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Cours: FORMATION DES CONCEPTS SCIENTIFIQUES (2 de 2)

Publié le 22/02/2012

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B. L'esprit scientifique.

 

            L'esprit qui anime le savant en ses recherches est souvent désigné sous le nom d'esprit scientifique. Il importe de définir avec précision la volonté qui conduit le savant et les postulats qu'implique sa recherche.

 

            a) Le  savant semble vouloir, avant tout, atteindre l'objectivité. Dans la vie courante, les choses ne sont pensées qu'en fonction de nous: le but de la science est de les définir, non dans leurs relations contingentes à nous, mais dans leurs nécessaires relations entre elles. En ce sens, on voit que, faire preuve d'esprit scientifique, c'est rechercher la vérité. L'esprit scientifique apparaît ici comme un esprit de soumission au fait. Il suppose l'exclusion absolue, dans la recherche, de toute considération étrangère à l'effort vers l'objectivité pure et, en particulier:

 

* De toute considération esthétique: ainsi le psychologue, l'historien doivent renoncer à tout souci littéraire. Il ne s'agit pas pour eux de rechercher le beau, mais le vrai.

 

* De tout système métaphysique, religieux ou moral posé a priori: le savant n'a pas à ralentir ou à modifier ses recherches en craignant que ses découvertes n'aillent à l'encontre de ce qu'il croit.

 

* De toute considération affective: le savant doit bannir toute considération d'amour-propre, savoir renoncer à une hypothèse narcissique et anthropocentriste, savoir admettre une vérité, même si elle contrarie ses sentiments, ses intérêts et l'idée qu'il se fait de lui-même.

 

* De toute tradition, de toute autorité, de toute conception transmise ou imposée par l'éducation, ou la coutume: il y a là source d'erreur, que  Descartes nomme la "prévention".

 Le savant doit se défier des jugements tout faits, des idées préconçues, et de tous les systèmes.

 

* De la hâte qu'a tout esprit à juger, et de ce que Descartes appelle la "précipitation": le savant doit éviter les affirmations rapides; il doit n'avancer qu'avec prudence, ne rien accepter sans contrôle, distinguer sans cesse le probable et le certain. L'esprit scientifique est fait d'esprit critique, de rigueur intellectuelle. Il se méfie des constructions arbitraires. Il n'énonce ses propres affirmations que sous réserves d'expérimentations toujours nouvelles et possibles.

 

            b) Mais le savant ne veut pas seulement connaître: il veut comprendre. Il ne peut accepter les faits comme de pures données empiriques: il veut trouver leur raison d'être, les expliquer, les rendre perméables à l'esprit, trouver le moyen de les penser selon les exigences propres de la raison. A son effort vers l'objectivité se joint donc un effort vers l'intelligibilité.

 

Mais ces deux volontés, qui animent l'esprit scientifique, sont-elles conciliables? En un sens, elles paraissent opposées: comprendre le monde, le ramener à la pensée, n'est-ce pas en effet le réduire à nos exigences, et donc à notre subjectivité? Et, si l'esprit arrive à substituer au monde de l'intuition sensible un monde conforme à lui-même, n'abandonne-t-il pas pour autant son effort vers l'objectivité?

 

            Beaucoup estiment, en ce sens, que la science contient une large part de construction subjective. On peut penser, en effet, que presque tout, dans la science, émane de nous-mêmes, que c'est l'esprit qui, en grande partie, introduit dans les choses l'ordre qu'il s'étonne d'y retrouver, que les lois et les théories ne sont que des points de vue commodes sur un réel abstrait et simplifié, dont tout concret qualitatif est banni. Tel est le point de vue de Le Roy, et des nominalistes. Poincaré lui-même admet que les lois sont avant tout commodes, les théories métaphoriques et figuratives. Pour ces penseurs, la marque la plus authentique du réel est bien le sensible (on est allé jusqu'à prétendre qu'il était le réel lui-même). Les lois et les théories n'ont pour but que de nous permettre de le penser.

 

            c) Telle n'est point, cependant, l'orientation générale de l'esprit scientifique. La science tend sans cesse à accorder une valeur ontologique aux conceptions de l'esprit. Déjà, dans la connaissance commune, l'esprit, en supposant, dernière les qualités changeantes, la "chose", c'est-à-dire la substance même de ce qui change, n'avait pas l'impression de créer une idée commode lui permettant d'unifier le sensible; il croyait atteindre une réalité. Quand il affirme que, sous les modifications des phénomènes, demeure l' "énergie", le savant fait de même. Il pense que ses conceptions sont plus proches du "réel" que le sensible immédiat.

            On découvre ainsi le postulat essentiel de l'esprit scientifique: le savant affirme que la volonté d'objectivité et la volonté de compréhension peuvent être conciliées, ou, en d'autres termes, que le réel peut être compris. C'est là, on le voit, supposer implicitement qu'il existe dans les choses un ordre qui est celui même de la raison. Ce postulat de base, qui est le postulat de la possibilité de la science, est l'expression la plus générale du principe du déterminisme.

Ceci permet de comprendre certains caractères, en apparence opposés, de l'esprit scientifique. Celui-ci apparaît, en un sens, comme un esprit de doute. Mais, d'autre part, il semble confiant et sûr de lui. Rejetant toute autorité, il postule, à la base de sa recherche, des affirmations non démontrées, comme celle du déterminisme universel. Mais, ces caractères de l'esprit scientifique ne sont inconciliables qu'en apparence. L'esprit scientifique est fait de confiance en la raison, et en la raison seule. S'il est prudent et défiant, c'est à l'égard de tout ce qui, dans la connaissance, n'est pas rationnel. Si, au contraire, il affirme la valeur de certains principes tel celui du déterminisme, c'est que ces principes sont la condition de toute connaissance rationnelle.

 

Conclusion:

 

L'esprit scientifique est donc issu de la raison, il n'en est que le prolongement. Il n'est que l'esprit humain lui-même affirmant sa valeur, posant son droit à entreprendre, en rejetant toute influence extérieure, la recherche de la vérité. En ce sens, il se confond avec le rationalisme.

 

 

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