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Texte: LES METEORES, DISCOURS SEPTIEME, DES TEMPÊTES, DE LA FOUDRE ET DE TOUS LES AUTRES FEUX QUI S'ALLUMENT EN L'AIR. DESCARTES

Publié le 22/02/2012

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discours
Au reste, ce n'est pas seulement quand les nues se dissolvent en vapeurs, qu'elles causent des vents, mais elles peuvent aussi quelquefois s'abaisser si à coup, qu'elles chassent avec grande violence tout l'air qui est sous elles et en composent un vent très fort, mais peu durable, dont l'imitation se peut voir, en étendant un voile un peu haut en l'air, puis de là le laissant descendre tout plat vers la terre. Mais si la nue qui descend est fort pesante et fort étendue (comme elle peut être plus aisément sur les grandes mers qu'aux autres lieux, à cause que les vapeurs y étant fort également dispersées, sitôt qu'il s'y forme la moindre nue en quelque endroit, elle étend incontinent en tous les autres circonvoisins), cela cause infailliblement une tempête, laquelle est d'autant plus forte que la nue est plus grande et pesante, et dure d'autant plus longtemps que la nue descend de plus haut. Et c'est ainsi que je m'imagine que se font ces travades que les mariniers craignent tant en leurs grands voyages, particulièrement un peu au delà du cap de Bonne-Espérance, où les vapeurs qui s'élèvent de la mer Ethiopique qui est fort large et fort échauffée par le soleil, peuvent aisément causer un vent d'abas qui, arrêtant le cours naturel de celles qui viennent de la mer des Indes, les assemble en une nue, laquelle procédant de l'inégalité qui est entre ces deux grandes mers et cette terre, doit devenir incontinent beaucoup plus grande que celles qui se forment en ces quartiers, où elles dépendent de plusieurs moindres inégalités qui sont entre nos plaines et nos lacs et nos montagnes. Même il est à remarquer que les vapeurs mêlées parmi cet air sont dilatées par son agitation, et qu'il en sort aussi pour lors plusieurs autres de la mer, à cause de l'agitation de ses vagues, ce qui augmente beaucoup la force du vent, et retardant la descente de la nue, fait durer l'orage d'autant plus longtemps. Puis aussi, qu'il y a d'ordinaire des exhalaisons mêlées parmi ces vapeurs qui, ne pouvant être chassées si loin qu'elles par la nue à cause que leurs parties sont moins solides et ont des figures plus irrégulières, en sont séparées par l'agitation de l'air en même façon que (comme il a été dit ci-dessus) en battant la crème on sépare le beurre du petit lait, et que par ce moyen elles s'assemblent par-ci par-là en divers tas qui flottant toujours le plus haut qu'il se peut contre la nue, viennent enfin s'attacher aux cordes et aux mâts des navires, lorsqu'elle achève de descendre. car cela témoigne que ce vent septentrional, ayant passé contre la terre, en a chassé la chaleur vers l'endroit de l'air où se forment les plus hautes nues, et qu'en étant après chassé lui-même vers celui où se forment les plus basses, par la dilatation de l'air inférieur que causent les vapeurs chaudes qu'il contient, non seulement les plus hautes en se condensant doivent descendre, mais aussi les plus basses, demeurant fort rares et même étant comme soulevées et repoussées par cette dilatation de l'air inférieur, leur doivent résister en telle sorte que souvent elles peuvent empêcher qu'il n'en tombe aucune partie jusques à terre. Mais comme nous avons déjà remarqué qu'il éclaire quelquefois sans qu'il tonne, ainsi aux endroits de l'air où il se rencontre beaucoup d'exhalaisons et peu de vapeurs, il se peut former des nues si peu épaisses et si légères que tombant d'assez haut l'une sur l'autre, elles ne font ouïr aucun tonnerre, ni n'excitent en l'air aucun orage, nonobstant qu'elles enveloppent et joignent ensemble plusieurs exhalaisons, dont elles composent non seulement de ces moindres flammes qu'on dirait être des étoiles qui tombent du ciel, ou d'autres qui le traversent, mais aussi des boules de feu assez grosses, et qui, parvenant jusques à nous, sont comme des diminutifs de la foudre.

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