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Froissart, Chroniques (extrait)

Publié le 13/04/2013

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La Jacquerie — du nom de Jacques Bonhomme, personnage du folklore représentant le paysan ridicule et souvent bestial — qui saisit les campagnes d’Île-de-France en mai et juin 1358 donne lieu à des massacres et des pillages que les chroniqueurs de la guerre de Cent Ans se sont empressés de décrire. Le poète et chroniqueur Jean Froissart a témoigné de cette flambée de fureur de paysans excédés par les pillages de troupes armées à la suite de l’arrivée dans le Bassin parisien de bandes anglo-navarraises, mais également excédés par les exigences fiscales de la monarchie. Ces Chroniques, inspirées en partie de Jean le Bel, sont un témoignage sanglant des événements.

Chroniques de Jean Froissart (chapitre 65)

 

Comment les communes de Beauvoisin et en plusieurs autres parties de France mettoient à mort tous gentils hommes et femmes qu’ils trouvoient

 

 

Assez tôt après la délivrance du roi de Navarre, advint une grand’merveilleuse tribulation en plusieurs parties du royaume de France, si comme en Beauvoisin, en Brie et sur la rivière de Marne, en Valois, en Laonois, en terre de Coucy et entour Soissons. Car aucunes gens des villes champêtres, sans chef, s’assemblèrent en Beauvoisin ; et ne furent mie cent hommes les premiers ; et dire que tous les nobles du royaume de France, chevaliers et écuyers, honnissoient et trahissoient le royaume, et que ce seroit grand bien qui tous les détruiroit. Et chacun d’eux dit : « Il dit voir ! Il dit voir ! honni soit celui par qui il demeurera que tous les gentils hommes ne soient détruits ! « Lors se assemblèrent et s’en allèrent, sans autre conseil et sans nulles armures, fors que de bâtons ferrés et de couteaux, en la maison d’un chevalier qui près de là demeuroit. Si brisèrent la maison et tuèrent le chevalier, la dame et les enfans, petits et grands, et perdirent la maison. Secondement ils s’en allèrent en un autre fort chastel et firent pis assez : car ils prirent le chevalier et le lièrent à une estache bien et fort, et violèrent sa femme et sa fille les plusieurs, voyant le chevalier ; puis tuèrent la femme qui étoit enceinte et grosse d’enfant, et sa fille, et tous les enfans, et puis le dit chevalier grand martyre, et ardirent et abattirent le chastel. Ainsi firent-ils en plusieurs chasteaux et bonnes maisons. Et multiplièrent tant que ils furent bien six mille ; et partout là où ils venoient leur nombre croissoit ; car chacun de leur semblance les suivoit. Si que chacun chevalier, dames et écuyers, leurs femmes et leurs enfans, les suivoient ; et emportoient les dames et les damoiselles leurs enfans dix ou vingt lieues de loin, où ils se pouvoient garantir ; et laissoient leurs maisons toutes vagues et leur avoir dedans ; et ces méchans gens assemblés sans chef et sans armures roboient et ardoient tout, et tuoient et efforçoient et violoient toutes dames et pucelles sans pitié et sans mercy, ainsi comme chiens enragés. [...]

 

 

Source : Historiens et chroniqueurs du Moyen Âge, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade «, 1952.

 

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