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G. W. Leibniz: Vouloir vouloir et pouvoir vouloir.

Publié le 22/02/2012

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Philalèthe : En faisant l'homme libre de cette sorte, je veux dire, en faisant que l'action de vouloir dépende de sa volonté, il faut qu'il y ait une autre volonté ou faculté de vouloir antérieure pour déterminer les actes de cette volonté et une autre pour déterminer celle-là, et ainsi à l'infini; car où que l'on t'arrête, les actions de la dernière volonté ne sauraient être libres. Théophile : Il est vrai qu'on parle peu juste lorsqu'on parle comme si nous voulions vouloir. Nous ne voulons point vouloir, mais nous voulons faire, et si nous voulions vouloir nous voudrions vouloir vouloir, et cela irait à l'infini; cependant il ne faut point dissimuler que par des actions volontaires nous contribuons souvent indirectement à d'autres actions volontaires, et quoiqu'on ne puisse point vouloir ce qu'on veut, comme on ne peut pas même juger ce qu'on veut, on peut pourtant faire en sorte par avance qu'on juge ou veuille avec le temps ce qu'on souhaiterait de pouvoir vouloir ou juger aujourd'hui. On s'attache aux personnes, aux lectures et aux conditions favorables à un certain parti, on ne donne point attention à ce qui vient du parti contraire, et par ces adresses et mille autres qu'on emploie le plus souvent sans dessein formé et sans y penser, on réussit à se tromper, ou du moins à se changer, et à se convertir ou pervertir selon qu'on a rencontré. Philalèthe : Puis donc qu'il est évident que l'homme n'est pas en liberté de vouloir vouloir ou non, la première chose qu'on demande après cela, c'est si l'homme est en liberté de vouloir, lequel des deux il lui plaît, le mouvement par exemple ou le repos? Mais cette question est si visiblement absurde en elle-même qu'elle peut suffire à convaincre quiconque y fera réflexion que la liberté ne concerne dans aucun cas la volonté : car demander si un homme est en liberté de vouloir lequel il lui plaît, du mouvement ou du repos, de parler ou de se taire, c'est demander si un homme peut vouloir ce qu'il veut ou se plaire à ce quoi il se plaît, question qui, à mon avis, n'a pas besoin de réponse. Théophile : II est vrai, avec tout cela, que les hommes se font une difficulté ici qui mérite d'être résolue. Ils disent qu'après avoir tout connu et tout considéré, il est encore dans leur pouvoir de vouloir, non pas seulement ce qui plaît le plus, mais encore tout le contraire, seulement pour montrer leur liberté. Mais il faut considérer qu'encore que ce caprice ou entêtement ou du moins cette raison, qui les empêche de suivre les autres raisons, entre dans la balance, et leur fait plaire ce qui ne leur plairait point sans cela, le choix est toujours déterminé par la perception. On ne veut donc point ce qu'on voudrait, mais ce qui plaît, quoique la volonté puisse contribuer indirectement et comme de loin à faire que quelque chose plaise ou ne plaise point, comme j'ai déjà remarqué. Et les hommes ne démêlant guère toutes ces considérations distinctes, il n'est pas étonnant qu'on s'embrouille tant l'esprit sur cette matière, qui a beaucoup de replis cachés. G. W. Leibniz.

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