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Dissertation: Faut-il préférer le bonheur à la vérité ?

Publié le 22/02/2012

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I - INTRODUCTION.

Le génie précipite souvent dans la folie et la tragédie. Ainsi les poètes maudits ont libéré l’imagination poétique de toutes ses limites mais ils ont tous connu une existence misérable. De grands savant ont remis en cause la vision du monde de leur époque mais ils ont dû parfois payé du prix de leur vie. Alors faut-il préférer le bonheur à la vérité ? La vérité n’est-elle pas synonyme de tragédie. La vérité morale nous demande de nous sacrifier pour le bien. La vérité de l’authentique nous demande de faire face à notre misère humaine. La vérité scientifique nous laisse espérer une toute puissance technologique mais chaque progrés technique signifie de nouvelles formes de catastrophes. Mais à l’inverse le bonheur animal est-il enviable ? L’animal ne sait pas qu’il va mourir mais cela ne l’empêche pas de mourir, il est constamment le jouet de son milieu et de son espèce. Le sceptique affirme que la folie provient d’un manque de doute, nos représentations tragiques n’ont de force que celles qu’on leur donne. D’ailleurs une action ne gagnera en efficacité qu’à condition d’être mise en doute en ce qui concerne sa théorie et le sens des expériences sur lesquelles elle s’appuie. II - CONSCIENCE TRAGIQUE ET BONHEUR SCEPTIQUE. a) - Y a-t-il une tragédie inhérente à une conscience mentale ? La question de la vérité ne se pose pas pour un animal. Celui-ci quand il a satisfait ses besoins vitaux semble libérer de toute tension émotionnelle et pulsionnelle. Aucun homme ne semble pouvoir échapper à l’inquiétude de la vérité car sa conscience est une conscience mentale. L’idiot semble protégé, il est un imbécile heureux car il n’a qu’une conscience animale satisfaite dès lors que ses besoins vitaux ont été satisfaits. La conscience mentale se caractérise par le fait de se représenter soi-même du point de vue extérieur. Tous les animaux qui ont une forme de conscience réfléchi ont donc par définition conscience de leur future mort. Tous les dangers, les risques, les sentiments d’insécurité rappelle cette mort inéluctable. La conscience mentale réfléchie semble donc par essence une conscience tragique. On peut protéger une personne en lui mentant sur son état ou l’état de l’un de ses proches mais inévitablement elle prendra conscience de la tragédie en cours. Tous les enfants découvrent un jour qu’ils sont mortels ainsi que leur proche. Certes on peut alors adopter des stratégies pour oublier cette dimension tragique. on cherche alors à se divertir, à profiter de la vie. Mais tous les divertissements du monde ne parviennent pas à effacer le malaise existentiel sous-jacent. On ne supporte pas d’être seul à seul avec soi-même. Toutes nos tentatives de "profiter de la vie" traduise notre incapacité à rester tranquillement présent à l’instant présent. L’expression même de "profiter" porte l’ombre d’une ombre futur inéluctable. Prendre conscience de soi au niveau mental implique donc de faire face à une vérité tragique mais cette prise de conscience nous condamne-t-elle au malheur ? b) - Peut-il y avoir un bonheur imperturbable malgré la prise de conscience mentale ? Ataraxie et spiritualité sceptique. La philosophie antique a toujours mis en valeur l’existence d’un état de conscience libéré de tout trouble intérieur. Cet état est l’ataraxie, un état de sérénité et de tranquillité quelles que soient les circonstances extérieures. Cependant les philosophies ont des propositions pratiques diverses et des conceptions du monde variées en vue de comprendre et d’atteindre cet état. Quoi qu’il en soit, il s’agit toujours de mettre en cause notre façon de penser habituelle. Les sceptiques disciples d’Anaxarque et Pyrrhon affirmeront que notre pensée n’est pas en mesure d’établir une quelconque forme de vérité. Pour eux la tragédie de la conscience mentale a pour origine notre assentiment à l’idée que ce qui apparaît dans notre esprit exprime une véritable réalité. Pour eux avec de l’exercice on peut découvrir qu’on peut considérer tout ce qui apparaît dans l’esprit comme une illusion. On peut douter de la réalité des apparences comme on peut douter de leur caractére illusoire. Toutes nos représentations mentales, émotionnelles et sensorielles peuvent être mises à distance grâce aux pratiques sceptiques. La conscience du sceptique se découvre comme un champ de conscience silencieux : on parle d’aphasie. Et il semble que cet état d’aphasie puisse sans cause engendrer l’ataraxie. Cet état de profond calme et tranquillité quelles que soient les apparences dans l’esprit est alors un état de bonheur atteint parce que le sceptique a dépassé toute notion de vérité jusque là tragiquement inhérente à sa conscience mentale. III - L’AMOUR DE L’EFFICACITE AU SERVICE DU BONHEUR. Les sceptiques de l’antiquité ou modernes nous invitent à renoncer à l’idée d’une connaissance possible de l’essence ultime de la réalité. Mais comme nous avons pu le voir, ils affirment que l’ataraxie c’est-à-dire le bonheur selon eux est un état qui peut émerger d’une aphasie authentique de l’esprit. Ainsi si la vérité morale ou ontologique (la vérité qui l’essence ultime de la réalité) est au-delà de ce que peut la conscience mentale, il n’en reste pas moins qu’ils témoignent de la valeur de certaines formes de vérité comme celles de l’authenticité et de l’efficacité. Un scientifique empiriste peut tout à fait être en même temps un sceptique. Une théorie scientifique n’est jamais une vérité de la réalité, elle est d’abord une conjecture qui propose une interprétation efficace de la nature. La théorie de Newton n’est pas vraie mais elle est efficace pour certains calculs de vitesse et de résistance de nombreux objets. La théorie d’Einstein paraît être encore plus efficace dans le domaine de prédiction des vitesses et des énergies même si elle non plus n’est pas vraie. La science essaie à partir d’événements habituels qu’elle mesure dans des expériences de prédire les conditions terminales d’événements dont elle possède les conditions initiales. L’efficacité de la méthode scientifique empiriste dépasse peut-être aujourd’hui les espérances des premiers empiristes. Il semble que nous sommes en mesure de produire enfin chimiquement des molécules qui aident notre esprit à ressentir du bien-être même si sa façon de penser reste tragique. La vérité de l’efficacité technique semble pouvoir nous dispenser de l’authenticité des sagesses antiques pour nous sentir heureux. Toutefois les promesses de bonheur du matérialisme scientifique ne semblent-elles pas utopiques ? L’efficacité technologique ne sera-t-elle pas toujours relative puisque, si on prend au sérieux la position sceptique, l’essence ultime de la réalité échappe à notre conscience mentale. Il semble qu’aucune chimie ne puisse remplacer la recherche de l’ataraxie par une transformation consciente de la conscience. Aucune chimie du cerveau ne répare l’ignorance de notre inconscient. Aucune chimie ne semble pouvoir se substituer à une prise de conscience. D’ailleurs les effets de toutes les drogues du bonheur s’effacent et finissent sur un retour en général plus tragique des forces d’inconscience qui avaient été momentanément vaincues grâce à ces drogues. Cet échec de la chimie du bonheur est comme un appel adressé à notre conscience pour devenir plus consciente c’est-à-dire plus créatrice. IV - JOIE CREATRICE. a) - Etre créateur relativise toute vérité d’une conscience mentale. Etre créateur implique qu’on ne se plie à aucune vérité, ni non qu’on mette en avant la seule recherche du bonheur. Chercher la vérité ou le bonheur ne revient-il pas au fond à rechercher l’inertie, un état qui ne change pas ou peu ? Le sceptique n’est la plupart du temps qu’un conformiste qui se fond dans l’ordre établi. Ceci est le contraire d’un esprit créateur. D’ailleurs certaines techniques sceptiques communes au bouddhisme et à l’hindouisme ont connu de funestes utilisations sur le plan militaires. Les kamikazes japonais se sont référés au code samouraï pour lequel un bon samouraï est psychologiquement mort car son esprit ne s’identifie plus à sa personne. L’apologie de la création donne à la destruction sa juste place. Car être créateur implique qu’on accepte de mettre en déséquilibre les représentations qui constituent notre mentalité. Créer implique toujours une part de destruction psychologique, sociale voire culturelle. Toutefois la fêlure du génie qui brise nos vérités d’aujourd’hui pour nous ouvrir à la réalité de demain n’est-elle pas plus supportable par une conscience qui saurait rester calme et tranquille quelles que soient les apparences ? Le génie ne vient-il pas plus facilement dans une conscience qui saurait se détacher comme les sceptiques des vérités anciennes ? b) - Etre créateur peut être la joie créatrice d’une évolution consciente de la conscience. Le génie créateur s’il prolonge le scepticisme devient de plus en plus consciemment une évolution consciente de la conscience. Car transformer la réalité apparente c’est-à-dire la perception de l’esprit revient à faire évoluer la conscience. Le génie fait grandir la conscience quand il n’est plus seulement un éclat passager qui retombe dans la conscience ordinaire modifiée dans ses contenus mais non métatmorphosée dans ses modes de perception. De ce point de vue la conscience mentale semble demeurer pour beaucoup une fêlure tragique dans la conscience animale. Et faute de la laisser pleinement au grand jour, on s’enferme dans ses limites et on reste dans un malaise existentiel. En fait notre malheur vient de notre refus d’évoluer consciemment. Nous attendons que l’évolution de la vie nous porte et nous souffrons de ce qu’elle nous impose, des pressions de plus en plus fortes qu’elle met sur nous pour nous faire évoluer. Nous croyons choisir de chercher le bonheur dans la vie de conscience ordinaire, mais par désir de rester ignorant c’est-à-dire inconscient, nous choisissons le drame et la tragédie. Un bonheur plus vaste que l’ataraxie est dû à l’accroissement de la conscience. Toute prise de conscience passagère ou fondamentale est accompagnée de joie créatrice. On pourrait imaginer une existence dans un mouvement créateur d’évolution de plus en plus constant, cette existence serait comme une extase tranquille de plus en plus infinie : ne s’agirait pas de l’univers en train d’essayer de croître en conscience à travers nous ? V - CONCLUSION. Toute expression mentale de la vérité n’a qu’une valeur relative. Le scepticisme montre que la conscience mentale est vécue comme une tragédie dès lors qu’on rend absolu ce qui n’est qu’apparence. Renoncer à une vérité ontologique est ce qui garantit la conscience heureuse de l’ataraxie. Mais à un niveau supérieur toute expression mentale de la vérité n’a qu’une valeur relative car nous sommes au sein d’une réalité en constante évolution. Comme le génie créateur ou découvreur, si l’on préfère, le montre nous sommes dans une évolution universelle de la conscience qui demande à devenir de plus en plus individuellement consciente. Le bonheur animal est bien chimérique si l’on considère que l’animal est au service de son espèce et qu’il subit inconsciemment les stress évolutifs qu’engendrent les variations de son milieu de vie. Seul l’homme peut être consciemment heureux car il ouvre une ère qui donne la possibilité d’une évolution consciente. Mais si ceci est juste, contrairement à ce que la plupart croient, rares sont ceux qui cherchent le bonheur parce que rares sont ceux qui ne refusent pas de voir le sens véritable de l’existence. En l’homme, il y a une attirance pour le drame qu’il est temps de dépasser. La vérité n’est surement pas accessible mentalement mais il y a une activité mentale authentique qui peut nous éloigner de l’ignorance tragique et nous mettre sur un chemin ensoleillé de joie créatrice.

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