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Yougoslavie (histoire)

Publié le 23/02/2013

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histoire

1   PRÉSENTATION

Yougoslavie (histoire), officiellement République socialiste fédérative de Yougoslavie, ancien État de la péninsule des Balkans, en Europe du Sud-Est, qui exista de 1918 à 1991. La Yougoslavie, royaume héréditaire à partir de 1918, ne devint une république que le 29 novembre 1945. Elle englobait six républiques qui constituent aujourd’hui les États suivants : la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, l’Ancienne République yougoslave de Macédoine (ARYM), le Monténégro, la Serbie et la Slovénie. La Serbie incluait les deux provinces autonomes du Kosovo et de Voïvodine. La Yougoslavie couvrait une superficie de 255 803 km2 et était délimitée par l’Autriche et la Hongrie au nord, la Roumanie et la Bulgarie à l’est, la Grèce au sud, l’Albanie et la mer Adriatique à l’ouest. La capitale et ville la plus importante de Yougoslavie était Belgrade, située en république de Serbie.

Les Slaves du Sud (traduction littérale du mot Yougoslaves) regroupent plusieurs peuples de la péninsule des Balkans : les Serbes, les Croates, les Slovènes, les Monténégrins, les Bulgares et les Macédoniens. La langue fut sans doute le seul lien entre tous ces peuples. Le Mouvement illyrien, dont les promoteurs furent le Croate Ljudevit Gaj, le Slovène Jernej Kopitar et le Serbe Vuk Karad¸ić œuvra en vue de l'unification linguistique. Gaj, en choisissant un dialecte répandu également en Serbie pour forger une langue littéraire croate moderne mettait à la disposition des Serbes et des Croates une langue commune. Le serbe et le croate, à quelques variantes dialectales près, sont une seule et même langue, même si un mouvement inverse s'observe aujourd'hui en raison de l'éclatement de l'ancienne Yougoslavie. En revanche, d'autres traits culturels vont dans le sens de l'affirmation d'identités opposées : les Serbes sont orthodoxes, les Croates, catholiques. Enfin, si le mouvement d'unification politique de ces peuples remonte au moins au début du XIXe siècle, les Slaves du Sud furent presque toujours historiquement séparés et contrôlés par les grandes puissances voisines, comme l'Empire ottoman, l'Italie, l'Autriche-Hongrie et la Bulgarie. Les entités politiques de la période précédant la Première Guerre mondiale comprenaient : les États indépendants de Serbie et du Monténégro ; de la Bosnie-Herzégovine, sous la souveraineté de l'Empire austro-hongrois ; la Croatie et la Slavonie, dépendances semi-autonomes de la Hongrie et par la suite territoire de la Couronne d'Autriche ; enfin, la Dalmatie, possession autrichienne. Territoires qui s'émancipèrent entre 1876 et 1913, au prix de guerres sanglantes avec la Sublime Porte.

2   LANGUES ET RELIGIONS

La Yougoslavie possédait trois langues officielles. Le serbo-croate, le slovène (voir Slaves, langues) et le macédonien. Le serbo-croate était la langue dominante, parlée par près de 75 p. 100 de la population, et reflétait la prédominance des Serbes (36 p. 100) et des Croates (20 p. 100). Les Serbes utilisaient l'alphabet cyrillique, et les Croates l'alphabet romain. Le slovène est apparenté au serbo-croate, le macédonien, proche du Bulgare, n'est pas reconnu comme une langue nationale par la Bulgarie et la Grèce. La Constitution yougoslave garantissait la liberté de culte et la séparation de l'Église et de l'État. Près de la moitié de la population appartenait à l'Église orthodoxe serbe ou à une autre Église orthodoxe ; 30 p. 100 étaient catholiques romains (Croates et Slovènes) et environ 10 p. 100 étaient musulmans.

3   GOUVERNEMENT ET VIE POLITIQUE

La Yougoslavie a été proclamée république populaire fédérative de Yougoslavie le 29 novembre 1945 avec pour capitale Belgrade. Elle instituait six républiques constituées par les nations (narodi) serbe, croate, monténégrine, slovène, macédonienne, musulmane, et des nationalités (narodnosti) : Ruthènes, Valaques, Roms (Tziganes), Albanais, Hongrois, Tchèques, Roumains, Slovaques, Turcs, Bulgares. Chaque république était en théorie considérée comme un État souverain au sein de la fédération.

3.1   Constitutions

La première Constitution fut promulguée le 31 janvier 1946 par l'Assemblée constituante issue des élections législatives du 11 novembre 1945. Calquée sur la Constitution soviétique de 1936, elle proclamait en droit l'égalité de tous les peuples constituant la république, sans distinction de nationalité, de race ou de religion. Le maréchal Tito fut déclaré chef de l'État.

Une seconde Constitution, approuvée le 7 avril 1963, étendit les prérogatives des républiques et des provinces autonomes. Enfin, une troisième Constitution proclamée en 1974, décentralisait et fédérait encore plus le pays, tout en accordant au maréchal Tito le poste de président à vie. L'édifice constitutionnel ainsi bâti devint extrêmement complexe à gérer.

3.2   Pouvoir exécutif

Plusieurs niveaux de pouvoir existaient : le pouvoir exécutif de la fédération, celui des républiques et des provinces autonomes. La présidence collective de la République yougoslave était composée de huit membres, représentant chacune des républiques et provinces, élus pour cinq ans par les assemblées des républiques et provinces autonomes. Sa fonction était de définir la politique du pays, de promulguer la législation fédérale et de proposer au Parlement les membres du Conseil exécutif fédéral. Ce dernier était élu par les deux assemblées sur proposition de la présidence collective pour quatre ans, il était responsable devant le Parlement et appliquait la politique définie par la présidence collective.

3.3   Pouvoir législatif

Deux assemblées égales en droit détenaient le pouvoir législatif : la Chambre fédérale, avec 220 députés élus pour quatre ans par les Assemblées communales, et la Chambre des républiques et des provinces, avec 88 députés élus pour quatre ans par les assemblées des républiques et des provinces. Cette dernière détenait les pouvoirs économiques réels.

3.4   Pouvoir judiciaire

La Cour suprême fédérale jugeait en appel les cas transmis par les cours suprêmes des républiques.

3.5   Gouvernement local

Chaque république ou province autonome avait sa propre Constitution, son parlement, sa justice.

3.6   Partis politiques

À partir de 1946, le Parti communiste, qui fut rebaptisé au mois de novembre 1952, lors de son VIe Congrès, Ligue des communistes de Yougoslavie, fut le seul parti politique légal du pays.

4   HISTOIRE
4.1   Formation de l'État yougoslave

L'assassinat de l'archiduc François-Ferdinand d'Autriche par un nationaliste serbe — Gavrilo Princip — fut l'une des causes de la Première Guerre mondiale. En 1914, l'Empire austro-hongrois déclara la guerre à la Serbie, qui fut écrasée militairement en 1915. L'occupation de la Serbie par les Empires centraux semblait priver d'avenir les nationalistes des Balkans, qui continuèrent cependant à maintenir les liens entre eux. Le 20 juillet 1917, le chef du gouvernement en exil à Londres, Nikola Pašić, le président du comité yougoslave formé à Londres par les Croates, Ante Trumbić et le maire de Zagreb, Franco Subilo, signèrent la déclaration de Corfou, qui prévoyait l'union des Serbes, des Croates et des Slovènes sous la direction de la famille régnante de Serbie : les Karageorgévitch.

En 1918, la désintégration de la double monarchie d'Autriche-Hongrie dans les derniers mois de la guerre donna une formidable impulsion au mouvement d'indépendance des Slaves du Sud. À Zagreb, le dirigeant slovène Mgr Korošec et le serbe Pribićević formèrent un comité reconnu par tous les Slaves de la monarchie austro-hongroise. Sous la pression des Alliés, et surtout de Clemenceau et du Président Wilson, ils se rallièrent à la déclaration de Corfou. En octobre 1918, les représentants des différents peuples sous souveraineté autrichienne et hongroise se réunirent à Zagreb. Après avoir organisé un gouvernement provisoire, les délégués approuvèrent une résolution d'union avec la Serbie. L'Assemblée nationale du Monténégro décida à son tour de rejoindre le mouvement en novembre, après la déposition du roi du Monténégro, Nicolas Ier. Le prince Alexandre de Serbie, dans l'attente de la guérison de son père, le roi Pierre Ier Karageorgévitch, accepta la régence du gouvernement provisoire le 1er décembre 1918. Le nouvel État, officiellement dénommé Royaume des Serbes, Croates et Slovènes, fut alors proclamé, dans l'enthousiasme mais aussi la confusion. Les frontières avec l'Autriche furent délimitées par le traité de Saint-Germain-en-Laye, le 19 septembre 1919 ; avec la Bulgarie par le traité de Neuilly le 27 novembre ; et avec la Hongrie, le 2 juin 1920 par le traité de Trianon ; ce ne fut qu'à contrecœur que les Serbes virent échapper Klagenfurt et la Carinthie méridionale à la suite d'un plébiscite favorable à la république d'Autriche. Le nouveau royaume regroupait désormais douze millions d'habitants, dont seulement six millions de Serbes.

D'emblée, les tensions se manifestèrent, le chef du principal parti croate, Stjepan Radić, souhaitait une république. La revendication par les Italiens de certaines parties de la Dalmatie conduisit en 1919 à l'occupation de Fiume par une petite armée italienne que commandait l'écrivain et dirigeant nationaliste Gabriele d'Annunzio. Cette action et la pression des puissances alliées amenèrent finalement à des négociations directes entre le gouvernement italien et le gouvernement provisoire yougoslave. Avec la signature, le 12 novembre 1920, du traité de Rapallo, l'Italie et la Yougoslavie entérinaient un règlement à l'amiable. En échange d'une renonciation à la Dalmatie, l'Italie obtint l'Istrie et d'autres concessions territoriales. Le traité prévoyait également la transformation de Fiume en ville franche sous le contrôle de la Société des Nations. L'Italie, en 1924, s'assura par un coup de force de la reconnaissance formelle par la Yougoslavie de ses droits sur Fiume. Dans l'intervalle, la formation, en 1920, de la Petite Entente entre la Tchécoslovaquie, la Roumanie et la Yougoslavie visait avant tout à décourager la résurgence du pouvoir des Habsbourg en Europe centrale.

En novembre 1920, le gouvernement provisoire tint des élections pour une Assemblée constituante. Le dilemme resurgit entre fédéralisme et union. Les Croates défendirent des principes constitutionnels fédéralistes, une coalition serbe vota et proclama le 28 juin 1921 une Constitution prévoyant un gouvernement fortement centralisé, elle fut votée en l'absence des représentants croates. Pierre Ier de Serbie mourut en août et son fils monta sur le trône sous le nom de Alexandre Ier.

4.2   Le règne d'Alexandre

En théorie parlementaire, le régime sombra dans une semi-dictature. Ce furent les Serbes du parti national radical de Pasić qui conservèrent le pouvoir. Sous la direction de Stjepan Radić, les Croates et leurs alliés luttèrent systématiquement contre le système de pouvoirs mis en place. L'espoir d'une entente s'évanouit quand, en juin 1928, un député monténégrin du Parlement national tira sur Radić et deux de ses collègues, les blessant mortellement. En représailles, la commission parlementaire croate se retira du Parlement et organisa un régime séparatiste, dont le quartier général était à Zagreb. La guerre civile semblait imminente mais personne n'osait prendre la responsabilité de la sécession ouverte. L'initiative vint des autorités : en janvier 1929, le roi Alexandre suspendit la Constitution de 1921, proclama la dissolution du Parlement et de tous les partis politiques et exerça un contrôle dictatorial sur le gouvernement. Le roi tenta d'imposer l'unité nationale sous la direction des Serbes. Les provinces traditionnelles furent divisées en neuf entités géographiques, les banovines qui niaient les identités culturelles des nations ; enfin, on rebaptisa le Royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes, qui devint le Royaume de Yougoslavie, Pays des Slaves du Sud.

4.3   La dictature royale

Le roi Alexandre proclama la fin de la dictature le 3 septembre 1931 et promulgua la nouvelle Constitution, mais la dictature royale continua. Tout en prévoyant un gouvernement parlementaire limité, la Constitution contenait des mesures restrictives visant à perpétuer la domination du gouvernement par le roi. Une majorité des groupes d'opposition de Yougoslavie boycotta les élections parlementaires qui suivirent, et certains se radicalisèrent. En réponse au coup de force d'Alexandre Ier, un certain nombre de Croates se tournèrent vers le terrorisme et fondèrent en 1929, sous la direction d'Ante Pavelić, le mouvement des oustachis (les Insurgés). Le 9 octobre 1934, le roi Alexandre fut assassiné à Marseille par un terroriste macédonien lié aux groupes oustachis croates. Le fils du roi accéda au trône yougoslave sous le nom de Pierre II. Le contrôle du gouvernement fut dévolu à un Conseil de régence tripartite dirigé par le prince Paul, un cousin du roi défunt. La montée des périls força bien tardivement le gouvernement à adopter une attitude plus conciliante envers les Croates. Le 26 août 1939, une banovine autonome fut créée en Croatie.

4.4   La Seconde Guerre mondiale

Quand la Seconde Guerre mondiale éclata en 1939, le gouvernement yougoslave déclara sa neutralité. En 1941, succombant à la pression de l'Allemagne, le régent donna son accord à l'adhésion au pacte tripartite avec l'Allemagne, l'Italie et le Japon. La récompense devait être Thessalonique, une fois la Grèce démembrée. Mais, le 27 mars, un putsch militaire, dirigé par le général Simović, dénonça le pacte, fit arrêter les ministres et exiler le régent. Pierre II prit le pouvoir.

4.5   L'occupation allemande

La réponse des puissances de l'Axe fut rapide et impitoyable. Soutenues par les forces italiennes, hongroises et bulgares, les armées allemandes envahirent la Yougoslavie en avril, après avoir pratiquement rayé Belgrade de la carte par un bombardement massif. L'armée yougoslave capitula le 17 avril, et des dizaines de milliers de soldats yougoslaves entrèrent dans la clandestinité. Le royaume vaincu fut rapidement démembré. L'Italie prit la Dalmatie, une partie de la Slovénie et le Monténégro. L'Allemagne s'empara du reste de la Slovénie. Les Allemands s'emparèrent également de la Serbie et accordèrent un contrôle nominal sur la plus grande partie de la région à un gouvernement de collaborateurs. La Hongrie eut l'ouest de la province serbe de Voïvodine et la Bulgarie récupéra la majeure partie de la Macédoine yougoslave. L'Allemagne avait effacé politiquement la Yougoslavie avec une facilité déconcertante. Les débris du royaume furent placés sous l'autorité du général Nedić, sous contrôle des Allemands. En Croatie, s'appuyant sur les oustachis, l'Allemagne favorisa la création d'un État fasciste. Le 10 avril 1941, Kvaternik fondait une Croatie indépendante, augmentée de la Bosnie, avec pour Poglavnik (führer) Ante Pavelić.

La résistance politique et militaire commença immédiatement. Sous la direction du général royaliste Dra¸a Mihajlović, les royalistes serbes, les tchetniks, menèrent une véritable guérilla contre les Allemands et leurs alliés. Les nationalistes croates, sous les auspices du régime oustachi, commencèrent une campagne d'extermination contre les Serbes, érigée à partir d'août 1941 au rang de politique. Déclarés race supérieure, les Croates formèrent 34 tribunaux d'exception et ouvrirent 24 camps de concentration, sous l'œil bienveillant des nazis. Les musulmans bosniaques s'engagèrent dans des unités rattachées à la SS comme la division Prinz-Eugen et la sinistre division Handzar. L'Église catholique se joignit à la curée : l'archevêque de Saravejo, Mgr Sarig, approuva les conversions forcées de Serbes, tandis qu'un moine franciscain, Miroslav Filipović-Mastorović, dirigeait le camp de concentration de Jasenovac, où périrent au moins 50 000 personnes. La population croate se détourna vite de ses dirigeants, d'abord parce que les nazis ne ménageaient pas leurs alliés : des dizaines de milliers de femmes croates furent déportées dans les pays germaniques pour servir de bonnes aux familles allemandes ou pour travailler dans les usines. Enfin, la politique du chef croate de la résistance communiste, Josip Broz dit Tito, joua son rôle : il choisit de conserver à la résistance son caractère de coalition antifasciste. Dès l'automne 1942, les Croates furent majoritaires au sein de l'armée nationale de libération.

4.6   La libération

En 1942, les partisans de Tito, refoulés par une offensive allemande dans la région de Bihać, en Bosnie, fondèrent le Conseil antifasciste de libération nationale (l'AYNOS). De son côté, Mihajlović, n'ayant pu sauver les Tchetniks de l'extermination qu'en collaborant avec le gouvernement fantoche du général Nedić mettra plus d'entrain à pourchasser les partisans titistes qu'à combattre l'occupant, se déconsidérant définitivement. Le Comité national de libération créé par l'AYNOS étendit ses opérations militaires en Yougoslavie au cours de l'année 1943, en constituant une armée de plus de 100 000 soldats et en prenant le contrôle de plus de 100 000 km2 de zones libérées. Des missions militaires britanniques et américaines firent la jonction avec l'armée de libération à la fin de 1943. En septembre 1943, la capitulation italienne renversa l'équilibre, de nombreux régiments italiens vinrent renforcer la résistance en opérant à leurs côtés. Le Comité national de libération, installé à Jajce, exerça les pouvoirs de fait d'un gouvernement provisoire. En décembre, le Conseil, refusant de reconnaître l'autorité du gouvernement en exil, établit un Parlement national. La menace d'une rupture avec le roi Pierre II fut écartée provisoirement grâce à la médiation des Anglais. Le Conseil fut représenté dans le gouvernement en exil et Tito, qui avait été élevé au rang de maréchal, remplaça Mihajlović comme commandant en chef de l'armée yougoslave. En septembre 1944, les armées soviétiques, opérant de concert avec les forces de Tito, lancèrent une offensive contre l'armée d'occupation allemande en Yougoslavie. En octobre, les Allemands furent chassés de Belgrade et, en mai 1945, les partisans entraient dans Trieste.

Le mois suivant, après plusieurs conférences à Moscou entre les représentants des Soviétiques, des Britanniques et des deux gouvernements yougoslaves, des projets furent annoncés pour la fusion du gouvernement royal yougoslave et du Conseil de libération national. Parmi les caractéristiques du régime projeté figuraient l'autonomie locale pour les diverses nationalités et un conseil de régence, qui exercerait les pouvoirs du roi Pierre dans l'attente de la détermination du nouveau régime. Un nouveau gouvernement fut formé en mars 1945, avec le maréchal Tito comme Premier ministre et des communistes à d'autres postes-clés ; il promulgua un programme de réformes sociales et économiques généralement modérées.

4.7   La République yougoslave

Les élections d'une Assemblée constituante eurent lieu en novembre 1945. Les groupes politiques modérés, officiellement empêchés de présenter des candidats, boycottèrent les élections. Les candidats du Front populaire, contrôlé par les communistes, obtinrent 80 p. 100 des suffrages. Le 29 novembre, l'Assemblée constituante nouvellement élue proclama la République populaire fédérative de Yougoslavie. Les gouvernements américain, britannique et soviétique reconnurent la république dans les semaines qui suivirent. Après l'adoption d'une nouvelle constitution, en janvier 1946, l'Assemblée constituante se réorganisa en Parlement national. Un nouveau cabinet, avec le maréchal Tito comme Premier ministre et une représentation communiste substantiellement accrue, se forma en février.

Peu après la fin de la guerre, le gouvernement Tito nationalisa divers secteurs de l'économie, imposa des restrictions à l'Église catholique et liquida les groupes d'opposition. Les journaux critiques envers la politique du gouvernement Tito furent interdits. Mihajlović fut exécuté en juillet 1946. Mgr Aloysius Stepinac, primat catholique de Yougoslavie, fut condamné à la prison à vie. Libéré en 1951, il fut assigné à résidence jusqu'à sa mort, en 1960.

Tito devint président en 1953, puis une nouvelle Constitution proclamée en 1963 changea le nom du pays en République fédérale socialiste de Yougoslavie. Pendant les deux décennies suivantes, le contrôle de Tito sur le pays ne fut pas remis en cause.

4.8   Agriculture et expansion industrielle

L'agriculture était un problème endémique pour le gouvernement Tito, car des disettes intermittentes et graves nécessitaient l'achat de céréales à la fois aux États-Unis et à l'URSS. Cette pénurie était due à la fois à de graves sécheresses et à des conflits entre les paysans et le gouvernement à propos de la collectivisation. Le gouvernement tenta de former de grandes fermes collectives immédiatement après la guerre et, en 1953, la taille maximale des parcelles privées fut limitée à 10 ha. En 1959, le congrès de la Ligue des communistes appela de nouveau à la réorganisation des terres agricoles en unités socialisées plus grandes, mais la collectivisation ne fut jamais forcée, et à aucun moment le pourcentage de terres collectivisées ne dépassa 13 p. 100. Environ 70 p. 100 des exploitations privées étaient inférieures à 5 ha et elles étaient mal cultivées.

Le modèle soviétique, qui donnait la priorité à l'industrie lourde, fut appliqué mécaniquement en Yougoslavie comme dans les autres démocraties populaires. Les dépenses d'après-guerre pour la reconstruction et la modernisation de l'industrie furent en moyenne d'environ 1 milliard de dollars par an. À partir de 1950, les centres de pouvoirs économiques furent décentralisés et de plus grandes responsabilités furent données aux syndicats, que l'on autorisa à gérer leur production. Mais ce socialisme autogestionnaire ne donna aucun résultat, en raison des disparités économiques entre les provinces.

En 1965 et 1966, d'autres réformes économiques produisirent une « révolution économique «. L'ampleur assez faible du contrôle détenu par le gouvernement central diminua encore, et l'on donna plus de responsabilités aux entreprises individuelles et aux syndicats.

La production industrielle totale de 1957 avait augmenté de 70 p. 100 par rapport à celle de 1953 et, dès 1966, elle avait plus que doublé par rapport aux chiffres de 1957. En outre, la part du produit national brut accumulée et distribuée par le gouvernement fédéral était rapidement tombée de 70 à 30 p. 100.

4.9   Les relations avec l'URSS

Quand la guerre froide entre pays communistes et pays occidentaux commença à la fin des années 1940, la Yougoslavie rejoignit le camp de l'URSS et rejeta la participation au Programme de reconstruction européenne mis en place par les États-Unis. En 1947, la Yougoslavie rejoignit le Kominform, qui succéda à la IIIe Internationale (Komintern), dissoute en 1943. Le quartier général de la nouvelle organisation se trouvait à Belgrade. Cependant, au début de 1948, Tito refusa de s'aligner sur Joseph Staline et l'URSS, à travers le Kominform, exerça des représailles. À une réunion à Bucarest en juin, que la Yougoslavie boycotta, le Kominform dénonça Tito et le parti communiste yougoslave, les accusant de déviations majeures par rapport à la ligne communiste orthodoxe. Un congrès du parti yougoslave réaffirma sa loyauté envers l'URSS, mais réélut Tito, que les dirigeants soviétiques avaient espéré renverser. Le succès du communisme national yougoslave gêna les efforts des Soviétiques pour contrôler le bloc communiste et créa un précédent, que suivirent les Roumains.

Le conflit entre Soviétiques et Yougoslaves se fit plus aigu en 1949, quand l'URSS et ses alliés dénoncèrent les traités d'amitié avec la Yougoslavie et lui interdirent d'entrer au Conseil d'assistance économique mutuelle (Comecon ou CAEM) nouvellement formé. Pendant la guerre de Corée, la Yougoslavie, contrairement aux autres démocraties populaires se joignit à l'embargo des Nations unies (ONU) sur les fournitures d'armes à la Corée du Nord et à la Chine populaire.

Peu après la mort de Staline, en 1953, l'URSS, suivie par les autres pays du Pacte de Varsovie, reprit les relations diplomatiques avec la Yougoslavie. La visite du Premier ministre soviétique Nikita S. Khrouchtchev à Belgrade, en 1956, fut suivie par un accord d'échanges culturels, un prêt soviétique de 84 millions de dollars et l'annulation de la dette de la Yougoslavie, qui s'élevait à 90 millions de dollars.

Dès 1963, le commerce avec l'URSS et les autres États communistes était en augmentation, mais 70 p. 100 du commerce extérieur yougoslave s'effectuait avec l'Ouest et les pays neutres. En 1964, la Yougoslavie devint membre affilié du Comecon et participa à ses commissions sur le commerce, la métallurgie et les produits chimiques. En outre, la Yougoslavie accepta de coopérer avec la Roumanie à la construction d'un grand projet de navigation et d'hydroélectricité aux Portes de Fer, sur le Danube.

4.10   Le développement des relations avec l'Ouest

Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, les relations yougoslaves avec l'Ouest s'améliorèrent en général. En 1949, la Yougoslavie s'assura l'aide financière de la Banque d'import-export des États-Unis et de la Banque internationale de reconstruction et de développement et signa également un traité commercial avec la Grande-Bretagne. La même année, la Yougoslavie fut élue au Conseil de sécurité des Nations unies, contre l'opposition résolue des pays communistes. Les États-Unis continuèrent à apporter leur aide, particulièrement les années de disette de céréales, et, dès 1952, fournirent également des équipements militaires.

Entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et 1954, la Yougoslavie régla la question de Trieste. Lors du traité de Paris, en 1947, un territoire franc fut mis sous contrôle de l'ONU, les États-Unis et la Grande-Bretagne administrant une zone qui comprenait la ville de Trieste et la Yougoslavie une zone plus petite (Zone B). Après une longue controverse, un arrangement trouvé en 1954 donna à la Yougoslavie la Zone B et certains droits sur la ville de Trieste.

4.11   Tito et les pays non-alignés

En 1954, Tito fit les premiers pas pour former un groupe de pays neutres, ou pays non-alignés. Son premier voyage en Inde fut suivi d'un autre en 1955 et, en 1956, le Premier ministre indien Jawaharlal Nehru et le président égyptien Gamal Abdel Nasser rendirent visite à Tito dans sa résidence de Brioni. En 1961, Tito organisa une conférence des États non-alignés à Belgrade, avec la participation de 21 pays africains et asiatiques et de Cuba. La Yougoslavie, l'Inde et l'Égypte furent les nations dirigeantes du groupe des pays non-alignés dans ses premières années.

Aux Nations unies, la Yougoslavie vota en général avec les États communistes mais, comme il a été mentionné ci-dessus, ne les suivit pas dans l'affaire coréenne et vota pour l'élargissement du Conseil de sécurité et du Conseil économique et social, ce à quoi l'URSS s'opposa. La Yougoslavie condamna également l'occupation de la Tchécoslovaquie par les armées du pacte de Varsovie en 1968.

4.12   Les dernières années de Tito

La fin des années 1960 et le début des années 1970 furent marqués par l'amélioration des relations des Yougoslaves avec les autres pays. En 1971, Tito et le dirigeant soviétique Leonid Ilitch Brejnev se rencontrèrent à Belgrade et signèrent une déclaration réaffirmant l'indépendance politique de la Yougoslavie mais appelant à un renforcement des liens entre les deux nations. Cette politique fut reflétée par d'autres visites d'amitié entre Soviétiques et Yougoslaves ; en même temps, Tito cultivait de bonnes relations avec l'Europe du Marché Commun, les États-Unis et la Chine. En 1979, à la réunion des pays non-alignés à La Havane, Tito conduisit les modérés dans leur opposition à la position prosoviétique du leader cubain Fidel Castro.

Sur le plan intérieur, les dernières années du régime de Tito furent beaucoup moins brillantes. L'économie souffrit de l'inflation, du chômage, des grèves et d'un énorme déficit chronique du commerce extérieur, malgré la dévaluation du dinar et les accords commerciaux tant avec l'Est qu'avec l'Ouest. Les tensions entre Croates et Serbes, marquées par des émeutes, en 1971, provoquèrent une sévère répression. Des milliers de Croates et d'autres citoyens accusés de nationalisme subversif, de libéralisme ou de tendances prosoviétiques, furent exclus de la Ligue communiste, licenciés ou emprisonnés.

4.13   La Yougoslavie après Tito

Tito mourut le 4 mai 1980, après une longue maladie. En accord avec la Constitution de 1974, le pays institua un système de direction collective, au cours duquel l'exécutif était assuré par rotation d'un an par un membre de la présidence collective. Une série de plans d'austérité eurent peu d'effet sur l'économie, qui chancelait sous le poids d'une dette extérieure supérieure à 15 milliards de dollars ; avec la croissance de l'inflation et du chômage, le niveau de vie ne cessa de décliner au cours des années 1980.

La faiblesse de l'économie et l'incapacité du gouvernement contribuèrent à la montée en puissance des mouvements séparatistes des républiques et des provinces. Dans les années 1980, les tensions s'exacerbèrent au Kosovo, province du sud de la Serbie, qui était devenu autonome en 1968, après des émeutes de protestation contre le contrôle des Serbes. Cherchant plus d'indépendance et appelant à la formation d'une république séparée, la population albanaise, majoritaire au Kosovo, affronta les Serbes et les Monténégrins tout au long de la décennie ; les efforts du gouvernement serbe visant à imposer son autorité sur le Kosovo contribuèrent à tendre les relations entre la Yougoslavie et l'Albanie.

En janvier 1990, la Ligue des communistes de Yougoslavie accepta de renoncer à son monopole sur le pouvoir politique. Les groupes nationalistes et conservateurs reçurent un fort soutien lors des élections du printemps 1990, les premières élections multipartites de Yougoslavie depuis la Seconde Guerre mondiale. En décembre 1990, les Serbes élurent le dirigeant communiste et nationaliste déclaré Slobodan Milošević comme président. Milošević devait, par sa politique, attiser les conflits dans les anciennes républiques. Il commença par placer le Kosovo sous la loi martiale, en 1990, et par supprimer les privilèges et les droits de l'ancienne province autonome ; la Voïvodine fut également privée de son autonomie. En mai 1991, une crise constitutionnelle éclata lorsque la Serbie et ses alliés bloquèrent l'installation d'un Croate à la tête de la présidence collective de la Yougoslavie. Après que les Parlements de Croatie et de Slovénie eurent proclamé l'indépendance des deux républiques, le 25 juin, le gouvernement fédéral ordonna à l'armée (dominée par les Serbes) d'éliminer les sécessionnistes. Une guerre de dix jours eut lieu en Slovénie, mais elle se termina par une défaite de l'armée fédérale serbe. La guerre en Croatie, qui opposa les troupes fédérales et les milices serbes, formées spontanément, aux forces croates, dura sept mois et s'acheva en janvier 1992, par un cessez-le-feu ; la Croatie perdit le contrôle de plus du tiers de son territoire, et des villes anciennes comme Dubrovnik furent largement détruites. Ces sécessions et la déclaration d'Indépendance de la république yougoslave de Macédoine, en septembre 1991, signifièrent de facto la fin de l'existence de la république socialiste fédérative de Yougoslavie. Du fait de la déclaration d'Indépendance de la Bosnie-Herzégovine en mars 1992, la guerre se déplaça sur le territoire de cette république. Le 27 avril 1992, la Serbie et le Monténégro décidèrent de s'unir et annoncèrent la formation de la république fédérale de Yougoslavie, qu'elles déclarèrent être le successeur légal de l'ancienne République socialiste fédérative de Yougoslavie.

Le 22 septembre, presque quatre mois après avoir imposé des sanctions étendues à la Serbie et au Monténégro, l'Assemblée générale des Nations unies (ONU) décida, par 127 voix contre 6 (et 26 abstentions), que la fédération ne pourrait pas occuper automatiquement le siège de l'ancienne République socialiste fédérative de Yougoslavie et l'exclut de l'Assemblée générale. Cependant, la possibilité fut laissée à la nouvelle fédération de présenter à nouveau sa candidature en son nom propre. Au mois d'octobre 1992, le Premier ministre fédéral, Milan Panić, semblait décidé à suivre cette voie, mais ses adversaires politiques en profitèrent pour l'éliminer. Depuis, il n'y a pas eu d'autre tentative formelle de la République fédérale de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) pour obtenir la reconnaissance de l'ONU, qui a désigné la fédération sous le terme de République fédérale de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ; elle est aussi appelée Fédération de Serbie et du Monténégro et République fédérale de Serbie et du Monténégro. La communauté internationale a, dans l'ensemble, suivi la ligne définie par l'ONU : la République fédérale de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) n'a pas été autorisée à occuper l'ancien siège de la Yougoslavie, y compris dans les organisations internationales comme le Mouvement des non-alignés (voir Pays non-alignés). Pour l'histoire de la République fédérale de Yougoslavie depuis 1992, Voir Yougoslavie (Serbie et Monténégro).

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