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Le Parlement et les mesures anticorruption

Publié le 22/02/2012

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24 novembre 1994 - Les conclusions du groupe de travail parlementaire sur les rapports entre la politique et l'argent ont rendues publiques le jeudi 24 novembre. Elles sont accompagnées de plusieurs propositions de loi sur le financement public des partis politiques et des campagnes électorales, la transparence du patrimoine, les marchés publics et les délégations de service public, ainsi que sur le statut de l'élu. La perspective de devoir se prononcer bientôt, en séance publique, sur les propositions de loi retenues par le groupe de travail parlementaire sur les rapports entre la politique et l'argent agite les groupes de l'Assemblée nationale, partagés entre la surenchère et le coup de frein. Les socialistes ont été les premiers à briser le consensus qui s'était dessiné au début des travaux, afin de revendiquer leur part de la lutte contre la corruption. Martin Malvy, président du groupe PS, a ainsi rappelé, mardi, que le dispositif législatif existant - les lois du 15 janvier 1990 et du 29 janvier 1993 - est " d'inspiration socialiste ". Il a présenté plusieurs contre-propositions qui, affirme-t-il, vont " plus loin " que celles qui ont été arrêtées par le groupe de travail présidé par Philippe Séguin, président de l'Assemblée nationale. Soulignant que le mandat politique " ne doit pas être l'annexe d'une profession ", M. Malvy s'est notamment déclaré favorable au renforcement des incompatibilités entre mandat public et activité privée. Il a également annoncé plusieurs propositions relatives à la transparence des marchés publics et des délégations de service public, telles que la création d'un service public de l'eau, un meilleur contrôle des marchés de l'Etat et des grands contrats à l'exportation, sans préciser, pour autant, le contenu et le sens réel de ces mesures. Le groupe socialiste préconise également l'interdiction, " pour un même groupe, de contrôler les médias et de bénéficier des marchés publics ". Patrimoines de gauche et de droite Le président du groupe socialiste s'est déclaré favorable à un financement public de la vie politique, en proposant que la dotation de l'Etat aux campagnes électorales soit réduite de moitié et remboursée à hauteur de 50 % des dépenses sous plafond. M. Malvy a ajouté que, pour ne pas pénaliser les nouveaux candidats par rapport aux sortants aux élections locales, il conviendrait de réglementer, en les plafonnant, les dépenses de communication des collectivités locales hors de la période électorale. Le président du groupe socialiste s'est montré, en revanche, beaucoup moins offensif sur la publicité du patrimoine des élus. Ce sujet ne cesse de contrarier les socialistes, qui ont déjà freiné à plusieurs reprises les tentatives de modification de législation. Ils observent, à juste titre, que les électeurs de gauche tolèrent mal la détention d'un patrimoine - serait-il limité à la propriété d'un appartement - par un élu du PS, alors que les électeurs de droite n'ont cure de la situation de fortune personnelle de leurs représentants. " Personne ne comprendrait que ces mesures ne soient pas mises en oeuvre, en 1995, à l'occasion des prochaines élections présidentielle, municipales, sénatoriales et, peut-être, législatives ", a souligné M. Malvy, en ajoutant que ce débat sur les rapports entre la politique et l'argent serait " de la plus grande hypocrisie " s'il n'aboutissait pas rapidement à des mesures concrètes. Le président du groupe socialiste a précisé que si l'ordre du jour de la session ordinaire ne permettait pas l'inscription de ces textes, il faudrait en débattre au cours d'une session extraordinaire en janvier. Le groupe communiste a présenté, pour sa part, dix propositions afin de " mieux garantir l'indépendance des partis ". Estimant que l'une des conditions nécessaires est d' " assurer un égal accès aux médias ", Alain Bocquet, président du groupe, a proposé que soient inscrites dans les comptes de campagne pour l'année précédant une élection les diverses émissions où s'expriment des candidats. Les communistes souhaitent promouvoir la vie militante en revenant sur les limitations apportées à l'affichage, hors les panneaux officiels, avant les élections, et rendre plus incitatifs, fiscalement, les dons des particuliers aux partis politiques. Comme les socialistes, ils proposent de créer un grand service public de l'eau. Ces propositions ont été jugées " insuffisantes " par plusieurs députés communistes refondateurs, dont Guy Hermier (Bouches-du-Rhône), qui ont décidé de s'adresser directement au président de l'Assemblée nationale. Leur souci, partagé par toutes les petites formations politiques, est d'aboutir à un financement public qui, selon M. Hermier, " ne conforterait pas seulement les grands partis établis ". A droite, le silence approbateur des premières semaines laisse place à quelques protestations, maintenant que l'échéance approche. André Fanton, rapporteur, au nom du RPR, du groupe de travail, s'est déclaré mardi " un peu perplexe " sur le cumul des mandats et le financement public. A propos du premier point, M. Fanton estime, comme les socialistes, qu' " il ne faut pas laisser croire que le cumul des mandats est un facteur de corruption ". Quant au financement public des partis politiques, le rapporteur RPR a fait part de ses réserves, en soulignant le risque d'un retour au financement clandestin. " Mieux vaudrait encourager les entreprises à financer la vie politique par le biais de fondations, comme dans le système allemand, plutôt que de les couper des partis et de s'en remettre à l'Etat ", a observé M. Fanton. Les conclusions " explosives " de la commission Rozès De toutes les propositions contenues dans le rapport du groupe de travail, ces deux dernières sont celles qui suscitent le plus de réticences, avouées ou non, de la part des groupes politiques. Souvent annoncées, notamment sous la précédente législature, elles sont restées, jusqu'à présent, lettre morte. Deux éléments pourraient lever les derniers blocages : d'une part, l'engagement public qu'ont pris tant Jacques Chirac qu'Edouard Balladur en faveur du financement public d'autre part, la mission de réflexion sur la corruption, mise en place par le premier ministre et présidée par Simone Rozès, ancien premier président de la Cour de cassation. Les conclusions de cette mission, qui doivent être rendues publiques à la fin de la semaine prochaine, sont, de l'avis même d'Edouard Balladur, qui s'exprimait mardi devant le groupe RPR, " explosives " sur le fonctionnement des collectivités locales. PASCALE ROBERT-DIARD Le Monde du 24 novembre 1994

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