Le troisième jour depuis l’arrivée de Pippin
Publié le 29/03/2014
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Le troisième jour depuis l’arrivée de Pippin à Minas Tirith s’acheva sur ces mots de mauvais augure. Peu nombreux furent ceux qui allèrent se reposer, car personne n’avait plus guère l’espoir que Faramir pût tenir longtemps les gués.
Le lendemain, bien que l’obscurité eût atteint son plein et n’épaissît plus, elle pesait plus lourdement que jamais sur le coeur des hommes, et une grande peur les étreignait. De mauvaises nouvelles ne tardèrent pas à arriver encore. L’Ennemi avait emporté le passage de l’Anduin. Faramir se retirait vers le mur du Pelennor, ralliant ses hommes aux Forts de la Chaussée, mais il avait affaire à des forces dix fois plus nombreuses.
« S’il reprend aucunement pied de l’autre côté du Pelennor, ses ennemis seront sur ses talons, dit le messager. Ils ont payé cher le passage, mais moins que nous ne l’espérions. Le plan a été bien conçu. On voit maintenant qu’ils ont longtemps construit secrètement des radeaux et des allèges en grand nombre à l’est d’Osgiliath. Ils ont traversé dans un grouillement de cafards. Mais c’est le Capitaine Noir qui nous défait. Peu d’hommes veulent tenir et affronter la seule rumeur de sa venue. Ses propres gens tremblent devant lui, et ils se tueraient sur son ordre. «
« Dans ce cas, je suis plus nécessaire là-bas qu’ici «, dit Gandalf. Il s’en fut aussitôt, et sa lueur s’évanouit bientôt à la vue. Et toute la nuit Pippin, demeuré seul et ne pouvant dormir, resta sur le mur à regarder vers l’Est.
Les cloches avaient à peine retenti pour annoncer de nouveau le jour, ironie dans les ténèbres non éclaircies, qu’il vit jaillir au loin des feux dans les espaces indistincts où s’élevaient les murs du Pelennor. Les guetteurs crièrent d’une voix forte, et tous les hommes de la Cité se tinrent en armes. Il y avait à présent de temps à autre un éclair rouge, et lentement on entendit dans l’air lourd de sourds grondements.
« Ils ont pris le mur ! crièrent les hommes. Ils y ouvrent des brèches à coups de mines. Ils viennent ! «
« Où est Faramir ? s’écria Beregond, atterré. Ne me dites pas qu’il est tombé ! «
Ce fut Gandalf qui apporta les premiers renseignements. Il vint vers le milieu de la matinée avec une poignée de cavaliers, escortant une file de charrettes. Elles étaient pleines de blessés, tous ceux qui avaient pu être sauvés du naufrage des Forts de la Chaussée. Il se rendit immédiatement auprès de Denethor. Le Seigneur de la Cité se tenait alors dans une chambre haute au-dessus de la Salle de la Tour Blanche, avec Pippin à son côté, et des fenêtres obscures, au nord, au sud et à l’est, il abaissait ses yeux sombres, comme pour percer les ombres du destin qui le cernait. Il regardait surtout au nord, et il s’arrêtait par moments pour écouter, comme si, grâce à quelque artifice, ses oreilles pouvaient entendre le tonnerre de sabots dans les plaines lointaines.
« Faramir est-il arrivé ? « demanda-t-il.
« Non, dit Gandalf. Mais il était encore vivant quand je l’ai quitté. Il est résolu toutefois à rester avec l’arrière-garde, de peur que la retraite par-dessus le Pelennor ne se transforme en déroute. Il pourra peut-être maintenir ses hommes ensemble assez longtemps, mais j’en doute. Il est aux prises avec un ennemi trop considérable. Car il est venu quelqu’un que je redoutais. «
« Pas… le Seigneur Ténébreux ? « s’écria Pippin, à qui la terreur faisait oublier sa place.
Denethor eut un rire amer. « Non, pas encore, Maître Peregrïn ! Il ne viendra que pour triompher de moi lorsque tout sera gagné. Il use d’autres armes. Comme font tous les grands seigneurs, quand ils sont sages, Maître Semi-Homme. Ah, pourquoi reste-je ici dans ma tour à réfléchir, à guetter, à attendre, sacrifiant même mes fils ? Car je puis encore manier le glaive. «
Il se leva et ouvrit brusquement son long manteau noir, et voilà qu’en dessous il était vêtu de mailles et ceint d’une longue épée à grande poignée dans un fourreau noir et argent. « C’est ainsi que j’ai marché et que j’ai maintenant dormi de nombreuses années, dit-il, de peur qu’avec l’âge mon corps ne s’amollît et ne devînt timoré. «
« Et pourtant, à présent, sous le commandement du Seigneur de Barad-dûr, le plus féroce de ses capitaines est déjà maître de nos défenses extérieures, dit Gandalf. Roi d’Angmar depuis longtemps, Sorcier, Esprit Servant de l’Anneau, Seigneur des Nazgûl, lance de terreur dans la main de Sauron, ombre de désespoir. «
« Dans ce cas, Mithrandir, vous aviez un ennemi à votre hauteur, dit Denethor. Pour moi, je savais depuis longtemps qui est le principal capitaine des armées de la Tour Sombre. N’êtes-vous revenu que pour me dire cela ? Ou serait-ce que vous vous êtes retiré parce que vous avez trouvé votre maître ? «
Pippin frémit dans la crainte que Gandalf, piqué au vif, ne s’emportât, mais cette crainte était sans fondement. « Il se pourrait, répondit doucement Gandalf. Mais notre épreuve de force n’est pas encore venue. Et si les paroles prononcées dans les temps anciens sont vraies, ce n’est pas de la main d’un homme qu’il mourra, et le destin qui l’attend est caché aux Sages. Quoi qu’il en soit, le Capitaine du Désespoir ne se presse pas encore en avant. Il dirige plutôt selon la sagesse que vous venez de dire, de l’arrière, poussant ses esclaves en furie devant lui.
« Non, je suis venu plutôt pour garder les blessés qui peuvent encore être guéris, car le Rammas est partout battu en brèche, et l’armée de Morgul ne tardera pas à y pénétrer en de nombreux points. Et je suis venu surtout pour dire ceci. Il y aura bientôt une bataille en rase campagne. Il faut préparer une sortie. Qu’elle soit faite par des hommes montés. En eux réside notre bref espoir, car il n’est qu’une chose en quoi notre ennemi soit assez mal pourvu : il a peu de cavaliers. «
« Nous aussi. L’arrivée de Rohan à présent viendrait juste à point «, dit Denethor.
« Nous verrons probablement d’autres arrivants d’abord, dit Gandalf. Des fuyards de Cair Andros nous ont déjà rejoints. L’île est tombée. Une autre armée est venue de la Porte Noire, en traversant du nord-est. «
« Certains vous ont accusé, Mithrandir, de vous complaire à apporter de mauvaises nouvelles, dit Denethor, mais pour moi, cela n’est plus une nouvelle : je l’ai su dès hier avant la tombée de la nuit. Quant à la sortie, j’y avais déjà pensé. Allons en bas. «
Le temps passa. Enfin, les guetteurs des murs purent voir la retraite des compagnies extérieures. Parurent d’abord, sans grand ordre, de petites bandes d’hommes fatigués et souvent blessés, certains couraient tels des fous comme s’ils étaient poursuivis. À l’horizon vers l’est, les feux lointains luisaient par intermittence, et à présent, il semblait que de-ci de-là ils gagnaient dans la plaine. Des maisons et des granges brûlaient. Puis, de nombreux points, de petites rivières de flamme rouge s’avancèrent rapidement, serpentant dans l’obscurité et convergeant vers la ligne de la large route qui menait de la Porte de la Cité à Osgiliath.
« L’ennemi, murmurèrent les hommes. La digue est tombée. Voilà qu’ils se déversent par les brèches ! Et ils portent des torches, à ce qu’il semble. Où sont les nôtres ? «
D’après l’heure, le soir tombait à présent, et la lumière était si faible que même les hommes à la vue longue ne pouvaient discerner du haut de la Citadelle que des champs confus, sauf pour les incendies qui se multipliaient sans cesse et les lignes de feu qui croissaient en longueur et en vitesse. Enfin, à moins d’un mille de la Cité, parut une masse d’hommes plus ordonnée, qui marchait sans courir et maintenait encore sa cohésion.
Les guetteurs retinrent leur souffle. « Faramir doit être là, dirent-ils. Il sait gouverner hommes et bêtes. Il y arrivera encore. «
La retraite principale se trouvait à peine à deux furlongs. Sortant de l’obscurité derrière une petite compagnie de cavaliers, galopait tout ce qui restait de l’arrière-garde. Une fois encore, les cavaliers se retournèrent aux abois pour faire face aux lignes de feu approchantes. Il y eut, alors soudain un tumulte de cris. Des cavaliers ennemis s’avancèrent en trombe. Les lignes de feu se muèrent en torrents rapides, rang après rang d’Orques portant des flammes et Suderons sauvages aux étendards rouges, flot montant qui gagnait de vitesse la retraite. Et, avec un cri perçant venu du ciel terne, tombèrent les Nazgûl qui s’abattaient vers la mise à mort.
La retraite se changea en déroute. Des hommes s’échappaient déjà, fuyant çà et là comme des fous, jetant leurs armes, hurlant de peur ou tombant à terre.
Une trompette sonna alors de la Citadelle, et Denethor lança enfin la sortie. Alignés dans l’ombre de la Porte et sous les murs extérieurs indistincts, les hommes attendaient le signal : tous ceux qui restaient dans la Cité. Ils bondirent en avant, se formèrent, prirent le galop et chargèrent en poussant une grande clameur. Et des murs monta un cri de réponse, car, les premiers sur-le-champ de bataille, chevauchaient les chevaliers au cygne de Dol Amroth avec leur Prince et son étendard bleu en tête.
« Amroth avec le Gondor ! criait-on. Amroth avec Faramir ! «
Ils tombèrent sur l’ennemi comme la foudre sur les deux flancs de la retraite, mais un cavalier les dépassa tous, rapide comme le vent dans l’herbe : Gripoil le portait, brillant, de nouveau dévoilé, une lumière émanant de sa main levée :
Les Nazgûl poussèrent des cris aigus et se retirèrent vivement, car leur Capitaine n’était pas encore venu pour défier le feu blanc de son ennemi. Les armées de Morgul, tout entières à leur proie et prises au dépourvu dans leur course folle, rompirent et se dispersèrent comme des étincelles dans un coup de vent. Les compagnies de l’extérieur se retournèrent avec une grande acclamation et frappèrent leurs poursuivants. Les chasseurs devinrent chassés. La retraite devint un assaut. Le champ de bataille fut couvert d’Orques et d’hommes abattus, et une odeur âcre s’éleva des torches jetées qui s’éteignaient en grésillant et en lançant des tourbillons de fumée. La cavalerie poursuivit sa course.
«
« Nous verrons probablement d’autres arrivants d’abord, dit Gandalf.
Des fuyards de Cair Andros nous ont
déjà rejoints.
L’île est tombée.
Une autre armée est venue de la Por te Noire, en traversant du nord-est.
»
« Certains vous ont accusé, Mithrandir, de vous complaire à apporter de mauvaises nouvelles, dit Denethor,
mais pour moi, cela n’est plus une nouvelle : je l’ai su dès hier avant la tombée de la nuit.
Quant à la sorti e, j’y
avais déjà pensé.
Allons en bas. »
Le temps passa.
Enfin, les guetteurs des murs purent voir la retraite des compagnies extérieures.
Parurent
d’abord, sans grand ordre, de petites bandes d’hommes fatigués et souvent blessés, certains couraient tels des
fous comme s’ils étaient poursuivis.
À l’horizon vers l’est, les feux lointains luisaient par intermittence, et à
présent, il semblait que de -ci de - là ils gagnaient dans la plaine.
Des maisons et des granges brûlaient.
Puis, de
nombreux points, de peti tes rivières de flamme rouge s’avancèrent rapidement, serpentant dans l’obscurité et
convergeant vers la ligne de la large route qui menait de la Porte de la Cité à Osgiliath.
« L’ennemi, murmurèrent les hommes.
La digue est tombée.
Voilà qu’ils se déversent par les brèches ! Et ils
portent des torches, à ce qu’il semble.
Où sont les nôtres ? »
D’après l’heure, le soir tombait à présent, et la lumière était si faible que même les hommes à la vue longue
ne pouvaient discerner du haut de la Citadelle que des champs confus, sauf pour les incendies qui se
multipliaient sans cesse et les lignes de feu qui croissaient en longueur et en vitesse.
Enfin, à moins d’un mille de
la Cité, parut une masse d’hommes plus ordonnée, qui marchait sans courir et maintenait enco re sa cohésion.
Les guetteurs retinrent leur souffle.
« Faramir doit être là, dirent - ils.
Il sait gouverner hommes et bêtes.
Il y
arrivera encore. »
La retraite principale se trouvait à peine à deux furlongs.
Sortant de l’obscurité derrière une petite
comp agnie de cavaliers, galopait tout ce qui restait de l’arrière- garde.
Une fois encore, les cavaliers se
retournèrent aux abois pour faire face aux lignes de feu approchantes.
Il y eut, alors soudain un tumulte de cris.
Des cavaliers ennemis s’avancèrent en trombe.
Les lignes de feu se muèrent en torrents rapides, rang après rang
d’Orques portant des flammes et Suderons sauvages aux étendards rouges, flot montant qui gagnait de vitesse la
retraite.
Et, avec un cri perçant venu du ciel terne, tombèrent les Naz gûl qui s’abattaient vers la mise à mort.
La retraite se changea en déroute.
Des hommes s’échappaient déjà, fuyant çà et là comme des fous, jetant
leurs armes, hurlant de peur ou tombant à terre.
Une trompette sonna alors de la Citadelle, et Denethor lança enfin la sortie.
Alignés dans l’ombre de la Porte
et sous les murs extérieurs indistincts, les hommes attendaient le signal : tous ceux qui restaient dans la Cité.
Ils
bondirent en avant, se formèrent, prirent le galop et chargèrent en poussant une grande clameur.
Et des murs
monta un cri de réponse, car, les premiers sur -le - champ de bataille, chevauchaient les chevaliers au cygne de
Dol Amroth avec leur Prince et son étendard bleu en tête.
« Amroth avec le Gondor ! criait -on.
Amroth avec Faramir ! »
Ils t ombèrent sur l’ennemi comme la foudre sur les deux flancs de la retraite, mais un cavalier les dépassa
tous, rapide comme le vent dans l’herbe : Gripoil le portait, brillant, de nouveau dévoilé, une lumière émanant
de sa main levée :
Les Nazgûl poussèrent des cris aigus et se retirèrent vivement, car leur Capitaine n’était pas encore venu
pour défier le feu blanc de son ennemi.
Les armées de Morgul, tout entières à leur proie et prises au dépourvu
dans leur course folle, rompirent et se dispersèrent comme d es étincelles dans un coup de vent.
Les compagnies
de l’extérieur se retournèrent avec une grande acclamation et frappèrent leurs poursuivants.
Les chasseurs
devinrent chassés.
La retraite devint un assaut.
Le champ de bataille fut couvert d’Orques et d’ho mmes abattus,
et une odeur âcre s’éleva des torches jetées qui s’éteignaient en grésillant et en lançant des tourbillons de fumée.
La cavalerie poursuivit sa course..
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