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TEXTE: Le langage expression émotionnelle du type animal. LUCRÈCE.

Publié le 22/02/2012

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langage
Quant aux divers sons du langage, c'est la nature qui poussa les hommes à les émettre, et c'est le besoin qui fit naître les noms des choses ; à peu près comme nous voyons l'enfant amené à recourir au geste par son incapacité même de s'exprimer avec la langue, qui lui fait désigner du doigt les objets présents. Tout être en effet a le sentiment de l'usage qu'il peut faire de ses facultés.... Aussi penser qu'alors un homme ait pu donner à chaque chose son nom, et que les autres aient appris de lui les premiers éléments du langage, est vraiment folie. Si celui-là a pu désigner chaque objet par un nom, émettre les divers sons du langage, pourquoi supposer que d'autres n'auraient pu le faire en même temps que lui ? En outre si les autres n'avaient pas également usé entre eux de la parole, d'où la notion de son utilité lui est-elle venue ? De qui a-t-il reçu le premier le privilège de savoir ce qu'il voulait faire et d'en avoir la claire vision ? De même un seul homme ne pouvait contraindre toute une multitude et, domptant sa résistance, la faire consentir à apprendre les noms de chaque objet.... Enfin qu'y a-t-il là-dedans de si étrange, que le genre humain, en possession de la voix et de la langue, ait désigné suivant ses impressions diverses les objets par des noms divers ? Les troupeaux privés de la parole, et même les espèces sauvages poussent bien des cris différents, suivant que la crainte, la douleur ou la joie les pénètre ; comme il est aisé de s'en convaincre par des exemples familiers. Ainsi quand la colère fait gronder sourdement les chiens molosses, et, retroussant leurs larges et molles babines, met à nu leurs dents dures, les sons dont nous menace la rage qui fronce leur mufle sont tout autres que les aboiements sonores dont ensuite ils emplissent l'espace.... Ne nous semble-t-il point entendre des hennissements différents, quand au milieu des cavales s'emporte le fougueux étalon, dans la fleur de son âge, éperonné par l'Amour, son cavalier ailé, et que les naseaux dilatés il frémit prêt à la lutte, ou quand toute autre émotion secoue ses membres et le fait hennir ?

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