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George Bush a gagné ses premiers galons auprès de l'opinion américaine

Publié le 17/01/2022

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11 septembre 2001 IL Y A moins d'un an, dans nos colonnes, Woody Allen expliquait pourquoi il voterait Gore plutôt que Bush à l'élection présidentielle du 7 novembre. Al Gore, certes, était « falot ». Mais George Bush, lui, était « inepte », voire « parfaitement inapte à diriger une grande nation ». Depuis Rome, où il présentait son dernier film, le cinéaste a reconnu jeudi que les circonstances l'avaient amené à modifier son jugement. Depuis les attentats du 11 septembre, a-t-il dit, George Bush a manifesté « une bonne appréciation de la complexité du problème ». Le président s'est rendu compte « que ce n'est pas seulement un problème militaire mais aussi un problème social, éc o nomique et politique ». Woody Allen n'est pas un cas isolé. Le matin du 11 septembre, 45 % des Américains, d'après les sondages, n'étaient pas encore tout à fait convaincus que le président qu'ils avaient si mal élu était « à la hauteur ». Deux jours plus tard, le 13 septembre, ils étaient 78 % à lui faire confiance. Vendredi 21 septembre, au lendemain d'une allocution solennelle devant le Congrès, conclue sous les applaudissements de parlementaires galvanisés, M. Bush recueillait 91 % d'opinions favorables, selon un sondage ABC News/ Washington Post ; un score légèrement supérieur à ceux de son père après la guerre du Golfe ou de Roosevelt après le bombardement de Pearl Harbor en 1941. « Autant il aurait été préférable d'avoir un Gore président pour le salut du protocole de Kyoto, autant il vaut peut-être mieux un Bush pour conduire cette guerre », écrit l'hebdomadaire Time Magazine. RHÉTORIQUE REAGANIENNE A quoi attribuer une telle adhésion ? Il ne faut pas sous-estimer, probablement, les conséquences psychologiques du drame, le post - traumatic stress disorder, cet état de choc qui frappe les témoins d'une catastrophe, modifie leur perception et les empêche de penser à autre chose. L'un des traits de ce « désordre » est d'embellir la réalité, de mettre en veilleuse l'esprit critique. Avec ses images live, la télévision semble avoir donné au stress post-traumatique une dimension universelle. Au point que la Croix-Rouge américaine a fini par demander à la population d'essayer de se détacher des écrans. Selon une enquête du Pew Research Center, 72 % des Américains se déclarent dépressifs depuis les attentats, la moitié font état de problèmes de concentration et un sur trois de troubles du sommeil. Le présentateur vedette de CBS, Dan Rather, trente ans de métier, s'est lui-même effondré en larmes devant les caméras. Avant de se ranger derrière M. Bush. « J'irai me mettre dans les rangs. Il n'a qu'à me dire où. » Au-delà de l'émotionnel, le président Bush a aussi été jugé rassurant, et responsable, une fois passée la nervosité initiale. Si sa rhétorique reaganienne du Bien et du Mal a irrité en Europe, elle n'a pas été retenue contre lui aux Etats-Unis, où c'est plutôt la colère froide et « inextinguible » qui a sonné juste. « Il a projeté une honnêteté que les Américains avaient envie de voir », a dit l'ancien collaborateur de Bill Clinton, John Podesta. Quand M. Bush a utilisé une expression particulièrement mal venue dans le contexte - « cette croisade, cette guerre contre le terrorisme, va prendre du temps » -, ses compatriotes n'ont pas eu de peine, ayant le souvenir de l'époque pas si lointaine de ses « bushismes », à se laisser convaincre qu'il l'avait employée par ignorance historique... « Le président a employé le terme dans son sens traditionnel en anglais, a rectifié son porte- parole. Croisade : une vaste cause. » Même indulgence pour le repli prudent du président, le jour des attentats, sur une base militaire du Nebraska. Effectuée sur les conseils de Dick Cheney, le vice-président désormais surnommé « ministre de la guerre », cette retraite ne semble pas avoir été perçue comme une couardise par l'opinion. « Le pays s'est rallié au président. Et même ceux qui avaient souhaité un peu plus d'éloquence, au début, n'ont ensuite plus voulu entendre un mot contre lui », a écrit le Washington Post. Le président a sans doute aussi bénéficié de l'impression de tranchant et d'organisation qui s'est dégagée de son équipe. Dès le mercredi, alors que l'incendie du Pentagone n'était pas encore éteint, la réponse de la Maison Blanche se développait sur plusieurs fronts : diplomatique, parlementaire et judiciaire. Colin Powell ébauchait les contours d'une « coalition » antiterroriste, qui prenait de court quelques diplomates des plus chevronnés - « une coalition ? Avec l'Iran ? » -, le FBI publiait les noms des 19 pirates de l'air présumés. La situation avait été évaluée, les formules étaient prêtes - « la première guerre du XXIe siècle » -, le Congrès saisi d'une déclaration de « guerre », le périmètre de l'information était délimité, etc. BON SENS TEXAN Mais c'est lorsqu'il a laissé tomber les phrases toutes faites que George Bush a acquis une stature de « leader », estiment Newsweek ou The Economist. Les Américains ont alors entendu un langage direct, des formules sentant le bon sens texan - « enfumer les terroristes pour les faire sortir de leur terrier » - des expressions de cow-boy, si l'on veut, mais surtout de « regular guy », de M Tout-le-Monde : « Le jour où je passerai à l'action, a-t-il dit - sans grande modestie - à des parlementaires, je ne vais pas aller tirer un missile à 2 millions de dollars sur une tente vide à 10 dollars pour atteindre le cul d'un chameau. Ce sera décisif »... Debout sur les gravats du World Trade Center, le 14 septembre, un bras autour de l'épaule d'un pompier, le président a réconforté ses compatriotes. Le discours à la nation de jeudi a confirmé qu'il s'était élevé « à la hauteur du défi », a commenté le New York Times. En moins de six mois de présidence, George Bush l'unilatéraliste s'était aliéné la quasi-totalité de la planète. Le 11 septembre lui a apporté une cause qui fait l'unanimité.

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