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Le mot "triste" dans l'oeuvre de DESCARTES

Publié le 12/08/2010

Extrait du document

descartes

ABREGE DE LA MUSIQUE, L'objet de la musique est le son.

 car il est certain qu'on peut composer des airs qui seront tout ensemble tristes et agréables ;

  ABREGE DE LA MUSIQUE, Du nombre et du temps qu'on doit observer dans les sons.

Pour ce qui regarde les différentes passions que la musique peut exciter en nous par la seule variété des mesures, je dis en général qu'une mesure lente produit en nous des passions lentes, telles que peuvent être la langueur, la tristesse, la crainte et l'orgueil, etc.

  DISCOURS DE LA METHODE, Quatrième partie.

 Comme je voyais que le doute, l'inconstance, la tristesse, et choses semblables, n'y pouvaient être, vu que j'eusse été moi-même bien aise d'en être exempt.

  L'HOMME.

 et en celle qui est requise pour causer le sentiment de la tristesse, quand ce sang a des qualités toutes contraires.

 L'humeur triste est composée de la tardiveté et de l'inquiétude, et peut être augmentée par la malignité et la timidité.

 et même celles qui lui pourront faire sentir le chatouillement, la douleur, la faim, la soif, la joie, la tristesse, et autres telles passions.

 ainsi que souvent une même action qui nous est agréable lorsque nous sommes en bonne humeur, nous peut déplaire lorsque nous sommes tristes et chagrins.

 ni comment, au contraire, le silence, la tristesse, l'humidité de l'air, et choses semblables, l'y invitent.

  MEDITATIONS METAPHYSIQUES, Méditation Sixième.

 Et outre ce plaisir et cette douleur, je ressentais aussi en moi la faim, la soif, et d'autres semblables appétits, comme aussi de certaines inclinations corporelles vers la joie, la tristesse, la colère, et autres semblables passions.

 Mais quand j'examinais pourquoi de ce je ne sais quel sentiment de douleur suit la tristesse en l'esprit, et du sentiment de plaisir naît la joie, ou bien pourquoi cette je ne sais quelle émotion de l'estomac, que j'appelle faim, nous fait avoir envie de manger, et la sécheresse du gosier nous fait avoir envie de boire, et ainsi du reste, je n'en pouvais rendre aucune raison, sinon que la nature me l'enseignait de la sorte ;

 car il n'y a certes aucune affinité ni aucun rapport (au moins que je puisse comprendre) entre cette émotion de l'estomac et le désir de manger, non plus qu'entre le sentiment de la chose qui cause de la douleur, et la pensée de tristesse qui fait naître ce sentiment.

  LES PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE, PREMIERE PARTIE, Art. 48.

, comme aussi les émotions ou les passions de l'âme qui ne dépendent pas de la pensée seule, comme l'émotion à la colère, à la joie, à la tristesse, à l'amour, etc.

  LES PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE, QUATRIEME PARTIE, Art. 190.

 Le second comprend la joie, la tristesse, l'amour, la colère, et toutes les autres passions ;

 Tout de même, lorsque le sang est si grossier qu'il ne coule et ne se dilate qu'à peine dans le coeur, il excite dans les mêmes nerfs un mouvement tout autre que le précédent, et qui est institué de la nature pour donner à l'âme le sentiment de la tristesse, bien que souvent elle ne sache pas elle-même ce que c'est qui fait qu'elle s'attriste ;

  LES PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE, QUATRIEME PARTIE, Art. 197.

 Sur un même papier, avec la même plume, et la même encre, en remuant tant soit peu le bout de la plume en certaine façon, vous tracez des lettres qui font imaginer des combats, des tempêtes, ou des furies, à ceux qui les lisent, et qui les rendent indignés ou tristes ;

  LES PASSIONS DE L'AME, PREMIERE PARTIE, ARTICLE 26.

 mais, encore qu'on soit endormi et qu'on rêve, on ne saurait se sentir triste ou ému de quelque autre passion, qu'il ne soit très vrai que l'âme a en soi cette passion.

  LES PASSIONS DE L'AME, SECONDE PARTIE, ARTICLE 51.

 Or, encore qu'elles puissent quelquefois être causées par l'action de l'âme, qui se détermine à concevoir tels ou tels objets, et aussi par le seul tempérament du corps ou par les impressions qui se rencontrent fortuitement dans le cerveau, comme il arrive lorsqu'on se sent triste ou joyeux sans en pouvoir dire aucun sujet, il paraît néanmoins, par ce qui a été dit, que toutes les mêmes peuvent aussi être excitées par les objets qui meuvent les sens, et que ces objets sont leurs causes les plus ordinaires et principales ;

  LES PASSIONS DE L'AME, SECONDE PARTIE, ARTICLE 61.

Et la considération du bien présent excite en nous de la joie, celle du mal, de la tristesse, lorsque c'est un bien ou un mal qui nous est représenté comme nous appartenant.

  LES PASSIONS DE L'AME, SECONDE PARTIE, ARTICLE 62.

 Mais si nous les en estimons indignes, le bien excite l'envie, et le mal la pitié, qui sont des espèces de tristesse.

  LES PASSIONS DE L'AME, SECONDE PARTIE, ARTICLE 67.

Et quelquefois la durée du bien cause l'ennui ou le dégoût, au lieu que celle du mal diminue la tristesse.

 Enfin, du bien passé vient le regret, qui est une espèce de tristesse, et du mal passé vient l'allégresse, qui est une espèce de joie.

  LES PASSIONS DE L'AME, SECONDE PARTIE, ARTICLE 69.

 l'admiration, l'amour, la haine, le désir, la joie et la tristesse ;

  LES PASSIONS DE L'AME, SECONDE PARTIE, ARTICLE 87.

 au lieu que le même désir, lorsqu'on tend à s'éloigner du mal contraire à ce bien, est accompagné de haine, de crainte et de tristesse ;

  LES PASSIONS DE L'AME, SECONDE PARTIE, ARTICLE 92.

La tristesse est une langueur désagréable en laquelle consiste l'incommodité que l'âme reçoit du mal, ou du défaut que les impressions du cerveau lui représentent comme lui appartenant.

 Et il y a aussi une tristesse intellectuelle qui n'est pas la passion, mais qui ne manque guère d'en être accompagnée.

  LES PASSIONS DE L'AME, SECONDE PARTIE, ARTICLE 93.

Or, lorsque la joie ou la tristesse intellectuelle excite ainsi celle qui est une passion, leur cause est assez évidente ;

 et on voit de leurs définitions que la joie vient de l'opinion qu'on a de posséder quelque bien, et la tristesse, de l'opinion qu'on a d'avoir quelque mal ou quelque défaut.

 Mais il arrive souvent qu'on se sent triste ou joyeux sans qu'on puisse ainsi distinctement remarquer le bien ou le mal qui en sont les causes ;

  LES PASSIONS DE L'AME, SECONDE PARTIE, ARTICLE 94.

 et l'on se sent triste en même façon lorsque le corps est indisposé, encore qu'on ne sache point qu'il le soit.

 Ainsi le chatouillement des sens est suivi de si près par la joie, et la douleur par la tristesse, que la plupart des hommes ne les distinguent point.

 C'est presque la même raison qui fait qu'on prend naturellement plaisir à se sentir émouvoir à toutes sortes de passions, même à la tristesse et à la haine, lorsque ces passions ne sont causées que par les aventures étranges qu'on voit représenter sur un théâtre, ou par d'autres pareils sujets, qui, ne pouvant nous nuire en aucune façon, semblent chatouiller notre âme en la touchant.

 Et la cause qui fait que la douleur produit ordinairement la tristesse est que le sentiment qu'on nomme douleur vient toujours de quelque action si violente qu'elle offense les nerfs ;

  LES PASSIONS DE L'AME, SECONDE PARTIE, ARTICLE 97.

Or, en considérant les diverses altérations que l'expérience fait voir de notre corps pendant que notre âme est agitée de diverses passions, je remarque en l'amour, quand elle est seule, c'est-à-dire, quand elle n'est accompagnée d'aucune forte joie, ou désir, ou tristesse, que le battement du pouls est égal et beaucoup plus grand et plus fort que de coutume ;

  LES PASSIONS DE L'AME, SECONDE PARTIE, ARTICLE 100.

En la tristesse, que le pouls est faible et lent, et qu'on sent comme des liens autour du coeur, qui le serrent, et des glaçons qui le gèlent et communiquent leur froideur au reste du corps ;

 et que cependant on ne laisse pas d'avoir quelquefois bon appétit et de sentir que l'estomac ne manque point à faire son devoir, pourvu qu'il n'y ait point de haine mêlée avec la tristesse.

  LES PASSIONS DE L'AME, SECONDE PARTIE, ARTICLE 105.

Au contraire, en la tristesse les ouvertures du coeur sont fort rétrécies par le petit nerf qui les environne, et le sang des veines n'est aucunement agité, ce qui fait qu'il en va fort peu vers le coeur ;

 et cependant les passages par où le suc des viandes coule de l'estomac et des intestins vers le foie demeurent ouverts, ce qui fait que l'appétit ne diminue point, excepté lorsque la haine, laquelle est souvent jointe à la tristesse, les ferme.

  LES PASSIONS DE L'AME, SECONDE PARTIE, ARTICLE 110.

Quelquefois, au contraire, il est arrivé que le corps a eu faute de nourriture, et c'est ce qui doit faire sentir à l'âme sa première tristesse, au moins celle qui n'a point été jointe à la haine.

 C'est pourquoi les mouvements des esprits et des nerfs qui servent à étrécir ainsi les orifices du coeur et à y conduire du sang de la rate accompagnent toujours la tristesse.

  LES PASSIONS DE L'AME, SECONDE PARTIE, ARTICLE 116.

La tristesse, au contraire, en étrécissant les orifices du coeur, fait que le sang coule plus lentement dans les veines, et que, devenant plus froid et plus épais, il a besoin d'y occuper moins de place ;

 en sorte que, se retirant dans les plus larges, qui sont les plus proches du coeur, il quitte les plus éloignées, dont les plus apparentes étant celles du visage, cela le fait paraître pâle et décharné, principalement lorsque la tristesse est grande ou qu'elle survient promptement, comme on voit en l'épouvante, dont la surprise augmente l'action qui serre le coeur.

  LES PASSIONS DE L'AME, SECONDE PARTIE, ARTICLE 117.

Mais il arrive souvent qu'on ne pâlit point étant triste, et qu'au contraire on devient rouge.

 Ce qui doit être attribué aux autres passions qui se joignent à la tristesse, à savoir [à l'amour] ou au désir, et quelquefois aussi à la haine.

 Ces passions échauffant ou agitant le sang qui vient du foie, des intestins et des autres parties intérieures, le poussent vers le coeur, et de là, par la grande artère, vers les veines du visage, sans que la tristesse qui serre de part et d'autre les orifices du coeur le puisse empêcher, excepté lorsqu'elle est fort excessive.

 Ceci paraît principalement en la honte, laquelle est composée de l'amour de soi-même, et d'un désir pressant d'éviter l'infamie présente, ce qui fait venir le sang des parties intérieures vers le coeur, puis de là par les artères vers la face, et avec cela d'une médiocre tristesse qui empêche ce sang de retourner vers le coeur.

 car, comme je dirai ci-après, c'est l'amour joint à la tristesse qui cause la plupart des larmes.

 Et le même parait en la colère, où souvent un prompt désir de vengeance est mêlé avec l'amour, la haine et la tristesse.

  LES PASSIONS DE L'AME, SECONDE PARTIE, ARTICLE 118.

 La première cause paraît en la tristesse et en la peur, comme aussi lorsqu'on tremble de froid, car ces passions peuvent, aussi bien que la froideur de l'air, tellement épaissir le sang qu'il ne fournisse pas assez d'esprits au cerveau pour en envoyer dans les nerfs.

  LES PASSIONS DE L'AME, SECONDE PARTIE, ARTICLE 121.

Il est vrai que la haine, la tristesse et même la joie peuvent causer aussi quelque langueur lorsqu'elles sont fort violentes, à cause qu'elles occupent entièrement l'âme à considérer leur objet, principalement lorsque le désir d'une chose à l'acquisition de laquelle on ne peut rien contribuer au temps présent est joint avec elle.

  LES PASSIONS DE L'AME, SECONDE PARTIE, ARTICLE 123.

Il semble qu'une grande tristesse qui survient inopinément doit tellement serrer les orifices du coeur qu'elle en peut aussi éteindre le feu ;

  LES PASSIONS DE L'AME, SECONDE PARTIE, ARTICLE 125.

 Car on trouve par expérience que lorsqu'on est extraordinairement joyeux, jamais le sujet de cette joie ne fait qu'on éclate de rire, et même on ne peut pas si aisément y être invité par quelque autre cause, que lorsqu'on est triste ;

  LES PASSIONS DE L'AME, SECONDE PARTIE, ARTICLE 126.

 Et ceux dont la rate n'est pas bien saine sont sujets à être non seulement plus tristes, mais aussi, par intervalles, plus gais et plus disposés à rire que les autres :

 d'autant que la rate envoie deux sortes de sang vers le coeur, l'un fort épais et grossier, qui cause la tristesse ;

 Et souvent, après avoir beaucoup ri, on se sent naturellement enclin à la tristesse, parce que, la plus fluide partie du sang de la rate étant épuisée, l'autre, plus grossière, la suit vers le coeur.

  LES PASSIONS DE L'AME, SECONDE PARTIE, ARTICLE 127.

 Et généralement tout ce qui peut enfler subitement le poumon en cette façon cause l'action extérieure du ris, excepté lorsque la tristesse la change en celle des gémissements et des cris qui accompagnent les larmes.

  LES PASSIONS DE L'AME, SECONDE PARTIE, ARTICLE 128.

Comme le ris n'est jamais causé par les plus grandes joies, ainsi les larmes ne viennent point d'une extrême tristesse, mais seulement de celle qui est médiocre et accompagnée ou suivie de quelque sentiment d'amour, ou aussi de joie.

  LES PASSIONS DE L'AME, SECONDE PARTIE, ARTICLE 131.

L'autre cause est la tristesse suivie d'amour ou de joie, ou généralement de quelque cause qui fait que le coeur pousse beaucoup de sang par les artères.

 La tristesse y est requise, à cause que, refroidissant tout le sang, elle étrécit les pores des yeux.

 Aussi voyons-nous que ceux qui sont tristes ne jettent pas continuellement des larmes, mais seulement par intervalles, lorsqu'ils font quelque nouvelle réflexion sur les objets qu'ils affectionnent.

  LES PASSIONS DE L'AME, SECONDE PARTIE, ARTICLE 132.

 dont la raison est que les nerfs qui servent à élargir ou étrécir les organes de la voix, pour la rendre plus grosse ou plus aiguë, étant joints avec ceux qui ouvrent les orifices du coeur pendant la joie et les étrécissent pendant la tristesse, ils font que ces organes s'élargissent ou s'étrécissent au même temps.

  LES PASSIONS DE L'AME, SECONDE PARTIE, ARTICLE 133.

 et l'agitation de ces vapeurs est tellement retardée par la froideur de leur naturel, qu'elles se convertissent aisément en larmes, encore qu'aucune tristesse n'ait précédé.

 Le même arrive aux enfants, lesquels ne pleurent guère de joie, mais bien plus de tristesse, même quand elle n'est point accompagnée d'amour.

 le mouvement desquelles étant retardé par la tristesse, elles se convertissent en larmes.

  LES PASSIONS DE L'AME, SECONDE PARTIE, ARTICLE 135.

La cause des soupirs est fort différente de celle des larmes, encore qu'ils présupposent comme elles la tristesse ;

 car, au lieu qu'on est incité à pleurer quand les poumons sont pleins de sang, on est incité à soupirer quand ils sont presque vides, et que quelque imagination d'espérance ou de joie ouvre l'orifice de l'artère veineuse, que la tristesse avait étréci, parce qu'alors le peu de sang qui reste dans les poumons tombant tout à coup dans le côté gauche du coeur par cette artère veineuse, et y étant poussé par le désir de parvenir à cette joie, lequel agite en même temps tous les muscles du diaphragme et de la poitrine, l'air est poussé prompte ment par la bouche dans les poumons, pour y remplir la place que laisse ce sang.

  LES PASSIONS DE L'AME, SECONDE PARTIE, ARTICLE 137.

Après avoir donné les définitions de l'amour, de la haine, du désir, de la joie, de la tristesse, et traité de tous les mouvements corporels qui les causent ou accompagnent, nous n'avons plus ici à considérer que leur usage.

 Et en ce sens la tristesse et la joie sont les deux premières qui sont employées.

 Car l'âme n'est immédiatement avertie des choses qui nuisent au corps que par le sentiment qu'elle a de la douleur, lequel produit en elle premièrement la passion de la tristesse, puis ensuite la haine de ce qui cause cette douleur, et en troisième lieu le désir de s'en délivrer.

 Ce qui fait voir qu'elles sont toutes cinq très utiles au regard du corps, et même que la tristesse est en quelque façon première et plus nécessaire que la joie, et la haine que l'amour, à cause qu'il importe davantage de repousser les choses qui nuisent et peuvent détruire que d'acquérir celles qui ajoutent quelque perfection sans laquelle on peut subsister.

  LES PASSIONS DE L'AME, SECONDE PARTIE, ARTICLE 138.

Mais, encore que cet usage des passions soit le plus naturel qu'elles puissent avoir, et que tous les animaux sans raison ne conduisent leur vie que par des mouvements corporels semblables à ceux qui ont coutume en nous de les suivre, et auxquels elles incitent notre âme à consentir, il n'est pas néanmoins toujours bon, d'autant qu'il y a plusieurs choses nuisibles au corps qui ne causent au commencement aucune tristesse ou même qui donnent de la joie, et d'autres qui lui sont utiles, bien que d'abord elles soient incommodes, Et outre cela, elles font paraître presque toujours, tant les biens que les maux qu'elles représentent, beaucoup plus grands et plus importants qu'ils ne sont, en sorte qu'elles nous incitent à rechercher les uns et fuir les autres avec plus d'ardeur et plus de soin qu'il n'est convenable.

  LES PASSIONS DE L'AME, SECONDE PARTIE, ARTICLE 139.

 mais, d'autant qu'il n'est que la moindre, nous devons principalement considérer les passions en tant qu'elles appartiennent à l'âme, au regard de laquelle l'amour et la haine viennent de la connaissance et précèdent a joie et la tristesse, excepté lorsque ces deux dernières tiennent le lieu de la connaissance, dont elles sont des espèces.

  LES PASSIONS DE L'AME, SECONDE PARTIE, ARTICLE 140.

 et elle n'est jamais sans tristesse.

 je dis aussi qu'elle n'est jamais sans tristesse, à cause que le mal n'étant qu'une privation, il ne peut être conçu sans quelque sujet réel dans lequel il soit ;

 et il n'y a rien de réel qui n'ait en soi quelque bonté, de façon que la haine qui nous éloigne de quelque mal nous éloigne par même moyen du bien auquel il est joint, et la privation de ce bien, étant représentée à notre âme comme un défaut qui lui appartient, excite en elle la tristesse.

 Et ainsi en toutes les autres haines on peut remarquer quelque sujet de tristesse.

  LES PASSIONS DE L'AME, SECONDE PARTIE, ARTICLE 141.

 Il est évident aussi que la joie ne peut manquer d'être bonne, ni la tristesse d'être mauvaise, au regard de l'âme, parce que c'est en la dernière que consiste toute l'incommodité que l'âme reçoit du mal, et en la première que consiste toute la jouissance du bien qui lui appartient.

 De façon que si nous n'avions point de corps, j'oserais dire que nous ne pourrions trop nous abandonner à l'amour et à la joie, ni trop éviter la haine et la tristesse.

  LES PASSIONS DE L'AME, SECONDE PARTIE, ARTICLE 142.

Au reste, puisque la haine et la tristesse doivent être rejetées pal l'âme, lors même qu'elles procèdent d'une vraie connaissance, elles doivent l'être à plus forte raison lorsqu'elles viennent de quelque fausse opinion.

 et il semble que si on ne les considère précisément que ce qu'elles sont en elles-mêmes au regard de l'âme, on peut dire que, bien que la joie soit moins solide et l'amour moins avantageuse que lorsqu'elles ont un meilleur fondement, elles ne laissent pas d'être préférables à la tristesse et à la haine aussi mal fondées :

 et même souvent une fausse joie vaut mieux qu'une tristesse dont la cause est vraie.

  LES PASSIONS DE L'AME, SECONDE PARTIE, ARTICLE 143.

 Car, en tant qu'elles excitent en nous le désir, par l'entremise duquel elles règlent nos moeurs, il est certain que toutes celles dont la cause est fausse peuvent nuire, et qu'au contraire toutes celles dont la cause est juste peuvent servir, et même que, lorsqu'elles sont également mal fondées, la joie est ordinairement plus nuisible que la tristesse, parce que celle-ci, donnant de la retenue et de la crainte, dispose en quelque façon à la prudence, au lieu que l'autre rend inconsidérés et téméraires ceux qui s'abandonnent à elle.

  LES PASSIONS DE L'AME, SECONDE PARTIE, ARTICLE 147.

 Par exemple, lorsqu'un mari pleure sa femme morte, laquelle (ainsi qu'il arrive quelquefois) il serait fâché de voir ressuscitée, il se peut faire que son coeur est serré par la tristesse que l'appareil des funérailles et l'absence d'une personne à la conversation de laquelle il était accoutumé excitent en lui ;

 et il se peut faire que quelques restes d'amour ou de pitié qui se présentent à son imagination tirent de véritables larmes de ses yeux, nonobstant qu'il sente cependant une joie secrète dans le plus intérieur de son âme, l'émotion de laquelle a tant de pouvoir que la tristesse et les larmes qui l'accompagnent ne peuvent rien diminuer de sa force.

 Et lorsque nous lisons des aventures étranges dans un livre, ou que nous les voyons représenter sur un théâtre, cela excite quelquefois en nous la tristesse, quelquefois la joie, ou l'amour, ou la haine, et généralement toutes les passions, selon la diversité des objets qui s'offrent à notre imagination ;

 mais avec cela nous avons du plaisir de les sentir exciter en nous, et ce plaisir est une joie intellectuelle qui peut aussi bien naître de la tristesse que de toutes les autres passions.

  LES PASSIONS DE L'AME, TROISIEME PARTIE, ARTICLE 160.

 comme, au contraire, le mouvement qui excite l'humilité, soit vertueuse, soit vicieuse, est composé de ceux de l'admiration, de la tristesse, et de l'amour qu'on a pour soi-même, mêlée avec la haine qu'on a pour les défauts, qui font qu'on se méprise.

  LES PASSIONS DE L'AME, TROISIEME PARTIE, ARTICLE 177.

Le remords de conscience est une espèce de tristesse qui vient du doute qu'on a qu'une chose qu'on fait ou qu'on a faite n'est pas bonne, et il présuppose nécessairement le doute.

  LES PASSIONS DE L'AME, TROISIEME PARTIE, ARTICLE 182.

 L'envie donc, en tant qu'elle est une passion, est une espèce de tristesse mêlée de haine qui vient de ce qu'on voit arriver du bien à ceux qu'on pense en être indignes.

  LES PASSIONS DE L'AME, TROISIEME PARTIE, ARTICLE 184.

 Ce qui s'accorde fort bien avec ce qui a été dit ci-dessus des mouvements du sang en la tristesse et en la haine.

  LES PASSIONS DE L'AME, TROISIEME PARTIE, ARTICLE 185.

La pitié est une espèce de tristesse mêlée d'amour ou de bonne volonté envers ceux à qui nous voyons souffrir quelque mal duquel nous les estimons indignes.

  LES PASSIONS DE L'AME, TROISIEME PARTIE, ARTICLE 187.

 Mais la tristesse de cette pitié n'est plus amère ;

  LES PASSIONS DE L'AME, TROISIEME PARTIE, ARTICLE 189.

Au reste, on pleure fort aisément en cette passion, à cause que l'amour, envoyant beaucoup de sang vers le coeur, fait qu'il sort beaucoup de vapeurs par les yeux, et que la froideur de la tristesse, retardant l'agitation de ces vapeurs, fait qu'elles se changent en larmes, suivant ce qui a été dit ci-dessus.

  LES PASSIONS DE L'AME, TROISIEME PARTIE, ARTICLE 191.

Le repentir est directement contraire à la satisfaction de soi-même, et c'est une espèce de tristesse qui vient de ce qu'on croit avoir fait quelque mauvaise action ;

  LES PASSIONS DE L'AME, TROISIEME PARTIE, ARTICLE 197.

 Elle n'est pas incompatible aussi avec la joie, bien qu'elle soit plus ordinairement jointe à la tristesse.

  LES PASSIONS DE L'AME, TROISIEME PARTIE, ARTICLE 200.

 Et, au contraire, ceux qui se réservent et se déterminent à une plus grande vengeance deviennent tristes de ce qu'ils pensent y être obligés par l'action qui les met en colère ;

  LES PASSIONS DE L'AME, TROISIEME PARTIE, ARTICLE 202.

L'autre espèce de colère, en laquelle prédomine la haine et la tristesse, n'est pas si apparente d'abord, sinon peut-être en ce qu'elle fait pâlir le visage.

  LES PASSIONS DE L'AME, TROISIEME PARTIE, ARTICLE 205.

La honte, au contraire, est une espèce de tristesse fondée aussi sur l'amour de soi-même, et qui vient de l'opinion ou de la crainte qu'on a d'être blâmé.

  LES PASSIONS DE L'AME, TROISIEME PARTIE, ARTICLE 208.

Le dégoût est une espèce de tristesse qui vient de la même cause dont la joie est venue auparavant.

  LES PASSIONS DE L'AME, TROISIEME PARTIE, ARTICLE 209.

Le regret est aussi une espèce de tristesse, laquelle a une particulière amertume, en ce qu'elle est toujours jointe à quelque désespoir et à la mémoire du plaisir que nous a donné la jouissance ;

  Correspondance, année 1629, A R. P. MERSENNE, 8 octobre 1629.

 ainsi il n'y a pas grande variété en ce passage, ce qui le rend triste et déplaisant.

  Correspondance, année 1640, A Monsieur REGIUS, 22 mai 1640. (Les éditions contemporaines datent cette lettre du 24 mai.).

 J'aurais aussi voulu que vous n'eussiez pas dit qu'il n'y a que deux affections ou passions, la joie et la tristesse ;

 car nous sommes bien autrement affectés par la colère que par la crainte, quoique la tristesse se trouve dans l'une et dans l'autre, et ainsi du reste.

  Correspondance, année 1641, A MONSIEUR ***, 10 JANVIER 1641 (Les éditions contemporaines datent cette lettre de mi-janvier 1641.).

Je viens d'apprendre la triste nouvelle de votre affliction, et bien que je ne me promette pas de rien mettre, en cette lettre, qui ait grande force pour adoucir votre douleur, je ne puis toutefois m'abstenir d'y tâcher, pour vous témoigner au moins que j'y participe.

 Je ne suis pas de ceux qui estiment que les larmes et la tristesse n'appartiennent qu'aux femmes, et que, pour paraître homme de coeur, on se doive contraindre à montrer toujours un visage tranquille.

 J'ai senti depuis peu la perte de deux personnes qui m'étaient très proches, et j'ai éprouvé que ceux qui me voulaient défendre la tristesse, I'irritaient, au lieu que j'étais soulagé par la complaisance de ceux que je voyais touchés de mon déplaisir.

  Correspondance, année 1644, A MADAME ELISABETH, PRINCESSE PALATINE, 10 juillet 1644.

 Mais je ne pourrais manquer d'être extrêmement triste, si je pensais que l'indisposition de votre Altesse durât encore ;

  Correspondance, année 1645, A MADAME ÉLISABETH, PRINCESSE PALATINE, etc, 15 mars 1645 (Les éditions contemporaines datent cette lettre de mai ou juin 1645.).

 car elle est telle, que je crois qu'une personne, qui aurait d'ailleurs toute sorte de sujet d'être contente, mais qui verrait continuellement représenter devant soi des tragédies dont tous les actes fussent funestes, et qui ne s'occuperait qu'à considérer des objets de tristesse et de pitié, qu'elle sût être feints et fabuleux, en sorte qu'ils ne fissent que tirer des larmes de ses yeux, et émouvoir son imagination, sans toucher son entendement, je crois, dis-je, que cela seul suffirait pour accoutumer son coeur à se resserrer et à jeter des soupirs ;

 Et au contraire, une personne qui aurait une infinité de véritables sujets de déplaisir, mais qui s'étudierait avec tant de soin à en détourner son imagination, qu'elle ne pensât jamais à eux, que lorsque la nécessité des affaires l'y obligerait, et qu'elle employât tout le reste de son temps à ne considérer que des objets qui lui pussent apporter du contentement et de la joie, outre que cela lui serait grandement utile, pour juger plus sainement des choses qui lui importeraient, parce qu'elle les regarderait sans passion, je ne doute point que cela seul ne fût capable de la remettre en santé, bien que sa rate et ses poumons fussent déjà fort mal disposés par le mauvais tempérament du sang que cause la tristesse.

 à quoi je juge que les eaux de Spa sont très propres, surtout si votre altesse observe, en les prenant, ce que les médecins ont coutume de recommander, qui est qu'il se faut entièrement délivrer l'esprit de toutes sortes de pensées tristes, et même aussi de toutes sortes de méditations sérieuses touchant les sciences, et ne s'occuper qu'à imiter ceux qui, en regardant la verdeur d'un bois, les couleurs d'une fleur, le vol d'un oiseau, et telles choses qui ne requièrent aucune attention, se persuadent qu'ils ne pensent à rien.

  Correspondance, année 1645, A MADAME ÉLISABETH, PRINCESSE PALATINE, etc, 20 avril 1645 (Les éditions contemporaines datent cette lettre du 21 juillet 1645.).

 mais pour celles qui viennent d'ici, vous êtes au moins assurée que, si elles ne vous donnent aucun sujet de joie, elles ne vous en donneront point aussi de tristesse, et que vous les pourrez ouvrir à toutes heures, sans craindre qu'elles troublent la digestion des eaux que vous prenez.

  Correspondance, année 1645, A MADAME ÉLISABETH, PRINCESSE PALATINE, etc, 1er mai 1645 (Les éditions contemporaines datent cette lettre du 4 août 1645.).

 il n'y a que ceux qui sont accompagnés d'impatience et de tristesse.

  Correspondance, année 1645, A MADAME ÉLISABETH, PRINCESSE PALATINE, etc, 1er juin 1645 (Les éditions contemporaines datent cette lettre du 1er septembre 1645.).

 ainsi je puis dire que mes songes ne me représentent jamais rien de fâcheux, et sans doute qu'on a grand avantage de s'être dès longtemps accoutumé à n'avoir point de tristes pensées.

 Pour les autres indispositions, qui ne troublent pas tout à fait le sens, mais altèrent seulement les humeurs et font qu'on se trouve extraordinairement enclin à la tristesse, ou à la colère, ou à quelque autre passion, elles donnent sans doute de la peine, mais elles peuvent être surmontées, et même donnent matière à l'âme d'une satisfaction d'autant plus grande, qu'elles ont été plus difficiles à vaincre.

  Correspondance, année 1645, A MADAME ÉLISABETH, PRINCESSE PALATINE, etc, Septembre 1645 (Les éditions contemporaines datent cette lettre du 6 octobre 1645.).

Je me suis quelquefois proposé un doute, savoir, s'il est mieux d'être gai et content en imaginant les biens qu'on possède être plus grands et plus estimables qu'ils ne sont, et ignorant ou ne s'arrêtant pas à considérer ceux qui manquent, que d'avoir plus de considération et de savoir, pour connaître la juste valeur des uns et des autres, et qu'on devienne plus triste.

 même quelque tristesse ou quelque peine que nous ayons en telle occasion, elle ne saurait être si grande qu'est la satisfaction intérieure qui accompagne toujours les bonnes actions, et principalement celles qui procèdent d'une pure affection pour autrui qu'on ne rapporte point à soi-même, c'est-à-dire de la vertu chrétienne qu'on nomme charité.

 Et il est aisé à prouver que ce plaisir de l'âme auquel consiste la béatitude, n'est pas inséparable de la gaieté et de l'aise du corps, tant par l'exemple des tragédies, qui nous plaisent d'autant plus qu'elles excitent en nous plus de tristesse, que par celui des exercices du corps, comme la chasse, le jeu de paume et autres semblables, qui ne laissent pas d'être agréables, encore qu'ils soient fort pénibles ;

 Enfin, lorsque le cours ordinaire des esprits est tel qu'il excite communément des pensées tristes ou gaies, ou autres semblables, on ne l'attribue pas à la passion, mais au naturel ou à l'humeur de celui en qui elles sont excitées, et cela fait qu'on dit que cet homme est d'un naturel triste, cet autre d'une humeur gaie, etc.

 Ce qui fait que plusieurs confondent le sentiment de la douleur avec la passion de la tristesse et celui du chatouillement avec la passion de la joie, laquelle ils nomment aussi volupté ou plaisir ;

 car ordinairement les mêmes causes qui font la douleur agitent aussi les esprits, en la façon qui est requise pour exciter la tristesse, et celles qui font sentir quelque chatouillement, les agitent en la façon qui est requise pour exciter la joie, et ainsi des autres.

 la vraie enseigne, tout au contraire, que, même parmi les plus tristes accidents et les plus pressantes douleurs, on y peut toujours être content, pourvu qu'on sache user de la raison.

  Correspondance, année 1646, A MONSIEUR *** (A HUYGENS), Sans date. (Les éditions contemporaines datent cette lettre de janvier 1646).

 car, lorsqu'on a quelque grande affliction, et qu'on est mis au désespoir par la tristesse, il est certain qu'on se laisse bien plus emporter à la colère, s'il en survient alors quelque sujet, qu'on ne serait en un autre temps.

  Correspondance, année 1646, A MADAME ÉLISABETH, PRINCESSE PALATINE, etc, 1er février 1646 (Les éditions contemporaines datent cette lettre du 3 novembre 1645.).

 Et j'avoue bien que la tristesse des tragédies ne plairait pas, comme elle fait, si nous pouvions craindre qu'elle devînt si excessive que nous en fussions incommodés.

  Correspondance, année 1646, A MADAME ÉLISABETH, PRINCESSE PALATINE, etc, Mars 1646 (Les éditions contemporaines datent cette lettre de janvier 1646.).

 et nous pouvons empêcher, par leur moyen, que tous les maux qui viennent d'ailleurs, tant grands qu'ils puissent être, n'entrent plus avant en notre âme que la tristesse qu'y excitent les comédiens, quand ils représentent devant nous quelques actions fort funestes ;

  Correspondance, année 1646, A MADAME ÉLISABETH, PRINCESSE PALATINE, etc, Juin 1646 (Les éditions contemporaines datent cette lettre de mai 1646.).

 mais, parce qu'elle est aussi quelquefois jointe à la tristesse, et qu'alors on sent encore cette chaleur et non plus cette dilatation, j'ai jugé que la chaleur appartient à l'amour, et la dilatation à la joie.

Je crois bien que la tristesse ôte l'appétit à plusieurs ;

 Et j'estime que la différence qui arrive en cela vient de ce que le premier sujet de tristesse que quelques-uns ont eu au commencement de leur vie, a été qu'ils ne recevaient pas assez de nourriture, et que celui des autres a été que celle qu'ils recevaient leur était nuisible.

 Et en ceux-ci le mouvement des esprits qui ôte l'appétit est toujours depuis demeuré joint avec la passion de la tristesse.

Pour l'admiration, encore qu'elle ait son origine dans le cerveau, et ainsi que le seul tempérament du sang ne la puisse causer, comme il peut souvent causer la joie ou la tristesse, toutefois elle peut, par le moyen de l'impression qu'elle fait dans le cerveau, agir sur le corps autant qu'aucune des autres passions, ou même plus en quelque façon, à cause que la surprise qu'elle contient cause les mouvements les plus prompts de tous.

 et ainsi on peut soupirer quelquefois par coutume, ou par maladie, mais cela n'empêche pas que les soupirs ne soient des signes extérieurs de la tristesse et du désir, lorsque ce sont ces passions qui les causent.

  Correspondance, année 1646, A MADAME ÉLISABETH, PRINCESSE PALATINE, etc, Sans date. (Les éditions contemporaines datent cette lettre de octobre ou novembre 1646.).

 Mais, comme la santé du corps et la présence des objets agréables aident beaucoup à l'esprit, pour chasser hors de soi toutes les passions qui participent de la tristesse, et donner entrée à celles qui participent de la joie, ainsi, réciproquement, lorsque l'esprit est plein de joie, cela sert beaucoup à faire que le corps se porte mieux, et que les objets présents paraissent plus agréables.

 jusque-là même que, dans les jeux de hasard, où il n'y a que la fortune seule qui règne, je l'ai toujours éprouvée plus favorable, ayant d'ailleurs des sujets de joie, que lorsque j'en avais de tristesse.

 Et ce qu'on nomme communément le génie de Socrate n'a sans doute été autre chose, sinon qu'il avait accoutumé de suivre ses inclinations intérieures, et pensait que l'événement de ce qu'il entreprenait serait heureux, lorsqu'il avait quelque secret sentiment de gaieté, et, au contraire, qu'il serait malheureux, lorsqu'il était triste.

 car leur lecture n'est pas si propre à entretenir la gaieté, qu'à faire venir la tristesse, principalement celle du livre de ce docteur des princes, qui, ne représentant que les difficultés qu'ils ont à se maintenir, et les cruautés ou perfidies qu'il leur conseille, fait que les particuliers qui le lisent, ont moins de sujet d'envier leur condition, que de la plaindre.

  Correspondance, année 1646, A UN SEIGNEUR. (NEWCASTLE), 23 novembre 1646.

 et j'ajoute que ces paroles ou signes ne se doivent rapporter à aucune passion, pour exclure non seulement les cris de joie ou de tristesse, et semblables, mais aussi tout ce qui peut être enseigné par artifice aux animaux ;

  Correspondance, année 1647, A Monsieur CHANUT, 1er février 1647.

 et s'il est absent, le mouvement de sa volonté qui accompagne la connaissance qu'elle a d'en être privée, est sa tristesse ;

 Et tous ces mouvements de la volonté auxquels consistent l'amour, la joie et la tristesse, et le désir, en tant que ce sont des pensées raisonnables, et non point des passions, se pourraient trouver en notre âme, encore qu'elle n'eût point de corps.

 si elle considérait qu'elle ne l'eût pas, elle en aurait de la tristesse ;

 Et pour examiner l'origine de la chaleur qu'on sent autour du coeur, et celle des autres dispositions du corps qui accompagnent l'amour, je considère que, dès le premier moment que notre âme a été jointe au corps, il est vraisemblable qu'elle a senti de la joie, et incontinent après de l'amour, puis peut-être aussi de la haine, et de la tristesse ;

 comme aussi, par après, s'il est arrivé que cet aliment ait manqué, l'âme en a eu de la tristesse.

 A quoi j'ajoute que plusieurs autres passions, comme la joie, la tristesse, le désir, la crainte, l'espérance, etc.

 car la haine est toujours accompagnée de tristesse et de chagrin ;

  Correspondance, année 1649, A MADAME ÉLISABETH, PRINCESSE PALATINE, etc, 20 février 1649. (Les éditions contemporaines datent cette lettre du 22 février 1649.).

 Et bien que J'en aie aussi appris la guérison il ne laisse pas d'en rester encore des marques dé tristesse en mon esprit, qui n'en pourront être sitôt effacées.

 Je m'assure aussi que sa conscience lui a plus donné de satisfaction, pendant les derniers moments de sa vie, que l'indignation, qui est la seule passion triste qu'on dit avoir remarquée en lui, ne lui a causé de fâcherie.

descartes

« LES PRINCIPES DE LA PHILOSOPHIE, QUATRIEME PARTIE, Art.

197. Sur un même papier, avec la même plume, et la même encre, en remuant tant soit peu le bout de la plume en certaine façon, voustracez des lettres qui font imaginer des combats, des tempêtes, ou des furies, à ceux qui les lisent, et qui les rendent indignés outristes ; LES PASSIONS DE L'AME, PREMIERE PARTIE, ARTICLE 26. mais, encore qu'on soit endormi et qu'on rêve, on ne saurait se sentir triste ou ému de quelque autre passion, qu'il ne soit très vraique l'âme a en soi cette passion. LES PASSIONS DE L'AME, SECONDE PARTIE, ARTICLE 51. Or, encore qu'elles puissent quelquefois être causées par l'action de l'âme, qui se détermine à concevoir tels ou tels objets, etaussi par le seul tempérament du corps ou par les impressions qui se rencontrent fortuitement dans le cerveau, comme il arrivelorsqu'on se sent triste ou joyeux sans en pouvoir dire aucun sujet, il paraît néanmoins, par ce qui a été dit, que toutes les mêmespeuvent aussi être excitées par les objets qui meuvent les sens, et que ces objets sont leurs causes les plus ordinaires etprincipales ; LES PASSIONS DE L'AME, SECONDE PARTIE, ARTICLE 61. Et la considération du bien présent excite en nous de la joie, celle du mal, de la tristesse, lorsque c'est un bien ou un mal qui nousest représenté comme nous appartenant. LES PASSIONS DE L'AME, SECONDE PARTIE, ARTICLE 62. Mais si nous les en estimons indignes, le bien excite l'envie, et le mal la pitié, qui sont des espèces de tristesse. LES PASSIONS DE L'AME, SECONDE PARTIE, ARTICLE 67. Et quelquefois la durée du bien cause l'ennui ou le dégoût, au lieu que celle du mal diminue la tristesse. Enfin, du bien passé vient le regret, qui est une espèce de tristesse, et du mal passé vient l'allégresse, qui est une espèce de joie. LES PASSIONS DE L'AME, SECONDE PARTIE, ARTICLE 69. l'admiration, l'amour, la haine, le désir, la joie et la tristesse ; LES PASSIONS DE L'AME, SECONDE PARTIE, ARTICLE 87. au lieu que le même désir, lorsqu'on tend à s'éloigner du mal contraire à ce bien, est accompagné de haine, de crainte et detristesse ; LES PASSIONS DE L'AME, SECONDE PARTIE, ARTICLE 92. La tristesse est une langueur désagréable en laquelle consiste l'incommodité que l'âme reçoit du mal, ou du défaut que lesimpressions du cerveau lui représentent comme lui appartenant. Et il y a aussi une tristesse intellectuelle qui n'est pas la passion, mais qui ne manque guère d'en être accompagnée. LES PASSIONS DE L'AME, SECONDE PARTIE, ARTICLE 93. Or, lorsque la joie ou la tristesse intellectuelle excite ainsi celle qui est une passion, leur cause est assez évidente ; et on voit de leurs définitions que la joie vient de l'opinion qu'on a de posséder quelque bien, et la tristesse, de l'opinion qu'on ad'avoir quelque mal ou quelque défaut. Mais il arrive souvent qu'on se sent triste ou joyeux sans qu'on puisse ainsi distinctement remarquer le bien ou le mal qui en sontles causes ;. »

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