi qu’on fait par celle-ci, je veux bien qu’on leur attribue ;

Pour ce qui est de l’air, bien que je ne nie pas qu’il ne puisse y avoir quelques-unes de ses parties qui aient aussi cette figure, toutefois il y a plusieurs choses qui montrent assez qu’elles ne la peuvent avoir toutes :

Il me semble que ce que contient cet article, est le même que si, à cause que j’aurais dit que la douleur qu’on sent, en recevant un coup d’épée, n’est point dans l’épée comme dans le sens, mais qu’elle est seulement causée par la figure de son tranchant ou de sa pointe par la dureté de sa matière et par la force dont elle l’est mue, on m’objectait que les autres corps qui auront un tranchant de même façon, pourront aussi causer de la douleur ;

et que ceux qui auront d’autres figures ne pourront être sentis, principalement ceux qui seront mous, et non pas durs comme une épée et enfin que la douleur n’est autre chose en cette épée que sa figure externe, et non une qualité interne ;

et que la force qu’elle a d’empêcher que son fourreau ne se rompe, quand elle est dedans, ne consiste qu’en l’action dont elle blesse et en sa figure.

En suite de quoi l’on voit aisément ce que j’ai a répondre, à savoir, que les corps dont les parties auront la même grosseur, figure, dureté, etc.

Et les liqueurs dont les parties ont d’autres figures ou grosseurs, etc.

Et pour la force qu’a le sel de garder les choses de se corrompre, elle ne consiste ni en sa piqûre, ni en la figure de ses parties, mais en leur dureté ou raideur, ainsi que c’est la raideur de l’épée qui empêche le fourreau de se rompre, et leur figure n’y contribue qu’en tant qu’elle les rend propres à entrer dans les pores des autres corps ;

comme on voit qu’une petite aiguille d’acier couchée sur l’eau y peut nager, ce que ne fera pas une fort grosse, ni la même étant posée autrement, ni un morceau d’acier de même pesanteur, mais d’autre figure, et dont l’un des bouts soit beaucoup plus gros que l’autre.

 

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