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MCHELET, Histoire de France, livre VI

Publié le 23/05/2011

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histoire

Dans cette guerre chevaleresque que se faisaient à armes courtoises les nobles de France et d'Angleterre, il n'y avait au fond qu'un ennemi, une victime des maux de la guerre : c'était le paysan. Avant la guerre, celui-ci s'était épuisé pour fournir aux magnificences des seigneurs, pour payer ces belles armes, ces écussons émaillés, ces riches bannières qui se firent prendre à Crécy et à Poitiers. Après, qui paya la rançon ? Ce fut encore le paysan. Les prisonniers, relâchés sur parole, vinrent sur leurs terres ramasser vitement les sommes monstrueuses qu'ils avaient promises sans marchander sur le champ de bataille. Le bien du paysan n'était pas long à inventorier. Maigres bestiaux, misérables attelages, charrue, charrette et quelques ferrailles. De mobilier, il n'y en avait point. Nulle réserve, sauf un peu de grain pour semer. Cela pris et vendu, que restait-il sur quoi le seigneur eût recours? le corps, la peau du pauvre diable. On tâchait encore d'en tirer quelque chose. Apparemment le rustre avait quelque cachette où il enfouissait. Pour le lui faire dire, on le travaillait rudement. On lui chauffait les pieds. On n'y plaignait ni le fer ni le feu. Il n'y a plus guère de châteaux ; les édits de Richelieu, la Révolution, y ont pourvu. Toutefois, maintenant encore, lorsque nous cheminons sous les murs de Taillebourg ou de Tancarville, lorsque, au fond des Ardennes, dans la gorge de Montcornet, nous envisageons sur nos têtes l'oblique et louche fenêtre qui nous regarde passer, le coeur se serre, nous ressentons quelque chose des souffrances de ceux qui, tant de siècles durant, ont langui au pied de ces tours. Il n'est même pas besoin pour cela que nous ayons lu les vieilles histoires. Les âmes de nos pères vibrent encore en nous pour des douleurs oubliées, à peu près comme le blessé souffre à la main qu'il n'a plus.

MCHELET, Histoire de France, livre VI, 1844.

Vous ferez de cette page un commentaire composé. Vous pourrez montrer, par exemple, comment l'historien, en partant d'une explication objective (il étudie dans ce chapitre la guerre de Cent Ans) aboutit à une méditation quasi lyrique.

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