Les Mexicains mettent fin à 71 ans d'hégémonie du PRI
Publié le 17/01/2022
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2 juillet 2000
Un parfum de grand soir s'est répandu, dimanche 2 juillet sur la ville de Mexico. Dès la nuit tombée et après l'annonce de la défaite du PRI, le parti officiel au pouvoir depuis 1929, des dizaines de milliers de personnes ont envahi le centre de la capitale. Les avenues ont résonné toute la nuit des concert de klaxons, des cornes de brume et des hurlements de joie d'une foule qui n'en revient pas elle-même de l'événement historique qu'elle vit. "C'est la fin de notre mur de Berlin", lance une jeune femme à demi évanouie dans les bras d'une autre.
La foule a donc laissé exploser sa joie tout au long de la soirée et de la nuit dans le plus grand calme. Aucun troubles ni incidents n'ont été à déplorer, à l'identique de cette journée où les Mexicains se sont déplacés en nombre pour voter. Cette ambiance sereine de la journée du 2 juillet, à l'opposé de la violence verbale atteinte dans les derniers jours de la campagne, doit beaucoup à l'attitude du président Ernesto Zedillo.
Le chef de l'Etat a indiqué, lors de son intervention tôt dans la soirée, avoir personnellement téléphoné à Vicente Fox pour le féliciter. M. Zedillo, qui quittera le pouvoir le 1er décembre, a déclaré qu'il s'attachera à ce que la transmission du pouvoir soit rigoureuse et transparente. L'hommage qu'il a rendu à son parti, le PRI, avait en revanche des intonations d'oraison funèbre. Le candidat malheureux, Francisco Labastida, a cependant également largement contribué à la sérénité de cette journée en reconnaissant immédiatement sa défaite. "Les citoyens ont pris une décision que nous devons tous respecter et je donnerai l'exemple", a-t-il déclaré tout en minimisant l'importance de l'écart qui le sépare de Vicente Fox. Il a assuré face à des militants anéantis que "le PRI est vivant, continuera à vivre et saura reconquérir l'appui du peuple mexicain ".
PRUDENCE
Le candidat de la droite, le conservateur Vicente Fox du Parti d'action nationale (PAN) - qui a fêté dimanche son cinquante-huitième anniversaire -, a donc réussi, là ou tant d'autres ont échoué avant lui depuis soixante et onze ans. Vicente Fox est arrivé au siège de son parti, le PAN, au milieu d'une folle cohue, fendant avec un sourire béat une mer de caméras. Il a évité tout accent triomphateur et s'est montré prudent. "Si vous me permettez, a-t-il dit, en ce moment, nous ne pouvons pas confirmer que nous avons gagné ; les enquêtes concordent en ce qu'il y a une marge ample en notre faveur, mais nous devons attendre la confirmation."
Arrivé péniblement sur l'estrade, il a attendu paisiblement que la foule se calme, faisant à de multiples reprises le V de la victoire, ce geste qui a ponctué tous ses meetings pendant les presque trois années qui ont été les siennes. "Les institutions responsables du processus ont montré leur efficacité", a-t-il dit, en rendant son premier hommage de la soirée à l'Institut fédéral électoral (IFE), l'organisme en charge des élections et véritablement autonome depuis la réforme engagée par M. Zedillo en 1997. "Ce que nous vivons est un moment historique, produit et résultat de cette institution qui a répondu à l'attente des Mexicains", a-t-il insisté, tout en ajoutant que "le processus en cours n'est pas terminé".
Il a aussi rendu hommage à tous ceux qui se sont mobilisés pour veiller à ce que le scrutin ne soit pas entaché d'irrégularités, il a demandé à tous "de rester vigilants toute la nuit". Vicente Fox a assuré que ce "moment de transition pacifique se fera sans inquiétude et dans la tranquillité", et souligné que la construction de l'avenir du pays requérait l'union de tous. "Je composerai un gouvernement pluriel, ouvert à tous les Mexicains", sauf à ceux qui sont impliqués dans les affaires de corruption qui rongent le pays.
RIGIDITÉ AU PRD
"C'est un jour historique, a-t-il avancé, mais nous connaissons l'importance des enjeux et nous avons besoin de l'apport de tout le monde", en une allusion lucide, celle d'un homme qui sait qu'il lui reste maintenant à tenir les promesses avancées tout au long de la campagne, en particulier celle d'un "miracle économique".
Celui qui a rompu l'ambiance consensuelle de la soirée est le candidat malheureux de la gauche, Cuauhtémoc Cardenas, qui, dans son intervention de la soirée, a adopté une aptitude rigide et rejeté les appels à un gouvernement élargi aux forces politiques du pays. L'ancien maire de Mexico a simplement pris acte du changement intervenu à l'occasion de ce scrutin et indiqué "que son parti et ceux qui l'on soutenu devaient apporter leur contribution au changement ".
Pour M. Cardenas, cette élection a "fait surgir une grande responsabilité" pour les partis de la coalition Alliance pour le Mexique qui l'a soutenu. Il les a invités à rester unis "comme la force qui peut transformer le pays". Il s'est félicité que le PRD ait emporté une nouvelle fois la mairie de Mexico . "Nous allons approfondir la réforme démocratique dans la ville." Enfin, il s'est clairement placé dans l'opposition, en assurant que son combat politique est une lutte de principe. "Nous connaissons notre aspiration, a-t-il dit, nous continuerons jusqu'à la victoire, la lutte est longue, mais nous continuons à avancer."
Un jeune avocat de Mexico, proche du PRD, raconte que l'un de ses amis a réussi à le convaincre de voter pour le candidat de la droite en lui récitant la prière qu'il avait composée pour sauter le pas. "Il faut voter Fox. Après, il faut demander pardon à Dieu de l'avoir fait et puis, ensuite, il faut lui demander de nous protéger et de nous aider." Jaime, s'est résolu à réciter cette mystique politique en ajoutant ce complément : "Je vire le PRI et après je vois."
ALAIN ABELLARD
Le Monde du 4 juillet 2000
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