La manie du progrès Gustave FLAUBERT

La manie du progrès

 Gustave FLAUBERT

1821 - 1880

Bouvard et Pécuchet (1881)

Bouvard et Pécuchet, deux amis à la retraite, S'intéressent aux sciences et aux techniques de leur époque.

Bouvard avait, très souvent, besoin de faire arranger ses outils chez le forgeron.

Un jour qu'il s'y rendait, il fut accosté par un homme portant sur le dos un sac de toile, et qui lui proposa des almanachs, des livres pieux, 5 des médailles bénites, enfin le Manuel die la Santé, par François Raspail.

Cette brochure lui plut tellement, qu'il écrivit à Barberon1 de lui envoyer le grand ouvrage. Barberou l'expédia, et indiquait, dans sa lettre, une pharmacie pour les médicaments.

La clarté de la doctrine les séduisit. Toutes les affections proviennent des vers. Ils gâtent les dents, creusent les poumons, dilatent le foie, ravagent les intestins, et y causent des bruits. Ce qu’il y a de mieux pour s'en délivrer, c'est le camphre2. Bouvard et Pécuchet l'adoptèrent. Ils en prisaient, ils en croquaient et distribuaient des cigarettes, des flacons d'eau sédative et des pilules d'aloès. Ils entreprirent même la 15 cure d'un bossu.

C'était un enfant qu'ils avaient rencontré un jour de foire. Sa mère, une mendiante, l'amenait chez eux tous les matins. Ils frictionnaient sa bosse avec de la graisse camphrée, y mettaient pendant vingt minutes un cataplasme de moutarde, puis la recouvraient de diachylum3, et 20 pour être sûrs qu'il reviendrait, lui donnaient à déjeuner.

1. Une de leurs connaissances à Parts. - 2. Subsrance issue du camphrier et utilisée dans les préparations pharmaceutiques. — 3. Sorte de sparadrap.

• Comment se manifeste l'intérêt de Bouvard et Pécuchet pour la médecine?

• Quelle vision de la médecine se font les deux personnages?

I

• Quels éléments montrent que le narrateur tourne en ridicule ces deux personnages?