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états généraux (France)

Publié le 11/02/2013

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1   PRÉSENTATION

états généraux (France), assemblée politique réunie à la discrétion du roi de France au bas Moyen Âge et sous l'Ancien Régime, généralement à l'occasion de graves crises (guerre de Cent Ans ou guerres de Religion), jusqu’à la Révolution française.

Assemblée des trois ordres de la société — clergé, noblesse et tiers état, lequel représente l'immense majorité du peuple (bourgeoisie, mais également artisans et paysans) —, les états généraux ont souvent été limités dans leurs prérogatives à simplement délivrer des conseils au monarque et à légitimer les nouvelles taxes royales. En revanche — et c’est la raison pour laquelle l’assemblée de 1789 tient une place particulière dans l’histoire de l’institution —, les états généraux convoqués en 1788 ont été les premiers à transcender les prérogatives royales et à imposer un changement, qui s’est avéré révolutionnaire.

2   LES ÉTATS GÉNÉRAUX À TRAVERS L’HISTOIRE
2.1   Naissance d’une institution

Les états généraux se réunissent pour la première fois le 10 avril 1302, lorsque le roi Philippe IV le Bel, en conflit avec le pape Boniface VIII, cherche à obtenir le soutien de son peuple. En affirmant leur fidélité au souverain, les membres de cette assemblée — constituée de représentants du clergé, de la noblesse et de la bourgeoisie des « bonnes villes « — obtiennent l’engagement royal de réformer le royaume. Ainsi, dès leur création, les états généraux sont-ils un lieu de négociations entre le roi et les représentants de son peuple.

Vu le succès de cette expérience, le souverain et ses successeurs utilisent alors avec habileté les états généraux qui sont néanmoins appelés sans régularité et restent régionaux en fonction de la langue parlée (langue d’oïl au nord et langue d’oc au sud). En des temps où guerres et politiques belliqueuses nécessitent un trésor royal toujours plus conséquent, le besoin de subsides que seuls les états sont habilités à concéder donne de plus en plus de poids à l’assemblée.

Aux XIVe et XVe siècles, l’institution est à son apogée. Ainsi, en 1317, Philippe le Long s’empare du pouvoir grâce à l’appui des états généraux. De même, Philippe VI de Valois, qui accède au trône parce qu’une assemblée de barons a entériné le principe de primogéniture masculine, doit garantir aux états généraux un contrôle sur les impôts. En revanche, les états généraux convoqués en 1322 pour la création d’un nouvel impôt refusent de satisfaire la demande royale. Durant la guerre de Cent Ans, les convocations sont assez régulières, voire annuelles entre 1355 et 1359. Et en cette période délicate pour la monarchie, les états imposent leur puissance, notamment en février 1357 : lorsqu’il est question de payer la rançon du roi Jean II le Bon (captif des Anglais depuis la défaite de Poitiers), ils s’opposent à tout nouvel impôt et tentent une réforme du régime monarchique.

De plus en plus contestataires, les états généraux cherchent à imposer des réunions régulières et réclament l’extension de leur rôle de conseil à un exécutif politique. Conscients des conséquences politiques d’une telle requête, les rois de France refusent invariablement. D’ailleurs, ces derniers, commençant à développer des sources de financement indépendantes, convoquent de moins en moins fréquemment les états, leur préférant des assemblées de notables choisis par le pouvoir central.

2.2   Les états deviennent nationaux

En 1484, Anne de Beaujeu, sœur du jeune roi Charles VIII, doit néanmoins convoquer à nouveau les états généraux afin d’écarter de la régence Louis d’Orléans (futur Louis XII) et d’asseoir son propre pouvoir auprès des princes contestataires. À cette occasion, les modalités d’organisation évoluent : les états se réunissent unanimement à Tours (désormais, la distinction linguistique n’entrave plus l’unicité du rassemblement) ; pour la première fois, le plat pays accède à la représentation (c’est-à-dire que le tiers état adjoint aux députés des bonnes villes ceux représentant les paysans et artisans) ; les députés sont directement désignés par l’ordre auquel ils appartiennent (et non plus par le pouvoir royal) ; enfin, les premiers cahiers de doléances apparaissent, sortes de recueils de vœux et de revendications.

Les états généraux prennent toutefois leur forme définitive au siècle suivant. Les convocations individuelles sont remplacées par des élections au niveau des bailliages et les députés sont regroupés en trois ordres ou états, disposant chacun d'une voix. Au sein de chaque ordre, des cahiers de doléances sont rédigés dans les paroisses et synthétisés au niveau des assemblées de bailliage, puis de province. La plupart du temps, les trois ordres travaillent séparément pendant les sessions des états généraux et rédigent leur propre cahier de doléances qu'ils présentent au roi.

Plusieurs réunions se tiennent pendant les guerres de Religion (1560-1561 à Orléans, 1576-1577 et 1588-1589 à Blois, et 1593-1594 à Paris), les deux dernières portant sur le moyen d’écarter le huguenot Henri de Navarre de la succession au trône. Une fois son pouvoir assis, Henri IV ne convoque plus les états qui sont cependant réunis après sa mort, sous la régence de Marie de Médicis. Durant cette réunion de 1614, les rivalités entre le clergé, la noblesse et le tiers état (en majorité des bourgeois possédant des offices royaux) discréditent grandement l'institution et accroissent l'autorité royale. Durant la minorité de Louis XIV — autre grande période de contestation du pouvoir monarchique —, la Fronde impose une nouvelle convocation des états, qui ne sont finalement pas réunis.

3   LE CAS DES ÉTATS GÉNÉRAUX DE 1789
3.1   Une convocation plus attendue

En 1788, la monarchie est dans une situation critique : la grave crise agricole qui suit un hiver particulièrement rigoureux annonce la disette dans les campagnes comme dans les villes ; une crise financière fait suite à la participation française à la guerre d’Indépendance américaine (1755-1782) ; et les solutions proposées par les ministres successifs (Jacques Turgot, Jacques Necker et Charles-Alexandre de Calonne) se heurtent systématiquement à la résistance de l’aristocratie qui refuse de contribuer au renflouement des caisses royales.

Les nobles en appellent à l’opinion publique pour réclamer la convocation d’états généraux et de véritables émeutes commencent à secouer le pays — notamment les épisodes dauphinois de la journée des Tuiles (7 juin 1788, à Grenoble) et de la constitution d’une assemblée à Vizille (21 juillet). Alors que nombre d’aristocrates souhaitent empêcher la levée de nouveaux impôts et réduire le pouvoir royal à leur profit, les « patriotes «, imprégnés de l’esprit des Lumières, espèrent pour leur part profiter de l'occasion pour créer une monarchie constitutionnelle. Aussi, le 8 août 1788, près de deux siècles après la dernière réunion de 1614, les états généraux sont-ils de nouveau appelés par un décret de Loménie de Brienne.

3.2   Neuf mois conflictuels de préparation

Lors de la campagne précédant les élections aux états généraux, la censure est suspendue, et un flot de pamphlets exprimant des idées inspirées des Lumières circule — dont le plus illustre demeure le court libelle de l’abbé Sieyès, Qu’est-ce que le Tiers état ?. Le ministre Jacques Necker, rappelé par Louis XVI, obtient le 27 décembre 1788 le doublement de la représentation du tiers état (en majorité des bourgeois), qui doivent disposer d’autant de députés que la noblesse et le clergé réunis : le tiers état bénéficiera de 578 députés, contre 291 pour le clergé et 270 pour la noblesse. Dans toutes les paroisses du royaume, des cahiers de doléances adressés au roi sont rédigés, réclamant la suppression des privilèges et un accroissement du rôle des états généraux.

Malgré l’opposition de la plupart des nobles, les élections se tiennent à la fin de l’hiver. Les représentants du tiers élus sont majoritairement issus des professions libérales (avocats, journalistes), tandis que la représentation de l'Église est dominée par le bas clergé. Arrivés le 2 mai à Versailles, les députés participent à une procession solennelle au cours de laquelle émergent les premiers malaises (face au faste des tenues de la noblesse et du haut clergé, le tiers doit porter un avilissant uniforme sombre). De surcroît, le doublement du tiers appelle en toute logique le remplacement du vote par ordre par le vote par tête. Suscitant à son tour de violentes polémiques, la question n’est toujours pas réglée lors de l’ouverture des états généraux.

3.3   Des contradictions dès l’ouverture

La réunion s'ouvre le 5 mai 1789 dans la salle des Menus-Plaisirs aménagée pour l’occasion, située face au château de Versailles. Pour cette séance d’ouverture que préside le roi, les députés des trois ordres sont tous présents : les représentants du clergé à la droite de Louis XVI (dont quelques « patriotes « tels l’abbé Grégoire et Talleyrand), ceux de la noblesse à sa gauche (avec comme grandes figures le marquis de La Fayette, le richissime duc d’Aiguillon et le duc de La Rochefoucauld-Liancourt), et face au trône royal, la masse des députés du tiers état (notamment l’astronome Jean Sylvain Bailly, les avocats Antoine Barnave et Jean Joseph Mounier, et un aristocrate déchu, le comte de Mirabeau). Un court discours du roi est suivi d’un exposé sur les difficultés financières de la couronne, prononcé trois heures durant par le ministre Necker. Les « patriotes « quittent la salle, déçus.

Lors de la vérification des pouvoirs des députés, le tiers état conteste le vote par ordre et propose aux députés des autres ordres de se joindre à lui pour former une chambre unique. Sans réponse du roi quant aux modalités de vote, il essuie un refus des deux autres états. Dès le lendemain, chaque ordre se réunit séparément tandis que démarre une épreuve de force entre partisans du vote par tête et ceux du vote par ordre. La lutte dure six semaines ; six semaines durant lesquelles, selon le publiciste monarchiste Jacques Mallet du Pan, « le débat public a changé de face. Il ne s’agit plus que très secondairement du despotisme et de la Constitution, c’est une guerre entre le tiers état et les deux autres ordres. «

Finalement, le tiers état décide de procéder seul aux travaux de vérifications. Rejoint par quelques membres du bas clergé, il se décrète « Assemblée nationale « sur une proposition de l’abbé Sieyès, le 17 juin 1789. Deux jours plus tard, une grande partie du clergé et les nobles patriotes rallient la nouvelle assemblée. Le 20 juin, les députés se présentent à la salle des Menus-Plaisirs et trouvent la porte close. Craignant une manœuvre du roi et leur renvoi prochain, ils décident de s’installer dans la salle voisine du Jeu de paume : c’est là qu’ils jurent de ne pas se séparer avant d'avoir donné une constitution à la France. Sous la pression, le roi doit céder sur le vote par tête et appelle le reste du clergé et de la noblesse à se joindre au tiers état, le 27 juin. La réunion des trois ordres abolissant de fait le privilège, la Révolution est désormais enclenchée.

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