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témoignage (histoire)

Publié le 13/04/2013

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histoire

témoignage (histoire), récit d’un événement par l’un de ses acteurs.

Le témoignage a longtemps été considéré par les historiens comme la source par excellence. L’analyse des témoignages a focalisé l’attention de tous les théoriciens de l’histoire jusqu’au début du XXe siècle, comme le montre, par exemple, l’Introduction aux études historiques (1898) de Charles Seignobos. Source reine, le témoignage écrit pouvait être complété, confirmé, rectifié parfois par les autres sources littéraires, mais son étude est longtemps demeurée le travail par excellence de l’historien.

Les distinctions entre les diverses formes de témoignages ont été détaillées avec précision : aux témoignages immédiats (écrits dans le feu de l’action, comme le journal de campagne d’un militaire), on a opposé les témoignages postérieurs (rédigés après coup, comme les Commentaires de César). Aux témoignages directs des acteurs de l’action, on a opposé les témoignages indirects de ceux qui avaient entendu le récit — témoignages de deuxième, troisième ou énième main, dont les hadith de la religion musulmane peuvent être l’archétype. Une hiérarchie implicite existe entre ces témoignages supposés être plus ou moins fiables, plus ou moins porteurs de vérité historique. L’étude des Mérovingiens par Augustin Thierry, reposant presque exclusivement sur les témoignages indirects et postérieurs de Grégoire de Tours et du Pseudo-Frédégaire, souffre à la fois sur le plan chronologique et sur le plan conceptuel de cette fascination pour la vérité des faits narrés.

Dès le XIXe siècle, la prééminence des témoignages a cependant été remise en cause : d’une part, par l’utilisation systématique des textes officiels comme ceux du Moniteur universel par Buchez et Roux pour leur Histoire parlementaire de la Révolution française ; d’autre part, par le recours aux archives manuscrites, dont Michelet est l’initiateur, ce qui est devenu l’un des impératifs fondamentaux du métier d’historien, puis, par la mise en évidence de sources nouvelles dans le cadre de l’école des Annales : archéologie, iconographie, linguistique, paléo-médecine, entre autres, qui permettent de retracer l’histoire de gens n’ayant pas ou peu laissé de témoignages, les pauvres et les illettrés. Enfin, cette prééminence des témoignages a été ébranlée par la découverte, via l’ethnologie et la sociologie, de méthodes permettant de traiter scientifiquement les traditions orales, d’abord pour l’histoire africaine, puis pour l’histoire des pays plus développés. Face à ces concurrents, le témoignage a perdu de sa valeur, et est devenu obsolète.

De plus, les historiens de l’époque contemporaine ont très rapidement mis en lumière la fragilité croissante des témoignages, fragilité d’autant plus inquiétante que ceux-ci se multiplient à la fois quantitativement et qualitativement. Avec les enregistrements sonores et visuels, tout peut maintenant faire témoignage, et ce qui est exceptionnel dans l’histoire ancienne (témoignage d’un Hérodote sur la bataille de Salamine) devient superflu pour l’historien du temps présent : photo d’un président venant s’ajouter aux milliers de clichés du même président.

Le traitement des témoignages par les historiens s’en trouve donc notablement modifié : désormais, de plus en plus, le témoignage sert de source pour la connaissance non du fait relaté, mais du témoin lui-même et de l’image que ce témoin se fait des attentes de son public. Le témoignage, qui a perdu en intérêt pour ce qu’il relate, devient en lui-même objet d’études et d’interrogations. L’apogée de cette évolution se trouve peut-être dans l’étonnant recueil des Essais d’ego-histoire publiés à la fin des années quatre-vingt, où des historiens célèbres, tels que Pierre Chaunu ou René Rémond, tentent de traiter en historien leur propre témoignage sur leur carrière d’historien, en une cascade de reflets où se noie la mythique sérénité du jugement de l’histoire.

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