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Le « renégat » d'un clan saoudien doté d'un formidable sens des affaires

Publié le 17/01/2022

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11 septembre 2001 EN 1931, trois frères sans le sou quittent à dos d'âne Al-Ribat, un bourg aux hautes maisons de terre, serré entre les montagnes de l'Hadramaout, au sud du Yémen. Comme leurs ancêtres, ils partent tenter leur chance à l'étranger, précisément dans le port de Jeddah, la porte de La Mecque, où ils s'engagent comme porteurs et dockers. Aujourd'hui, la rue principale d'Al-Ribat porte le nom des trois frères Ben Laden, devenus les bienfaiteurs du bourg et les fondateurs d'un groupe financier tentaculaire. Entre les deux dates, il y a eu la faveur royale et la manne pétrolière. Mohammed Ben Laden, le chef du clan, a fondé dans les années 1940 une modeste entreprise de construction. Cheikh religieux respecté, il s'est attiré les faveurs de la famille royale saoudienne qui lui a confié en priorité ses commandes. Le pétrole aidant, la petite entreprise est devenue une énorme société de BTP, chargée de l'agrandissement des mosquées de La Mecque et de Médine, de la construction d'autoroutes, d'aéroports, de palais, etc. Toujours avec la bénédiction des Saoud, toujours payés rubis sur l'ongle. Puis, après la mort du fondateur, le Saudi Binladin Group (SBG) s'est mué en un groupe diversifié et international : via de nombreuses holdings et filiales, il opère dans l'électricité (construction de centrales à Riyad et à La Mecque, mais aussi à Chypre, en Jordanie, au Canada), les équipements pétroliers, l'électronique, l'import-export (voitures, vêtements, cristal), les télécommunications (participation dans Nortel et Motorola) et même les satellites (participation dans le projet Iridium). « En Arabie saoudite, on voit leur nom partout, assure un habitué du pays, ils sont pratiquement dans tous les secteurs. Hormis la famille royale, c'est une des plus importantes puissances financières du pays. » Chiffre d'affaires ? Bénéfices ? Mystère. Totalement familial, absolument fermé, le SBG ne publie rien. Pas un bilan, pas un chiffre. Son site Internet (www.saudi-binladin-group.com) est avare d'informations précises. La seule estimation, non confirmée, évaluait voici dix ans son chiffre d'affaires à 36 milliards de dollars. C'est que cette multinationale est aussi porteuse des traditions du désert. Présidents, vice-présidents, directeur général, administrateurs, tous sont des Ben Laden, membres du clan. Le père fondateur, Mohammed Ben Laden, a eu une douzaine d'épouses et de concubines et cinquante-quatre enfants. Tous participent de près ou de loin, avec leurs nombreux cousins et petits cousins, à la gestion de la fortune familiale. Tous sauf un : Oussama Ben Laden, le dernier des dix-sept fils de Mohammed. Oussama qui, après avoir hérité de deux milliards de francs, a été déchu de la nationalité saoudienne et officiellement renié. Oussama, le renégat, avec qui ses frères assurent n'avoir plus eu de contact depuis des années. Oussama, qui reste pourtant un Ben Laden pur sang : religieux, entreprenant et doté d'un redoutable sens des affaires. A-t-il réellement rompu tous les ponts avec son clan ? Les spécialistes du monde arabe jurent que c'est impossible : dans une famille aussi traditionnelle, la loi du clan est sacrée. UNE CENTAINE DE FILIALES OFFSHORE De nombreux soupçons pèsent sur la porosité des affaires du fils maudit avec celles de ses frères. Car si le groupe SBG a pignon sur rue, il n'en entretient pas moins une centaine de filiales offshore, dans les Antilles néerlandaises, aux Bahamas, à Curaçao et autres paradis fiscaux. Et en Suisse, Yeslam Ben Laden, frère d'Oussama, gère notamment le Saudi Investment Group, tête de pont des sociétés offshore du groupe. SBG contrôle aussi de multiples fondations et organisations caritatives liées à l'islam, telle que l'International Islamic Relief Organisation, créée en 1978 pour aider les réfugiés, soupçonnée d'alimenter les extrémistes aux Philippines. Les ONG, fondations et autres « bonnes oeuvres » islamiques constituent en effet un moyen imparable d'alimenter les mouvements extrémistes, à partir de contributions plus ou moins volontaires. En 1999, un audit demandé par la famille royale saoudienne a révélé que cinq hommes d'affaires de premier plan avaient versé des dizaines de millions de dollars aux réseaux terroristes d'Oussama Ben Laden, via deux ONG, Islamic Relief et Blessed Relief. Les intéressés ont plaidé le racket : ils évitaient des attaques sur leurs affaires en versant ainsi l'impôt islamique, le zadkat, estimé à 0,2 % des bénéfices.

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