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cour, société de

Publié le 09/02/2013

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cour, société de, notion forgée par le sociologue Norbert Elias pour définir la société au service du roi à l'époque moderne et, au-delà, toute société constituée autour d'un pouvoir princier.

La société de cour se caractérisa par un lieu spécifique, le palais dont le Palais de Versailles est le modèle pour toute l'Europe du XVIIIe siècle ; par un système de dépenses de prestige essentiel pour montrer son intégration à la société de cour ; par l'étiquette, un code rigide de relations sociales fondées sur une hiérarchie stricte ; par la centralité du prince ou du roi dans l'ensemble des réseaux ainsi définis : le roi est au centre du palais, au centre de la circulation économique, au sommet enfin de la hiérarchie curiale qu'il modifie à sa convenance.

En France, la cour apparaît, en tant que société constituée, avec les Valois d'Angoulême. Celles d'Henri II (1547-1559) et d'Henri III (1574-1588) restèrent fameuses ; Mme de La Fayette célébra dans les premières lignes de la Princesse de Clèves les fastes de la cour du premier. Celle d'Henri III fut condamnée par l'histoire officielle dès le début du XVIIe siècle : les « mignons «, les prodigalités inconsidérées du souverain et de ses favoris furent opposées à la rude bonhomie d'Henri IV et à la simplicité de Louis XIII. Néanmoins, la soumission de la noblesse aux exigences imposées par la cour, donc par le roi, retint l'attention des politiques du début du XVIIe siècle à commencer par Richelieu, qui tenta sans trop de succès de rehausser le prestige de celle que Louis XIII avait conservée autour de lui au Louvre — en fait, le roi n'était guère intéressé par les problèmes d'étiquette. Ceux-ci avaient été adaptés par l'entourage d'Henri III sur le modèle de la cour de Philippe II à l'Escurial de Madrid. Mais, après les guerres de religion, les nobles avaient perdu dans les camps les notions de politesse et de galanterie en usage au temps d'Henri II ; le Louvre était un lieu où le duel et les pratiques de soudard constituaient l'essence même du comportement nobiliaire. La politesse refit son apparition par l'intermédiaire des salons parisiens, dont les précieuses poussèrent parfois très loin les rituels de convenance compassée. La régence d'Anne d'Autriche jusqu'à la Fronde permit la résurrection autour de la reine d'une vie de cour intense au Palais-Royal.

La Fronde dispersa les cours là où se trouvaient les grands ; le retour à la paix après 1654 fut aussi le retour au Louvre de la seule vraie cour, celle du jeune roi Louis XIV. Celui-ci choisit progressivement Versailles, le petit pavillon et l'immense parc pour réunir à l'occasion de fêtes brillantes (« Plaisirs de l'île enchantée «, 1668) ses courtisans par centaines. Ceux-ci s'installèrent à Versailles où le roi transforma totalement le château en palais ; un palais où tout fut organisé pour fixer la vie de cour. Le confort y était cependant désastreux : la seule présence royale suffisait. Les privilégiés étaient les « logeants « hébergés au château (un peu plus de deux cents appartements y furent aménagés), opposés aux « galopins « qui retournaient le soir à Paris. Vers 1682, dix mille personnes, courtisans et serviteurs, animaient cette vie de cour. Brillante, fantasque, voire libertine jusque vers 1682, elle devint ensuite compassée, austère, l'âge et la dévotion du roi avançant.

Tout acte inscrivait l'individu dans un système de valeurs : pensionnés par le roi, les courtisans devaient dépenser trop en constructions, équipages, fêtes et protections diverses ; le rang nobiliaire autorisait à s'asseoir sur un tabouret, une chaise, un fauteuil plus ou moins proches du roi selon la faveur du moment. Le ton des conversations et leurs sujets faisaient l'objet d'un nombre de règles dont la maîtrise était la condition du maintien dans la société de cour. L'emploi du temps quotidien était organisé en fonction des moments de la vie du roi : petit et grand lever, différents services de repas, dîner et souper, offices religieux, furent ouverts à un public courtisan plus ou moins nombreux. Le cérémonial s'accrut lorsque Louis XIV cessa peu à peu de se déplacer. Enfin, la reconnaissance artistique passait avant tout par celle du roi : l'artiste présenté était comme sacré ; les portes des académies lui étaient alors ouvertes. La société de cour imposa des règles très strictes de bienséance ; elle fixa la noblesse au service du roi et devint un modèle que suivaient non seulement les autres cours européennes, mais aussi l'ensemble des classes sociales.

Au XVIIIe siècle, le prestige de Versailles fut notablement concurrencé par celui de Paris et de ses salons ; la présentation au roi et le respect des règles de l'étiquette demeurèrent cependant la norme sociale des élites.

Publié en 1969, l'ouvrage de Norbert Elias ouvrait pour la première fois l'histoire aux investigations de la sociologie. Son étude fut en ce sens fondatrice d'une nouvelle perspective, qui découvrait dans la société de cour au temps de Louis XIV des éléments essentiels à tous les phénomènes de cour. Il s'agissait pour Elias de montrer les limites d'un relativisme imposé par la démarche historique, incapable de découvrir les mécanismes permanents des sociétés. Apport central à l'histoire qui retrouva, en intégrant les perspectives méthodologiques ainsi mises en évidence, un nouveau sens politique.

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