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Égypte ancienne, art de l'

Publié le 29/01/2013

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1   PRÉSENTATION

Égypte ancienne, art de l', production artistique et architecturale de la civilisation de l’Égypte ancienne, des temps préhistoriques jusqu’à la conquête romaine, en 31 av. J.-C.

L’Égypte a connu la continuité historique la plus durable de toutes les civilisations méditerranéennes de l’Antiquité, entre le début du IIIe millénaire av. J.-C. et le IVe siècle apr. J.-C. La géographie du pays — isolé par les déserts et unifié par le Nil —, et sa relative étanchéité aux influences culturelles extérieures ont donné naissance à un style artistique très spécifique qui s'affine au cours de cette longue période, tout en faisant preuve d'une étonnante continuité. L’art sous toutes ses formes est essentiellement consacré au pharaon, souverain d’Égypte et véritable dieu vivant, ainsi qu’à la religion (mythologie), cette dernière ayant ses racines dans l'animisme et le culte de la nature.

Depuis les origines, la croyance égyptienne en une vie après la mort impose que les défunts soient enterrés avec leurs biens matériels, afin de pouvoir subsister et tenir leur rang dans l’au-delà. Les cycles réguliers de la nature — la crue annuelle du Nil, les saisons et la progression du soleil qui régit le jour et la nuit — sont considérés comme des dons des dieux au peuple d’Égypte. La pensée, la morale et la culture égyptiennes s’enracinent dans un profond respect de l’ordre et de l’équilibre du monde ; le changement et la nouveauté n’y ont donc pas de valeur en eux-mêmes, ce qui explique que le style et les conventions figuratives de l’art égyptien, établis très tôt dans le cours du développement de cette civilisation, soient demeurés presque inchangés durant plus de trois mille ans. Aux yeux de l’observateur moderne, l’expression artistique égyptienne se caractérise par des formes hiératiques et épurées, son intention n’étant nullement de restituer l’apparence réelle des choses, mais plutôt de saisir pour l’éternité l’essence d’une personne, d’un animal ou d’un objet.

2   LA PRÉHISTOIRE

L'art de l'Égypte ancienne montre une évolution continuelle du travail de la pierre pendant les temps préhistoriques. Au cours de la préhistoire, les premiers habitants de l’Égypte occupent les terrasses alluviales dominant le Nil, dont le lit bordé de marécages n'est pas encore stabilisé. La découverte d'outillages lithiques (des bifaces, des lames de silex retouchées) remontant au paléolithique inférieur a permis de retracer l’évolution des premiers Égyptiens, de l’état de chasseurs-cueilleurs semi-nomades à celui d’agriculteurs sédentaires. Le paléolithique supérieur est marqué, dans la vallée du Nil, par l'apparition de nouveaux procédés de taille du silex et par une spécialisation de l'outillage.

Le néolithique s'affirme à partir du VIIe millénaire, avec la domestication des animaux et la culture des céréales, qui sont récoltées avec des faucilles dont la lame est constituée de multiples éclats de silex retouchés et montés sur un manche de bois. La céramique fait également son apparition. Elle est modelée à la main et donne des poteries fines et délicates ainsi que de grandes jarres-silos. Au IVe millénaire av. J.-C., le néolithique donne naissance à des cultures connues sous l'appellation de « période prédynastique «, qui perdurent jusque vers 3100 av. J.-C.

Les fouilles et travaux archéologiques, et particulièrement ceux de l’égyptologue sir William Matthew Flinders Petrie, ont permis de retrouver des traces de colonies organisées datant de cette période (cultures de Badari, de 5000 env. av. J.-C. à 3800 av. J.-C ; puis de Nagada I ou Amratien, et de Nagada II ou Gerzéen, qui s’achèvent en 3100 av. J.-C.), ainsi que nombre d’objets funéraires. Ceux-ci étaient disposés dans la tombe, à proximité du corps, pour servir à l’esprit du défunt dans sa vie ultérieure. Une grande quantité d’objets personnels tels que des poteries, des outils et des armes votives (dont le fameux couteau à lame de silex finement retouché et à manche d'ivoire sculpté de Gebel el-Arak) ont ainsi été découverts. Les poteries, le plus souvent lustrées de rouge et de noir, à décors blancs, sont en général ornées de peintures représentant des scènes de la vie quotidienne ou, plus fréquemment, de motifs animaliers. Ont également été découverts de nombreux spécimens de palettes votives, gravées pour les plus anciennes, puis de plus en plus finement sculptées par la suite, représentant des scènes de chasse ou de bataille. Dans la dernière partie de cette période, on trouve également des représentations de bateaux à rames naviguant sur le fleuve. Si l’utilisation du cuivre en petites quantités pour la confection de colliers de perles ou d’outils simples est attestée, la plupart des instruments qui nous sont parvenus sont en pierre, comme les petits mortiers servant à broyer des couleurs pour le fard à paupières, et les palettes en schiste servant à les amalgamer. Les petites sculptures et figurines sont, quant à elles, taillées dans l’ivoire ou l’os, ou encore modelées dans l’argile.

La fin de la culture de Nagada marque le début de l'histoire des dynasties égyptiennes. Elle marque aussi le passage d'une discipline, la préhistoire, caractérisée par des méthodes propres (géologie, datations, paléontologie) destinées à palier l'absence d'écriture, à l'histoire proprement dite, fondée sur l’étude des textes. Cette rupture porte particulièrement sur l'époque Thinite, qui suit le Nagadien, et qui couvre les deux premières dynasties (2920-2649 av. J.-C. env.).

Cette période fondamentale pour l'Égypte, qui doit son nom à la ville de This d'où seraient originaires les premiers souverains d’Égypte, est l'objet de nombreuses interrogations, notamment en termes de datation. L'époque Thinite se signale par l'adoption d'un calendrier solaire en remplacement du calendrier lunaire, par la mise en place de la société égyptienne et par l'apparition d'une écriture, mais il en reste peu de vestiges matériels spectaculaires, car les constructions se faisaient encore en brique crue. Les objets trouvés dans les nécropoles Thinites s’inscrivent dans la continuité de l'époque de Nagada, mais la grande nouveauté réside dans l'importance accrue des nécropoles et dans l'émergence d'un art spécifiquement funéraire. Les stèles portant des hiéroglyphes font leur apparition au cours de la Ire dynastie, mais ne deviennent pleinement significatives qu'à la fin de l'époque Thinite. Des découvertes récentes faites à Abydos en Moyenne-Égypte ont permis de situer vers 3250 av. J.-C. les premiers hiéroglyphes. Ils se présentent sous la forme d'« étiquettes « en ivoire représentant des éléments de la vie quotidienne, plantes et animaux.

3   L’ANCIEN EMPIRE

L’Ancien Empire couvre les IIIe, IVe, Ve et VIe dynasties, et s’étend sur cinq siècles, de 2649 à 2152 av. J.-C. Il s’est constitué au terme du processus d’unification de la Haute et de la Basse-Égypte — réalisé vers 3000 av. J.-C. par Ménès, roi de Haute-Égypte (souvent identifié à Narmer) — et de mise en place de la monarchie égyptienne. L’unification du pays, ou du moins l’une des grandes étapes qui l’ont précédée, est commémorée par la Palette votive du roi Narmer (v. 3000 av. J.-C., Musée égyptien, Le Caire) ; paré de la couronne du Sud, le roi y est représenté soumettant les peuples du Nord, sous le regard d’une divinité omniprésente dans l’art égyptien, la vache céleste.

3.1   L’architecture

Les premiers grands manifestes architecturaux de l’Ancien Empire d’Égypte sont les tombes — semblables à de véritables palais-forteresses — des rois des premières dynasties, découvertes à Abydos et Saqqarah. Les nombreuses poteries, objets en pierre et sculptures sur ivoire ou sur os retrouvés dans ces tombes témoignent d’un rapide développement technique de l’Égypte des premières dynasties. Les hiéroglyphes, formes écrites de la langue égyptienne, se trouvent alors dans les premières phases de leur évolution.

Sous la IIIe dynastie, l’architecte Imhotep édifie la nécropole du souverain Djoser (régnant vers 2630-2611 av. J.-C.), le plus grand ensemble architectural de l’époque, sur le site de Saqqarah, non loin de Memphis. Ce complexe funéraire comporte une grande pyramide à degrés — bâtie sur d’anciennes galeries funéraires souterraines et surélevée à plusieurs reprises — et un groupe de chapelles et d'édifices associés. Haute de 60 m, la grande pyramide, dans laquelle est conservée la dépouille du roi, est l’exemple le plus ancien de l’architecture monumentale égyptienne.

Cette célèbre pyramide reflète une mutation technologique décisive. C’est en effet à cette époque que l’architecture égyptienne commence à utiliser, de préférence à la brique crue et au roseau, des matériaux comme le calcaire et le granit, plus durables et adaptés à l’édification de structures monumentales. Il reste cependant très peu de vestiges des temples construits pendant cette période.

Les pyramides à pans lisses de Gizeh, où sont inhumés les rois de la IVe dynastie (Snéfrou, Khéops, Khéphren, Mykérinos), témoignent de la maîtrise achevée des architectes égyptiens en matière d’édifices monumentaux. Elles montrent aussi que les principes fondamentaux de l’architecture pharaonique sont désormais — et pour longtemps — parfaitement établis. La grande pyramide de Khéops, aux proportions parfaitement maîtrisées, est constituée de 2,3 millions de blocs d’un poids moyen de 2,5 t chacun et mesure 146 m de haut. Les pyramides ont pour fonction essentielle la conservation et la protection du corps des pharaons pour l’éternité. Chaque pyramide est accompagnée de deux temples reliés par une chaussée, généralement couverte et ornée de bas-reliefs. Le temple du haut, ou temple de la pyramide, est situé à l’est de la pyramide, au soleil levant, et sert au culte funéraire. Le temple du bas, ou temple de la vallée, se trouve en lisière de la vallée du Nil et comporte un bassin où accostent les embarcations funéraires. Autour des trois grandes pyramides de Gizeh s’est développée une nécropole contenant des mastabas — tombeaux à toit plat et aux côtés en pente, ainsi nommés en raison de leur ressemblance avec les bancs de briques en pente que les Égyptiens plaçaient devant leur maison. Les mastabas sont réservées aux membres de la famille royale, aux hauts dignitaires, aux courtisans et aux fonctionnaires. La plupart de ces tombes sont construites au-dessus de puits menant à une chambre funéraire où sont déposés le sarcophage et les offrandes ; certaines toutefois sont directement creusées dans le calcaire.

La disposition des tombeaux de Gizeh et de Saqqarah permet d’affirmer que ces édifices étaient alignés le long de rues, dans des cités dont le tracé obéissait à un plan parfaitement établi. Nous avons peu de certitudes, en revanche, en ce qui concerne l’architecture domestique sous l’Ancien Empire, car les premiers archéologues ne s'intéressaient qu'aux édifices monumentaux et aux manifestations de la royauté, négligeant les vestiges secondaires qui ont été peu à peu détruits par l'urbanisation. Les maisons et les palais, construits en briques de terre crue, n’ayant pas été conservés, les temples, les tombeaux, ainsi que le mobilier et certains modèles réduits figurant la vie quotidienne constituent la principale source d’informations sur l’habitat et sur les coutumes des Égyptiens de l’Antiquité.

3.2   La sculpture

À partir de la période prédynastique, marquée par la fabrication de statuettes en terre cuite et d'objets en os ou en ivoire, la sculpture égyptienne prend un nouvel essor. Sous le règne de Djoser (v. 2630-2611 av. J.-C.), les Égyptiens commencent à ériger de grandes statues à l’effigie de leurs rois, destinées à protéger l’esprit de ces derniers. La sculpture égyptienne peut être qualifiée de cubique et de frontale : le bloc de pierre est tout d’abord taillé en parallélépipède, puis le dessin de la silhouette tracé sur le devant et les deux côtés du bloc. Considérée comme une image intemporelle destinée à traduire l’essence du personnage représenté, la statue est conçue pour être regardée de face.

Alors même que l’anatomie humaine est déjà bien connue des sculpteurs depuis le début de la période dynastique, l’artiste égyptien, qui cherche à représenter une forme idéale, ne s’attache pas au mouvement dans le sens où nous l’entendons actuellement : les personnages en pied sont en effet saisis dans des positions statiques et c’est le recours à différents canons qui permet de signifier le mouvement (un pied s’avance) ou l’immobilité (les deux pieds sont joints). Les représentations des pharaons, notamment, sont idéalisées et dotées d’une grande dignité. Une statue de Khéphren, conservée au Musée égyptien du Caire, en offre un parfait exemple : le roi est assis sur un trône décoré de l’emblème des terres unifiées, les mains posées sur les genoux, la tête haute, les yeux fixés au loin. Sur son épaule se tient le dieu Horus aux traits de faucon, sa présence signifiant que le pharaon est lui-même « Horus incarné «, un dieu parmi les dieux. L’équilibre de cette statue de diorite et l’homogénéité de ses éléments constitutifs offrent une image imposante de la royauté divine.

La statuaire privée autorise pour sa part certaines variations, notamment dans le rendu du mouvement, sans déroger pour autant — sauf à de rares exceptions comme la statue du Scribe accroupi — à la règle de frontalité. Ces sculptures, dans un souci de réalisme traduit par l’emploi de la ronde-bosse, offrent toute une diversité de poses et de situations, les figures pouvant être représentées assises ou debout, statiques ou en mouvement, seules, en couple ou bien en groupe (qui représente alors le défunt et sa famille). Les œuvres utilisent différents matériaux : la pierre (statue du prince Rahotep et de son épouse Nofret, IVe dynastie, Musée égyptien, Le Caire), le bois (statue de Ka-âper, Ve dynastie, Musée égyptien, Le Caire) ou, plus rarement, le métal. Elles sont généralement peintes et les yeux sont réalisés à l’aide d’un autre matériau incrusté comme le cristal de roche, afin de renforcer l’expressivité du visage. Seules les personnes d’un certain rang peuvent s’offrir de telles statues, qui font appel à plusieurs corps de métiers ; mais il existe toutefois une statuaire plus modeste, consacrée aux situations de la vie quotidienne et aux petits métiers.

L’art du bas-relief, qui obéit également au principe de latéralité dans le mouvement — toujours régi par l’exigence de lisibilité —, a pour sa part deux fonctions essentielles : sur les murs des temples, les sculptures glorifient le pharaon ; à l’intérieur des tombeaux, elles figurent les offrandes qui accompagnent le défunt dans l’au-delà. Les décorations murales des salles des tombeaux privés évoquent généralement la vie passée du défunt. La technique de représentation de la silhouette humaine en deux dimensions, sculptée et quelquefois peinte, est dictée par le désir de préserver l’essence du défunt. La figuration courante montre la tête et le bas du corps de profil, tandis que l’œil et le torse se présentent de face. Chaque partie du corps doit, en effet, être reproduite sous son aspect le plus reconnaissable. Cette règle, ou canon, s’applique surtout au roi et aux membres de la noblesse ; lorsqu’il s’agit de serviteurs et de paysans, ces lois se font moins rigides.

Les bas-reliefs des chapelles et des mastabas offrent un enseignement assez complet sur la vie et les coutumes des Égyptiens. Les différents aliments et leur préparation, les soins apportés aux troupeaux, la capture des animaux sauvages, la construction de bateaux et les techniques propres à toutes sortes de métiers manuels y sont dépeints. Ces activités sont présentées sur les parois des salles funéraires en bandeaux ou en registres qui se lisent en-dehors de toute chronologie, chaque scène étant indépendante des autres. Les sculpteurs travaillent en équipe, chacun étant chargé d’une étape distincte de la réalisation. Dans l’Égypte ancienne, l’artiste, qui appartient à une corporation hautement respectée, est tenu de suivre scrupuleusement les règles établies.

3.3   Les arts décoratifs

La poterie richement décorée de la période prédynastique cède la place, sous l’Ancien Empire, à des réalisations dénuées d’ornements, souvent brunies en surface. Les objets usuels sont très variés, de la vaisselle de table jusqu’aux récipients de grande contenance ou aux cuves des brasseurs. Les bijoux, d’or et de pierres semi-précieuses, s’inspirent souvent de formes animales ou végétales, source d’inspiration constante des arts décoratifs tout au long de l’histoire de l’Égypte ancienne. À l’exception de quelques rares pièces — le fauteuil en bois incrusté d’or de la reine Hétephérès Ire épouse de Snéfrou et mère de Khéops (IVe dynastie), retrouvé dans son tombeau de Gizeh (Musée égyptien, Le Caire), est l’une des plus remarquables —, peu de meubles nous sont parvenus ; mais l’art funéraire fournit beaucoup d’informations sur la forme des chaises, des lits, des tabourets et des tables. De conception généralement très simple, ils sont souvent ornés de formes végétales et leurs pieds représentent fréquemment des pattes d’animaux.

Vers la fin de la VIe dynastie, le pouvoir central s’affaiblit. Les dignitaires locaux préfèrent désormais se faire inhumer dans leur propre province plutôt qu’à proximité du roi qu’ils ont servi. De cette époque date la plus ancienne statue de métal qui nous soit parvenue, une représentation en cuivre de Pépi Ier (v. 2289-2255 av. J.-C.) conservée au Musée égyptien du Caire. La première période intermédiaire, ou période des royautés multiples (de la VIIe dynastie au début de la XIe dynastie), correspond à une époque d’anarchie et de troubles. Les traditions artistiques de l’Ancien Empire tentent de se perpétuer, mais ce n’est qu’après la réunification du pays par les puissants souverains de Thèbes, entreprise par les Antef (v. 2150 av. J.-C.) et achevée par les Metouhotep, que l’activité artistique retrouve sa vigueur.

4   LE MOYEN EMPIRE

Mentouhotep Ier, premier pharaon de la XIe dynastie, est considéré comme le réunificateur de l’Égypte, et donc, à ce titre, comme le véritable fondateur du Moyen Empire (v. 2065-1781 av. J.-C.), que l’on fait toutefois généralement commencer après les Antef. Mais c’est son successeur, Mentouhotep II, qui serait à l’origine du renouveau stylistique de l’architecture funéraire. Il aurait fait édifier par le célèbre architecte Senmout, sur la rive ouest du Nil près de Thèbes, le vaste complexe funéraire situé dans le cirque rocheux de Deir el-Bahari et destiné à recevoir sa sépulture, celles de ses proches et celles de hauts dignitaires. Cet ensemble est constitué de plusieurs édifices, dont un temple à plate-forme niché dans le roc, à flanc de colline, le sommet de cette dernière faisant office de pyramide. Les autres caractéristiques nouvelles que fait apparaître cet ensemble funéraire, qui s'intègre à la perfection dans son cadre naturel, sont l’usage du péristyle (et plus généralement de la colonne) et la construction en terrasse comme composantes architecturales essentielles. Ce nouveau style trouve son expression la plus aboutie dans le temple que la reine Hatchepsout fait élever sur le même site (un peu plus au nord), quelque cinq cents ans plus tard. L’intérieur du temple de Mentouhotep II est décoré de reliefs représentant le roi en compagnie des dieux.

4.1   L’architecture

L’architecture du Moyen Empire, revenue à des proportions plus modestes, n’a guère laissé d'autres vestiges. Cependant, un petit pavillon de couronnement datant de Sésostris Ier (roi de 1964 à 1929 av. J.-C., XIIe dynastie) a été retrouvé dans l’un des pylônes du temple d’Amon-Rê à Karnak, construit postérieurement. Ses pierres avaient été réutilisées comme matériau de remplissage. Construite en calcaire blanc, cette petite chapelle (dite « chapelle blanche de Karnak «) est typique du style de l’époque. De forme cubique, construite selon la technique du linteau reposant sur des colonnes, cet édifice révèle une pureté de lignes et une maîtrise de proportions qui lui confèrent un caractère intemporel. Le décor des colonnes est constitué de reliefs délicats représentant le roi entouré des dieux.

4.2   La sculpture

La sculpture du Moyen Empire est souvent décrite comme tendant au réalisme. Cela se vérifie surtout à partir de la XIIe dynastie, les premières œuvres du Moyen Empire se contentant d’imiter celles de l’Ancien Empire, sans doute avec l’ambition de restaurer les vieilles traditions. À compter de cette époque, en effet, la sculpture manifeste un tout nouvel intérêt pour la vie terrestre. Les statues de Sésostris III et d’Amménémès III (XIIe dynastie) sont, de toute évidence, différentes de celles des rois de l’Ancien Empire.

La statuaire royale n’offre plus désormais de représentations idéalisées des pharaons, élevés au rang de dieux. Leur rôle politique, économique et guerrier se reflète désormais dans des figurations plus familières et plus humaines. Cela est particulièrement manifeste dans le rendu des visages. L’ossature se devine sous des traits tendus, d’un réalisme inconnu jusqu’alors dans l’art égyptien. De tout temps, les statues de personnages privés s’étaient inspirées du style royal et, tout naturellement, les portraits des nobles de la XIIe dynastie adoptent, elles aussi, ce réalisme austère.

4.3   La peinture

Durant le Moyen Empire, les nobles conservent l’habitude de faire édifier leur tombeau sur leur lieu de résidence, plutôt que dans la capitale du pharaon. Si nombre de ces tombes sont ornées de reliefs sculptés, comme les tombeaux d’Assouan dans le sud, celles de Beni-Hassan et d’El Bersha en Moyenne-Égypte ne sont en revanche décorées que de peintures. Les exemples qui subsistent sont le fruit du travail d’artisans locaux qui s’efforcent de respecter les normes des ateliers royaux. Certains types et certains motifs nouveaux voient alors le jour, mais les anciens canons pour les sujets et pour les compositions ne sont pas totalement abandonnés. Des peintures décorent également les cercueils de bois rectangulaires typiques de cette période.

4.4   Les arts décoratifs

Le Moyen Empire produit des œuvres remarquables dans le domaine des arts décoratifs, notamment des bijoux de métal précieux incrustés de turquoises et d’autres pierres de couleur. Cette joaillerie comprend des colliers, des plaques pectorales, des bagues et des diadèmes, où l'or est finement travaillé. La terre cuite émaillée sert à la fabrication d’amulettes et de petites figurines, notamment des hippopotames émaillés de bleu et décorés de plantes aquatiques peintes.

5   LE NOUVEL EMPIRE

Sous la XIIIe dynastie, le pouvoir royal s’affaiblit considérablement, les rois se succédant à un rythme rapide. La seconde période intermédiaire (XIIIe-XVIIe dynastie) est marquée de nouveau par l’instauration de royaumes divisés. Les Hyksos, venus du Proche-Orient, s’emparent de l’Égypte, prennent le pouvoir et édictent leurs lois. Cette invasion a durablement influé sur l’histoire de l’Égypte, car les Hyksos ont apporté avec eux des techniques orientales et ont modifié la vision que les Égyptiens avaient de leur territoire au sein du monde méditerranéen. À l’invasion Hyksos succède une nouvelle réunification de l’Égypte. Les étrangers sont chassés et un royaume unique est instauré, avec Thèbes pour capitale. Le Nouvel Empire (1550-1075 av. J.-C.), qui débute avec la XVIIIe dynastie, est une période de pouvoir fort, de prospérité et de grande influence, dont témoigne l’importance du commerce et des conquêtes militaires à l’étranger.

5.1   L’architecture

De la XVIIIe à la XXe dynastie, les pharaons sont de grands bâtisseurs d’édifices religieux. Amon, dieu tutélaire de Thèbes, fait l’objet d’une attention toute particulière et, du fait de la suprématie et du rayonnement de la cité, devient la divinité la plus vénérée d’Égypte. Les souverains du Nouvel Empire ajoutent presque tous leur propre édifice au complexe de Karnak, centre du culte d’Amon, qui devient l’un des sites religieux les plus importants de toute l’histoire de l’humanité. De gigantesques portails à pylônes, des cours bordées de colonnades et des salles à multiples colonnes, décorées d’obélisques et de statues, offrent un spectacle grandiose à l’image de la puissance du dieu. Par ailleurs, ce centre cérémoniel se présente comme un véritable livre ouvert qui retrace toute l’histoire du Nouvel Empire, chaque épisode marquant étant en effet consigné sur les bas-reliefs.

Sur la rive droite, près de la nécropole de Thèbes, sont construits de grands temples funéraires voués au culte des rois. Durant le Nouvel Empire, les dépouilles des souverains sont déposées dans des tombeaux creusés dans le roc dans la vallée des Rois, tandis que les temples funéraires sont édifiés à une certaine distance, hors de la vallée. Parmi ces temples, l’un des plus anciens et des plus insolites est le temple funéraire de Hatchepsout à Deir el-Bahari, construit entre 1478 et 1458 av. J.-C. par l’architecte royal Senmout. Adossé aux falaises du Nil, près du temple de Mentouhotep II dont il s’est probablement inspiré, le temple est un vaste édifice à trois terrasses, avec de nombreux sanctuaires dédiés aux divinités Hathor et Anubis, et des bas-reliefs décrivant les principaux événements du règne de Hatchepsout, dont une célèbre stèle relatant l'expédition qu'elle envoya au pays de Pount, l’actuelle Éthiopie, pour chercher des aromates. Ses successeurs n’ont cependant pas tous suivi son exemple, construisant leurs temples à la limite des terres cultivées, loin de la falaise.

Les tombes thébaines sont profondément creusées dans le roc des falaises de la vallée des Rois, dans une tentative — qui échoue parfois — de protéger la dernière demeure des rois des profanations et des pillages. Les longues galeries en pente, les escaliers et les chambres sont décorés de bas-reliefs et de peintures religieuses, destinés à protéger et à accompagner l’esprit dans sa vie ultérieure.

Durant la XIXe dynastie, Ramsès II, l’un des principaux bâtisseurs du Nouvel Empire, fait creuser dans le roc le gigantesque temple entièrement excavé d’Abou Simbel, flanqué de quatre statues colossales à son effigie. Entre 1964 et 1968, afin d’éviter sa submersion sous les eaux du haut barrage d’Assouan, la façade et les salles du temple dans leur totalité ont été déplacées vers le sommet.

À l’instar des périodes précédentes, l’architecture des palais et des demeures privées fait appel à la brique crue, pourtant périssable. Cependant, de nombreux vestiges témoignent de l’aspect de ces palais aux nombreuses pièces strictement agencées, aux murs, aux sols et aux plafonds couverts de peintures. Les demeures des classes supérieures sont organisées à l’intérieur d’une enceinte close autour des bâtiments résidentiels et des bâtiments de service. Des exemples d’habitat destiné aux ouvriers, regroupés en villages très semblables à ceux de l’Égypte moderne, ont également été exhumés.

5.2   La sculpture

Sous le Nouvel Empire, l’art sculptural évolue à nouveau, la stylisation sévère de l’Ancien Empire et le réalisme du Moyen Empire étant progressivement remplacés par un style raffiné, qui combine le sens de la noblesse avec une grande délicatesse de détails. Né sous les règnes de Hatchepsout et de Thoutmosis III, ce style atteint à l’époque d’Aménophis III une maturité, une grâce et une sensibilité qui ne seront jamais égalées, reflétant l’harmonieuse rencontre d’influences africaines et proches-orientales.

Sous le règne d’Akhenaton, fils d’Aménophis III, qui monte sur le trône en 1350 av. J.-C. sous le nom d'Aménophis IV, l’art reflète la profonde réforme religieuse décidée par le pharaon. Face à l’emprise politique et religieuse du clergé d’Amon-Rê, Aménophis IV prend le nom d'Akhenaton après quatre ans de règne. Il impose le culte unique du dieu Soleil Aton, à travers le symbole du disque solaire, et engage l’art dans une totale rupture avec le passé. Dans les premiers temps de son règne, les artistes, suivant les instructions du souverain, pratiquent un réalisme frisant la caricature, puis trouvent progressivement un style d’un subtil équilibre et d’une profonde sensibilité, qualités que l’on retrouve dans la tête de calcaire peint de Néfertiti, épouse d’Akhenaton (v. 1340 av. J.-C., Ägyptisches Museum, Berlin).

5.3   La peinture

Si, pour la décoration des édifices religieux, on emploie principalement la sculpture en ronde-bosse sous le Nouvel Empire, les peintures ont la préférence sur les parois des tombeaux privés. La nécropole de Thèbes fournit ainsi de précieux renseignements sur la lente évolution de la tradition artistique et sur l’histoire de cette période.

La peinture constitue pour les artistes un moyen d’expression beaucoup plus varié que la sculpture, en leur permettant de créer des tableaux colorés de la vie sur les bords du Nil. Les fresques dépeignent notamment le travail dans les ateliers royaux, avec des détails précis qui illustrent la fabrication de toutes sortes d’objets, des sculptures massives aux bijoux délicats, et décrivent également les rites funéraires, depuis la procession vers la tombe jusqu’aux dernières prières dédiées au défunt.

5.4   Les arts décoratifs

Arrivés à leur plus haut degré d’aboutissement, les arts décoratifs du Nouvel Empire rivalisent de perfection avec la sculpture et la peinture de cette même période. Les objets usuels de la cour et de la noblesse relèvent d’une technique très élaborée et montrent un dessin d’une extrême délicatesse. Ainsi les objets funéraires retrouvés dans la tombe, découverte en 1922, de Toutankhamon, dans lesquels les matériaux précieux — albâtre, ébène, or, ivoire et pierres semi-précieuses — sont combinés de manière complexe. De même la poterie du Nouvel Empire affiche une haute idée de la décoration, avec ses surfaces brillantes ornées le plus souvent de motifs floraux. Les peintures couvrant les parois des tombes et les objets décoratifs montrent bien à quel haut degré de raffinement la civilisation égyptienne est alors parvenue.

6   LA BASSE ÉPOQUE

Aux rois puissants des XVIIIe et XIXe dynasties et de la première partie de la XXe dynastie, qui, malgré leurs fastes, ont graduellement affaibli l'Égypte, succèdent des monarques moins ambitieux qui ne parviennent pas à maintenir l’unité et la stabilité du pays. Dernier grand pharaon de la XXe dynastie, Ramsès III (1184-1153 av. J.-C.) fait construire un immense temple funéraire sur la rive ouest du Nil, à Médinet-Habou, près de Thèbes, qui demeure l’un des mieux conservés. Une reproduction factice de palais jouxte le temple. Sur les parois sont consignés les événements politiques contemporains du règne de Ramsès III, comme sa célèbre victoire remportée sur les « Peuples de la mer «, mais également le déroulement des grandes cérémonies religieuses.

De la XXIe à la XXVe dynastie, la troisième période intermédiaire dure plus de quatre cents ans. Les rois sont alors installés à Saïs, à Tanis et à Boubastis dans le delta du Nil. Les dirigeants de la XXVe dynastie, qui parviennent une nouvelle fois à réunifier l’Égypte, sont les souverains du royaume de Koush, venus de Napata au Soudan (v. 775 av. J.-C.). Ils continuent d’adorer les dieux égyptiens et adoptent les coutumes locales, convaincus de leur devoir de restaurer la gloire de l’Égypte. Ces rois koush, qui ont toujours revendiqué la culture égyptienne, rénovent les temples et bâtissent de nouveaux édifices religieux. Ils associent à leur nom ceux des pharaons du passé, et leur art s’inspire des sujets et des motifs de monuments antérieurs. Ils importent même à Napata la pratique égyptienne d’inhumation des corps dans des pyramides. Durant leur règne, les Assyriens envahissent l’Égypte et mettent un terme à leur domination.

Les Assyriens se révèlent incapables de gouverner le pays ; leurs vassaux créent alors une nouvelle dynastie indigène à Saïs, qui gouverne pendant près de cent quarante ans et tente de restaurer le pouvoir des Koushites. Les arts sont, à cette époque, très florissants, la sculpture et le travail du bronze devenant de véritables industries. Des contacts s’établissent avec les Grecs, dont certains sont enrôlés comme mercenaires dans l’armée égyptienne. Une colonie juive s’installe également dans le Sud à Assouan, confirmant l’existence de relations entre les pharaons saïtes et les royaumes d’Israël et de Juda. L’art de la XXVIe dynastie réutilise de nombreuses formes anciennes, copiant souvent des motifs de monuments antérieurs. L’intérêt pour le portrait réaliste, déjà sensible durant la XXVe dynastie, s’intensifie alors et donne parfois naissance à des œuvres de grande qualité.

La XXVIe dynastie saïte s’achève avec l’invasion des Perses, et, mis à part quelques courtes périodes, l’Égypte reste désormais soumise à l’autorité étrangère. La conquête du pays par Alexandre le Grand en 332 av. J.-C. et par les Romains en 31 av. J.-C. marque l’entrée de l’Égypte dans le monde classique, bien que se perpétuent les anciennes traditions artistiques. Alexandre et ses successeurs sont représentés sur les murs des temples tels des pharaons, dans le style des bas-reliefs égyptiens. Sous la dynastie ptolémaïque, comme sous la domination romaine, les temples qui sont érigés restent fidèles aux principes architecturaux traditionnels de l’Égypte.

Enfin, l’art égyptien a exercé une influence considérable sur les cultures des envahisseurs de l’Égypte. Les artistes grecs lui doivent beaucoup, ainsi que les artistes romains influencés par les nombreuses œuvres égyptiennes rapportées à Rome.

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