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L'HOMME CHEZ DESCARTES

Publié le 22/02/2012

Extrait du document

descartes
Je suppose que le corps n'est autre chose qu'une statue ou machine de terre que Dieu forme tout exprès pour la rendre la plus semblable à nous qu'il est possible : Nous voyons des horloges, des fontaines artificielles, des moulins, et autres semblables machines, qui n'étant faites que par des hommes, ne laissent pas d'avoir la force de se mouvoir d'elles-mêmes en plusieurs diverses façons ; Premièrement les viandes se digèrent dans l'estomac de cette machine par la force de certaines liqueurs qui, se glissant entre leurs parties les séparent, les agitent, et les échauffent , ainsi que l'eau commune fait celles de la chaux vive, ou l'eau forte celle des métaux ; et le feu qui est dans le c_ur de la machine que je vous décris n'y sert à autre chose qu'à dilater, échauffer, et subtiliser ainsi le sang, qui tombe continuellement goutte à goutte, par un tuyau de la veine cave, dans la concavité de son côté droit, d'où il s'exhale dans le poumon et de la veine du poumon, que les anatomistes ont nommé l'Artère veineuse, dans son autre concavité, d'où il se distribue par tout le corps. Et ainsi vous voyez que la respiration, qui sert seulement en cette machine à y épaissir ces vapeurs, n'est pas moins nécessaire à l'entretenement de ce feu, que l'est celle qui est en nous, à la conservation de notre vie, au moins en ceux de nous qui sont hommes formés ; Sachant ainsi la cause du pouls, il est aisé à entendre que ce n'est pas tant le sang contenu dans les veines de cette machine, et qui vient nouvellement de son foie, comme celui qui est dans ses artères, et qui a déjà été distillé dans son coeur, qui se peut attacher à ses autres parties, et servir à réparer ce que leur agitation continuelle, et les diverses actions des autres corps qui les environnent, en détachent et font sortir : Or, si c'est le corps d'un enfant que notre machine représente, sa matière sera si tendre, et ses pores si aisés à élargir, que les parties du sang qui entreront ainsi en la composition des membres solides seront communément un peu plus grosses que celles en la place de qui elles se mettront ; Ensuite de quoi je pourrais peut-être vous faire voir, comment, de l'humeur qui s'assemble vers E, il se peut former une autre machine toute semblable à celle-ci ; Ainsi que vous pouvez avoir vu, dans les grottes et les fontaines qui sont aux jardins de nos Rois, que la seule force dont l'eau se meut, en sortant de sa source, est suffisante pour y mouvoir diverses machines, et même pour les y faire jouer de quelques instruments, ou prononcer quelques paroles, selon la diverse disposition des tuyaux qui la conduisent. Et véritablement l'on peut fort bien comparer les nerfs de la machine que je vous décris aux tuyaux des machines de ces fontaines ; Et enfin quand l'âme raisonnable sera en cette machine, elle y aura son siège principal dans le cerveau, et sera là comme le fontenier, qui doit être dans les regards où se vont rendre tous les tuyaux de ces machines, quand il veut exciter, ou empêcher, ou changer en quelque façon leurs mouvements. et quelles sont celles de nos fonctions que cette machine peut imiter par leur moyen. Or, il vous est aisé d'appliquer ce que je viens de dire du nerf A, et des deux muscles D et E, à tous les autres muscles et nerfs, et ainsi, d'entendre comment la machine, dont je vous parle, peut être mue en toutes les mêmes façons que nos corps, par la seule force des esprits animaux qui coulent du cerveau dans les nerfs. Maintenant, pour entendre en particulier comment cette machine respire, pensez que le muscle d est l'un de ceux qui servent à hausser sa poitrine ou à abaisser son diaphragme, et que le muscle E est son contraire ; Pour entendre aussi comment cette machine avale les viandes qui se trouvent au fond de sa bouche, pensez que le muscle d est l'un de ceux qui haussent la racine de sa langue, et tiennent ouvert le passage par où l'air qu'elle respire doit entrer dans son poumon ; A l'exemple de quoi vous pouvez aussi entendre comment cette machine peut éternuer, bâiller, tousser, et faire les mouvements nécessaires à rejeter divers autres excréments. et que, lorsqu'ils y sont mus tant soit peu fort, ils tirent au même instant les parties du cerveau d'où ils viennent, et ouvrent par même moyen les entrées de certains pores, qui sont en la superficie intérieure de ce cerveau, par où les esprits animaux qui sont dans ses concavités commencent aussitôt à prendre leur cours, et se vont rendre par eux dans les nerfs, et dans les muscles, qui servent à faire, en cette machine, des mouvements tout semblables à ceux auxquels nous sommes naturellement incités, lorsque nos sens sont touchés en même sorte. Et avant que le m'arrête à vous expliquer, plus exactement, en quelle sorte les esprits animaux suivent leur cours par les pores du cerveau, et comment ces pores sont disposés, je veux vous parler ici en particulier de tous les sens, tels qu'ils se trouvent en cette machine, et vous dire comment ils se rapportent aux nôtres. Or je vous dirai que quand Dieu unira une âme raisonnable à cette machine, ainsi que je prétends vous dire ci-après, il lui donnera son siège principal dans le cerveau, et la fera de telle nature, que, selon les diverses façons que les entrées des pores qui sont en la superficie intérieure de ce cerveau seront ouvertes par l'entremise des nerfs, elle aura divers sentiments. Comme, premièrement, si les petits filets, qui composent la moelle de ces nerfs, sont tirés avec tant de force qu'ils se rompent, et se séparent de la partie à laquelle ils étaient joints, en sorte que la structure de toute la machine en soit en quelque façon moins accomplie : Mais les petits filets qui composent la moelle des nerfs de la langue, et qui servent d'organe pour le goût en cette machine, peuvent être mus par de moindres actions, que ceux qui ne servent que pour l'attouchement en général : Car vous devez savoir que, lorsque cette machine respire, les plus subtiles parties de l'air qui lui entrent par le nez, pénètrent par les pores de l'os qu'on nomme spongieux, sinon jusqu'au dedans des concavités du cerveau, pour le moins jusqu'à l'espace qui est entre les deux peaux qui l'enveloppent, d'où elles peuvent ressortir en même temps par le palais : Ce qui me semble suffire pour montrer comment l'âme, qui sera en la machine que je vous décris, pourra se plaire à une musique qui suivra toutes les mêmes règles que la nôtre, et comment même elle pourra la rendre beaucoup plus parfaite ; Ce sens dépend aussi en cette machine de deux nerfs, qui doivent sans doute être composés de plusieurs petits filets, les plus déliés, et les plus aisés à mouvoir qui puissent être ; d'autant qu'ils sont destinés à rapporter au cerveau ces diverses actions des parties du second élément, qui, suivant ce qui a été dit ci-dessus, donneront occasion à l'âme, quand elle sera unie à cette machine, de concevoir les diverses idées des couleurs et de la lumière. Or, après vous avoir ainsi expliqué les cinq sens extérieurs, tels qu'ils sont en cette machine, il faut aussi que je vous dise quelque chose de certains sentiments intérieurs qui s'y trouvent. ce qui sera cause que l'âme, étant unie à cette machine, concevra l'idée générale de la faim. L'on peut ici remarquer la structure admirable de cette machine, qui est telle que la faim lui vient d'avoir été trop longtemps sans manger, dont la raison est que le sang se subtilise et devient plus âcre par la circulation ; Et de ceci vous pouvez assez entendre ce qu'il y a, en cette machine, qui se rapporte à tous les autres sentiments intérieurs qui sont en nous ; or, vous pouvez ici concevoir que le c_ur et les artères, qui poussent les esprits animaux dans les concavités du cerveau de notre machine, sont comme les soufflets de ces orgues qui poussent l'air dans les porte-vent, et que les objets extérieurs, qui, selon les nerfs qu'ils remuent, font que les esprits contenus dans ces concavités entrent de là dans quelques-uns de ces pores, sont comme les doigts de l'organiste, qui, selon les touches qu'ils pressent, font que l'air entre des porte-vent dans quelques tuyaux. et c'est par le moyen de ces quatre différences, que toutes les diverses humeurs ou inclinations naturelles qui sont en nous (au moins en tant qu'elles ne dépendent point de la constitution du cerveau, ni des affections particulières de l'âme) sont représentées en cette machine. et, par conséquent, de ne rendre pas le corps de cette machine si léger, ni si allègre, comme il est quelque temps après que la digestion est achevée, et que le même sang ayant passé et repassé plusieurs fois dans le c_ur est devenu plus subtil. d'où vient que pour lors cette machine, étant disposée à obéir à toutes les actions des esprits, représente le corps d'un homme qui veille. Et pour lors cette machine représente le corps d'un homme qui dort, et qui a divers songes en dormant. Or, entre ces figures, ce ne sont pas celles qui s'impriment dans les organes des sens extérieurs, ou dans la superficie intérieure du cerveau, mais seulement celles qui se tracent dans les esprits sur la superficie de la glande H, où est le siège de l'imagination, et du sens commun, qui doivent être prises pour les idées, c'est-à-dire pour les formes ou images que l'âme raisonnable considérera immédiatement, lorsque étant unie à cette machine elle imaginera ou sentira quelque objet. et que cela même donnerait occasion à l'âme de sentir que le bras se tourne vers l'objet B, si elle était déjà dans cette machine, ainsi que je l'y supposerai ci-après. Et de plus, pour entendre ici par occasion comment, lorsque les deux yeux de cette machine, et les organes de plusieurs autres de ses sens, sont tournés vers un même objet, il ne s'en forme pas pour cela plusieurs idées dans son cerveau, mais une seule, il faut penser que c'est toujours des mêmes points de cette superficie de la glande H que sortent les esprits, qui, tendant vers divers tuyaux peuvent tourner divers membres vers les mêmes objets : Et ceci sera cause que, lorsqu'il y aura une âme dans cette machine, elle pourra quelquefois sentir divers objets par l'entremise des mêmes organes, disposés en même sorte, et sans qu'il y ait rien du tout qui se change, que la situation de la glande H. Mais l'effet de la mémoire qui me semble ici le plus digne d'être considéré consiste en ce que, sans qu'il y ait aucune âme dans cette machine, elle peut naturellement être disposée à imiter tous les mouvements que de vrais hommes, ou bien d'autres semblables machines, feront en sa présence. Mais, afin que je vous dise en quoi consiste la naturelle, sachez que Dieu a tellement disposé ces petits filets en les formant, que les passages qu'il a laissés parmi eux peuvent conduire les esprits, qui sont mus par quelque action particulière, vers tous les nerfs où ils doivent aller, pour causer les mêmes mouvements en cette machine, auxquels une pareille action nous pourrait inciter, suivant les instincts de notre nature ; Et s'il arrive que les plus fortes de ces parties soient maintenant celles qui tendent à couler vers certains nerfs, puis incontinent après, que ce soient celles qui tendent vers leurs contraires, cela fera imiter à cette machine les mouvements qui se voient en nous, lorsque nous hésitons, et sommes en doute de quelque chose. Ainsi pour entendre comment une seule action, sans se changer, peut mouvoir maintenant un pied de cette machine, maintenant l'autre, selon qu'il est requis pour faire qu'elle marche : car, premièrement, il ne faut que jeter les yeux sur cette 50e figure , et voir comment les petits filets D, D, qui se vont rendre dans les nerfs, y sont lâches et pressés, pour entendre comment, lorsque cette machine représente le corps d'un homme qui dort, les actions des objets extérieures sont pour la plupart empêchées de passer jusqu'à son cerveau, pour y être senties ; D'où il suit que cette machine se doit naturellement réveiller de soi-même, après qu'elle a dormi assez longtemps, comme réciproquement elle doit aussi se rendormir, après avoir assez longtemps veillé ; Or, avant que je passe à la description de l'âme raisonnable, je désire encore que vous fassiez un peu de réflexion sur tout ce que je viens de dire de cette machine ; Je désire que vous considériez après cela que toutes les fonctions que j'ai attribuées à cette machine, comme e la digestion des viandes, le battement du c_ur et des artères, la nourriture et la croissance des membres, la respiration, la veille et le sommeil ; je désire, dis-le, que vous considériez que ces fonctions suivent toutes naturellement en cette machine de la seule disposition de ses organes, ne plus ne moins que font les mouvements d'une horloge, ou autre automate, de celle de ses contrepoids et de ses roues ;
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« et que, lorsqu'ils y sont mus tant soit peu fort, ils tirent au même instant les parties du cerveau d'où ils viennent, et ouvrent parmême moyen les entrées de certains pores, qui sont en la superficie intérieure de ce cerveau, par où les esprits animaux qui sontdans ses concavités commencent aussitôt à prendre leur cours, et se vont rendre par eux dans les nerfs, et dans les muscles, quiservent à faire, en cette machine, des mouvements tout semblables à ceux auxquels nous sommes naturellement incités, lorsquenos sens sont touchés en même sorte. Et avant que le m'arrête à vous expliquer, plus exactement, en quelle sorte les esprits animaux suivent leur cours par les pores ducerveau, et comment ces pores sont disposés, je veux vous parler ici en particulier de tous les sens, tels qu'ils se trouvent en cettemachine, et vous dire comment ils se rapportent aux nôtres. Or je vous dirai que quand Dieu unira une âme raisonnable à cette machine, ainsi que je prétends vous dire ci-après, il lui donnerason siège principal dans le cerveau, et la fera de telle nature, que, selon les diverses façons que les entrées des pores qui sont enla superficie intérieure de ce cerveau seront ouvertes par l'entremise des nerfs, elle aura divers sentiments. Comme, premièrement, si les petits filets, qui composent la moelle de ces nerfs, sont tirés avec tant de force qu'ils se rompent, etse séparent de la partie à laquelle ils étaient joints, en sorte que la structure de toute la machine en soit en quelque façon moinsaccomplie : Mais les petits filets qui composent la moelle des nerfs de la langue, et qui servent d'organe pour le goût en cette machine,peuvent être mus par de moindres actions, que ceux qui ne servent que pour l'attouchement en général : Car vous devez savoir que, lorsque cette machine respire, les plus subtiles parties de l'air qui lui entrent par le nez, pénètrent parles pores de l'os qu'on nomme spongieux, sinon jusqu'au dedans des concavités du cerveau, pour le moins jusqu'à l'espace quiest entre les deux peaux qui l'enveloppent, d'où elles peuvent ressortir en même temps par le palais : Ce qui me semble suffire pour montrer comment l'âme, qui sera en la machine que je vous décris, pourra se plaire à une musiquequi suivra toutes les mêmes règles que la nôtre, et comment même elle pourra la rendre beaucoup plus parfaite ; Ce sens dépend aussi en cette machine de deux nerfs, qui doivent sans doute être composés de plusieurs petits filets, les plusdéliés, et les plus aisés à mouvoir qui puissent être ; d'autant qu'ils sont destinés à rapporter au cerveau ces diverses actions des parties du second élément, qui, suivant ce qui a étédit ci-dessus, donneront occasion à l'âme, quand elle sera unie à cette machine, de concevoir les diverses idées des couleurs etde la lumière. Or, après vous avoir ainsi expliqué les cinq sens extérieurs, tels qu'ils sont en cette machine, il faut aussi que je vous dise quelquechose de certains sentiments intérieurs qui s'y trouvent. ce qui sera cause que l'âme, étant unie à cette machine, concevra l'idée générale de la faim. L'on peut ici remarquer la structure admirable de cette machine, qui est telle que la faim lui vient d'avoir été trop longtemps sansmanger, dont la raison est que le sang se subtilise et devient plus âcre par la circulation ; Et de ceci vous pouvez assez entendre ce qu'il y a, en cette machine, qui se rapporte à tous les autres sentiments intérieurs quisont en nous ; or, vous pouvez ici concevoir que le c_ur et les artères, qui poussent les esprits animaux dans les concavités du cerveau de notremachine, sont comme les soufflets de ces orgues qui poussent l'air dans les porte-vent, et que les objets extérieurs, qui, selon lesnerfs qu'ils remuent, font que les esprits contenus dans ces concavités entrent de là dans quelques-uns de ces pores, sont commeles doigts de l'organiste, qui, selon les touches qu'ils pressent, font que l'air entre des porte-vent dans quelques tuyaux. et c'est par le moyen de ces quatre différences, que toutes les diverses humeurs ou inclinations naturelles qui sont en nous (aumoins en tant qu'elles ne dépendent point de la constitution du cerveau, ni des affections particulières de l'âme) sont représentéesen cette machine. et, par conséquent, de ne rendre pas le corps de cette machine si léger, ni si allègre, comme il est quelque temps après que ladigestion est achevée, et que le même sang ayant passé et repassé plusieurs fois dans le c_ur est devenu plus subtil. d'où vient que pour lors cette machine, étant disposée à obéir à toutes les actions des esprits, représente le corps d'un homme qui. »

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