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Rapport Président Premier Ministre Sous La Vème République

Publié le 07/03/2014

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"Le premier ministre est un collaborateur, le patron c' est moi." Cette déclaration du président a le mérite d' etre franche, d' autant plus que François Fillon ne s' oppose pas à cette conception, précisant « on est complémentaire, le Président décide, prend les orientations et le Premier Ministre met en oeuvre, c'est le style de la Vème République «. Pourtant L' article 19 de la Constitution énumère et limite les pouvoirs du Président de la république. Cela signifie que tous les autres pouvoirs sont partagés avec le Premier ministre en cela que le président doit obtenir son contreseing. Cependant la légitimité acquise par le Président depuis son élection au suffrage universel et le fait majoritaire tendent vers un élargissement des pouvoirs du Président, auxquels les ministres du meme bord que le président ne s' oppose pas. Pourtant le premier ministre dispose de pouvoirs conséquents et on l' a vu sous la 1ere et la 3eme collaboration, dispose de moyens pour mettre en oeuvre sa politique. Cependant il semblerait que ce regain de pouvoir du Premier Ministre soit rendu plus difficile depuis le quiquennat et le rétablissement du calendrier des élections législatives. Ainsi on peut se demander si le premier Ministre peut réellement mener une politique indépendante du Chefde l' Etat , s' il peut s' opposer à lui , ou s il n' est que la marionnette du Chef de l' Etat. 

 

I)Un bicéphalisme inefficace ou le triomphe de la légitimité populaire du président. 

L' avantage d 'un éxécutif bicéphale, est de modérer le pouvoir du Chef de l' Etat. Le premier ministre en proposant et acceptant les décisions prend la responsabilité de leurs conséquences et peut etre ( supposons l' absence du fait majoritaire) renversé si elles échouent. Le Président , lui est irresponsable. Ainsi le bicéphalisme français devrait permettre un débat , une discussion entre les deux. Le président et le premier ministre devraient etre alliés pour produire la meilleure décision possible. Cependant la soumission du Premier Ministre au président met en place un profond déséquilibre. Un parlement , et surtout une opposition sans pouvoir face à un président aux pouvoirs importants et irresponsable politiquement, de droit. le premier ministre devient non plus la moitié de l' éxécutif mais s' efface , alors que le président acquiert les pouvoirs du premier ministre. 

 

A) Le premier ministre , marionnette du Président 

Une des premières raisons à la suprématie du Chef de l' Etat sur le premier ministre est le fait que le Premier ministre est choisi par le président. Il n' est pas tenu de le choisir dans la majorité parlementaire mais étant donné que le premier ministre choisi doit immédiatement poser la question de confiance au Parlement , le choix est réduit. Ainsi le régime français est conçu avec la composante un régime parlementaire moniste : le premier Ministre n' est responsable que devant l' Assemblée. Or, avec le fait majoritaire cette responsabilité a disparu ou plutot, elle s oriente désormais vers le président de la République. En effet, si le Président de la république ne peut pas renvoyer le Premier Ministre, il peut cependant accepter sa démission. Simple problème de forme, lorsque le premier ministre est rallié au Président, la preuve en est la technique du Premier ministre et du Second Premier ministre que tous les présidents ou presque utilisent. Le renvoi , ou la "démission" de J. Chaban Delmas en 1972, qui peu auparavant avait obtenu la confiance du parlement sur son programme de nouvelle société, remet en effet en cause cette pratique abusive de la Constitution, qui force les ministres à démissionner pour ne pas créer de crise politique. En fait il semble et c' est là le plus grand problème, que du fait de la legitimité "direct" du président se plie à ses demandes. On peut remarquer qu en cas de refus du Premier Ministre de démissioner ou de cohabitation, le Président peut également user de son droit de dissolution( pour lequel il dispose de pouvoir propre!) , qui, si les élections n' amènent pas à une nouvelle majorité peut lui permettre de nommer un nouveau Premier Ministre, plus effacé. Reste alors la sanction populaire et médiatique. 

Le problème de l irresponsabilité de fait de l' éxécutif pose encore une question sur le caractère démocratique du régime. En effet le Président peut demander à son Premier Ministre d' engager sa responsabilité sur un texte de loi. Ainsi du fait de la majorité et par peur d 'une crise le président peut faire voter une loi sans que l' opposition n' ait pu la discuter. Le risque au final lorsque le Premier Ministre est soumis au Président est que le parlement lui soit soumis également. 

B) Le domaine réservé 

La notion de domaine réservé est trés contestable dans un système où en cas de majorité le président est hégémonique cependant meme si le premier ministre " est responsable de la Défense nationale"(art.21) , les affaires diplomatiques et extérieures reviennent au Président. Cet article est ambigu et permettrait au Premier Ministre d' étendre ses pouvoirs cependant c' est toujours le Président qui représente la france dans les sommets internationaux, au Conseil de l' Europe. A un moment où l' Union Européenne influe de plus en plus sur les politiques domestiques, l' effacement du Premier Ministre, qui, en période de cohabitation, pourrait etre opposé aux conceptions du président renforce la légitimité de ce domaine reservé. Cependant ce domaine reservé résulte d 'un usage. On a vu en effet qu en période de cohabitation , la France était représentée aux sommets internationaux par J.Chirac (PM) et F. Mitterand. Cependant la présence de deux hommes avec deux visions contraires affaiblissaient la France plus qu' elle ne rétablissait l' équilibre des pouvoirs. 

En fait lorsque le président et le premier ministre connivent politiquement , le président se trouve doter de toutes les compétences du Premier Ministre, dans la mesure ou celui ci accepte sur ordre tacite du président de mettre en oeuvre ses pouvoirs pour executer le programme politique du président. En fait on assiste à un renversement de la Constitution . Le Président dispose d un grand nombre de pouvoir sur proposition du premier ministre mais ces pouvoirs sont amoindris si le premier ministre ne propose pas. Or maintenant, et cela d' une manière " extra constitutionnelle" c' est le Président qui propose au premier ministre d' activer ce pouvoir pour que le projet de loi ( dont le premier Ministre a l' initiative mais qui est conforme à la politique du président), soit exécuté. Ainsi finalement c' est le Président qui peut choisir les ministres, choisir le gouvernement. 

 

Un exemple du cumul des fonctions du président est la présidence du Conseil des ministres.En effet la Constitution reconnait qu' il est le Président du Conseil des Ministres, qu il peut convoquer en tout lieu et en tout moment , mais qui a lieu généralement une fois par semaine. Or le président de la République a le pouvoir de fixer l' ordre du jour de ce Conseil. Ceci pose un problème important au niveau du pouvoir réglementaire qui revient normalement au premier ministre en vertu de l' article 21. dans le cadre de sa présidence au Conseil des ministres le président de la République " signe les ordonnaces et décrets délibérés en Conseil des ministres" (art. 13). Les ordonnances, prises en Conseil des ministres systématiquement ont valeur législative et constituent une incursion de l' éxécutif dans le domaine législatif. Or le Président de la République controle l' ordre du jour du Conseil des ministres et peut donc décider de la signature de telle ordonnance ou de tel décret. Ceci peut permettre au Président lorsque le premier Ministre lui est subordonné de faire passer une loi par ordonnance, rapidement, quand celle ci aurait pu faire l' objet de contestations si elle devait etre adoptée par voie parlementaire. Ainsi en faisant du président le président du Conseil des ministres, la Veme République est revenue sur la Constitution de 1946 qui attribuait ce pouvoir au Premier ministre ( alors président du Conseil) et constitue une forte intrusion du Président dans le domaine législatif. 

Cependant le président dispose d' une légitimité assez forte pour pouvoir concentrer tous les pouvoirs de l' éxécutif. La cohabitation , cependant , plus qu' un mode accidentel de gouvernement permet de redonner toute sa légitimité au Premier ministre et de retrouver les vertus d' un éxécutif bicéphale, à savoir la modération , la discussion , et le partage des pouvoirs, particulièrement important lorsque la responsabilité politique ne joue plus, de droit ( irresponsabilité politique du Président) ou de fait. ( irresponsabilité politique du Premier Ministre due au fait majoritaire.) 

 

II) Un réel bicéphalisme en période de cohabitation ou la légitimité retrouvée du Premier Ministre. 

L' interet de ces périodes est que le Premier Ministre ne doit plus rien au président dont il est l' adversaire politique. Il n' a pas à accepter ce qu un premier ministre en période de fait majoritaire ne pourrait pas refuser. A ce moment là les seuls pouvoirs dont dispose le président sont les pouvoirs propres déterminés dans l' article 5. 

A) Une limitation des pouvoirs propres et des pouvoirs partagés. 

D' abord le président ne peut plus nommer de manière discrétionnaire un ministre puisque celui ci doit recevoir la confiance de l' Assemblée. De plus la possibilité de recourir à l' article 11 pour le référendum législatif est considérablement réduite puisque le président ne peut recourir au référendum que sur proposition du gouvernement et donc du premier ministre. Ensuite le Président s' auto limite dans les pouvoirs partagés. En effet le président peut, en sa qualité de président du Conseil des ministres refuser de signer une ordonnance qui devra alors etre adoptée par voie parlementaire. Ce fut le cas lors de la cohabitation Chirac/ Mitterand, lorsque F. Mitterand refusa de signer trois ordonnances de Chirac concernant la privatisation d' entreprises. L' article 13 est en fait assez ambigu puisqu il dit que le président signe les ordonnances mais ne précise pas si l' absence de signature équivaut à un véto, ou si le président est tenu de les signer de manière formelle. En fait on a lu cet article selon une conception gaulliste, la non signature du président équivalant à un véto. Et c' est ainsi que Mitterand refusant de signer ces ordonnances, força J. Chirac à faire adopter cette loi par voie parlementaire. Or cette pratique n' a pas de justification pertinente puisque si le premier Ministre dispose d une majorité , cette loi sera adoptée. De plus le président a renoncé à cette pratique puisqu elle donne l' apparence d' un coup de force, sanctionné gravement par l opinion publique. Mais sous un autre angle , elle peut pousser à relativiser le regain de pouvoir du premier Ministre en période de cohabitation. De plus il faut relativiser la pratique des ordonnaces puisque le Gouvernement est à l' initiative de la loi . Or en période de cohabitation c' est bien le Gouvernement et non le Président via le premier Ministre qui est à l' initiative des lois. 

La cohabitation la plus révélatrice du pouvoir du premier Ministre fut en fait celle de Lionel Jospin qui répondit à J. Chirac qu' "il n' y a pas de domaine de la politique française où le président de la République aurait le dernier mot". Lionel Jospin réussit à négocier amplement sur la politique africaine, sur la gestion de la guerre au Kosovo 

 

B) Des limites au repli présidentiel 

Mais le président en période de cohabitation dispose tout de meme sur le plan juridique d' un certain pouvoir , ce qu on désigne comme le "pré-carré constitutionnel". En effet le président conserve ses pouvoirs propres mais il a également un pouvoir de blocage ou de négociation s' agissant de la nomination des hauts fonctionnaires et de la signature des ordonnances, de l' inscription à l' ordre du jour du Conseil des Ministres. Il conserve en plus un pouvoir prééminent sur le plan de la défense et de la politique étrangère dans les grandes orientations. Ceci par l' usage mais également parceque les grands traités internationaux renvoient au Chef de l' Etat, à savoir le Président et non au Premier Ministre. Enfin le président dispose d' un droit de parole qui lui permet de contester la politique du gouvernement. or son double statut de garant de l' indivisibilité , de l' unicité de l' Etat et aussi de chef de l' opposition lui donne un grand pouvoir. La présidence de Mitterand, malgré la cohabitation, ne marqua pasun véritable repli du président qui disposait tout de meme, en vertu du scrutin proportionnel d' un soutien solide à l' Assemblée, et surtout qui pouvait se placer dans l' optique d 'une réelection. 

En fait la question de la cohabitation ou de la non cohabitation masque la vraie question de la légitimité de l' éxécutif. En effet le Président et le premier ministre sont deux branches d' un meme pouvoir. Le plus apte à exécuter est celui ayant la plus grande légitimité, or l' élection du Président au suffrage universel direct a profondément modifié la donne , lui donnant une plus grande légitimité par rapport au premier ministre et au gouvernement nommés indirectement et qui ne sont parfois pas aussi charismatique que le président ( second premier ministre). 

 

Finalement on retrouve à l' origine des rapports entre le Parlement et le gouvernement le problème de la légitimité du président supérieure à celle du premier Ministre. Qui plus est, le président tend à établir des projets de loi de plus en plus, sans l' aide des ministres mais avec l' aide de techniciens. Cependant cela ne remt pas en cause la nécéssité de l' existence d un premier ministre (meme si la cohabitation semble empechée par le quinquennat et le calendrier des élections) car celui ci conserve un role crucial d' arbitrage entre les différents ministères et de prévention contre de possibles abus. Plus largement , on voit qu' autour de la Constitutions' est créée une méta- constitution faite par la pratique, la réaction populaire, les enjeux électoraux et que c' est cette méta-constitution qui pratique une censure du président bien plus que les textes. N. Sarkozy inquiète dans le sens où ses déclarations extremement médiatisées semblent remettre en cause cette méta-constitution et l' équilibre démocratique dont son auto-censure est la seule garante.

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