L'évolution dans les îles

« une sélection naturelle • en temps réel • : dans les nes, les ressources alimentai res sont stricteme nt limitées.

Quand elles sont surexploitées ou réduites par une cause extérieu re, les animaux qui s'en nourrissent meurent Les plus gros de l'espèce , aux besoins supérieurs, meurent les premiers.

La ressource se reconstitue (l'herbe repousse), mais l'espèce diminue, car à chaque nouvelle disette , seuls les petits survivent jusqu'à ce qu'un équilibre soit atteint Le phénomène est d'autant plus marqué que 111e est petite.

Alors que le poids moyen du tigre du Bengale est de 220 kg pour les males et de 140 pour les femelles , la sous-espèce de Sumatra (""tltlHtw u,,ts ,...,,_, ) ne pèse que 100 à 160 kg (males) et 80 à 110 kg (femelles).

Le tigre de Java (Panthera tigris sondaica), probablement éteint dan s les années 1980 , était un peu plus petit : 100 à 140 kg pour les males , 75 à 110 kg pour les femelles.

Le tigre de Bali (Panthera tigris balica), éteint en 1937, était la plus petite sous~pèce de tigre, avec seulement 90 à 100 kg pour les males , et 65 à 80 kg pou r les femelles .

Sumatra fait 470000 km', Java 126000 km', Bali 5600 km'.

DINOSAURES l'.idée de nanisme insulaire doit beaucoup aux travaux du Baron Franz Nopcsa (1877· 1933) sur les dinosaur es d'Hateg, dans l'ouest de la Roumanie.

Dan s cette région se trouvait à la fin du Crétacé une grande ne de l'océan Thétys, peuplée notamment par Telmatosaurus transylvanicus, un hadrosaure (dinosaure à bec de canard) de 5 m de long, par Struthiosaurus transylvanicus , un anky1osaure (dinosaure cuirassé) de 2,5 m, et surtout par le sauropode Magyorosaurus dacus, qui mesurait seulement 6 m à l'age adulte , alors qu'il appartien t au groupe des titanosaures (dont certains dépassaient 40 met 160 tonnes ).

Onze fossiles d'un sauropode plus ancien , Europasauru s, ont été retrouvés en Allemagne du Nord, dans une ancienne ne du Jurassique : ils mesuraient entre 1,70 et 6,20 m.

On a pu établir que sa petite taille était due à une diminution de son taux de croissance : il grandissait moins vite avec l'age, au contraire des autres sauropodes .

~IÙIIANTIDts Il existe beaucoup d'exemples de nani sme insulaire dans cette famille.

Le plus connu est celui des mammo uths de Californie.

Durant les glaciations, il y a peut-être 30 000 ans, un groupe de mammouths de Colomb (Mammuthus columb1) rejoignit sans doute à la nage , une grande ne au large de Santa Barbara (il en existe aujourd'hui quatre, car le niveau de la mer est remonté de 120 m depuis) .

Ces mammouths, qui mesuraient 4 m au garrot pour un poids de 10 tonnes, évoluèrent pour former une espèce distincte, Mammuthus exilis, de taille réduite : hauteur de 1,20 à 1,80 m, poids d'environ une tonne.

Elle disparut il y a 11 ooo ou 12000 ans.

Des éléphan tidés profitèrent également du bas niveau de la Méditerranée durant les glaciations pour occuper certaines de ses nes.

La plupart descendaient de I'• éléphant à défenses droites • d'Europe (E/ephas antiquus ), sauf le mammouth de Sardaigne (Mammuthus lamarmorea), même si leur parenté et leur datation sont assez incertaines .

Elephas antiquus mesurait 3,70 m au garrot et pesait envi ron 10 tonnes : en Sicile et à Malte , Elephas falconeri faisait 90 cm au garrot ; à Chypre , le poids d'Elephas cypriotes est estimé à 200 kg, soit 2 % de celui de son ancêtre.

D'autres espèces peuplaient la Crête, les Cydades et les nes du Dodécanèse : l'éléphant nain de Tîlos fut le dernier à disparaître , il y a seulement 4000 ans.

Les derniers ~ t.itlffX (Mammuthus primigenius ) connurent une évolution com parable entre 7000 et 4000 ans.

Réfugiés sur 111e de Wrangel, au nord-est de la Sibérie , ils se nanifient légèrement: ils n'atteignent plus que 2 m au garrot pour seulement 2 tonnes , contre auparavant 2,70 m (et 3 tonnes) pour les femell es et 3 m (et 5 tonnes ) pour les males.

(ElVIDts Il a existé de nombreuses espèces de cervidés nains en Méditerranée.

Les cerfs de Crête (genre Candiacervus ) comp taient plusieurs espèces de tailles variab les, probablement nées par radiation évolutive.

Le plus petit d'entre eux ne dépassait pas 40 cm au garrot ce qui est piquant car il était étroitement apparenté à Mega/oceros gigan teus, le plus grand cervidé de tous les temps (Megaloceros cazioti de Sardaigne ne faisait cependant qu'un mètre ).

l'HOMME DE fLOIES À partir de 2003 ont été découverts sur 111e de Flores , en Indonésie , les restes de plusieurs minuscules hominidés s'échelonnant entre 94000 à 13 000 ans.

Leur taille, 1,1 m, est inférieure à celle des plus petits humains connus (1,40 m • 1,50 m pour les pygmées , 1,37 m pour les aborigènes des nes Andaman ).

Le volume de leur petit cerveau (seulement 380 cm') correspond au minimum chez un chimpanzé ; celui d'Homo erectus , leur ancêtre possible, faisait 980 cm'.

,,_ llottslHsls , s'il constit ue bien une espèce distincte , connaissait le feu et utilisait des outils de pierre pour chasser le rat géant de Flores et des éléphants nains du genre Stegodon.

AUTIES EXIMPUS DE NA/IISME INSULAIIE Six sous~pèces de renard gris des nes Urocyo,, llttonlls vivent dans six nes de Californie .

Ce sont les plus petits renards des États-Unis, avec 48·50 cm de long pour un maximum de 3 kg.

Ils sont issus du renard gris Urocyon dnereoargentus (65 cm pour 5 kg), arrivé il y a plus de 10 000 ans, peut • être par radeau .

Le loup de Honshu ((anis lupus hodophilax ) et le loup de Hokka ido (Canis lupus hotta, ) sont deux petites sous~pèces de loup gris disparues du Japon au tournant du X1." siècle.

Le raton- laveur de Cozumel (Procyon lotor pygmaeus ) est une sous~pèce naine du raton-laveur commun, vivant sur une ne au large du Yucatan.

Il pèse entre 3 et 4 kg, contre 3 à 16 kg pour celui-ci.

GIGANTISME INSULAIRE Les petites espèces ont normalement intérêt à le reste r : une grosse souris est moins agile et se cache moins facilement dans des petits trous.

Les renards et les chats l'empêchent de profiter des avantages que lui apporteraient une plus grande taille dans la compétition interindividuelle : meilleure exploitation des ressources et avantage pour la reproduction .

Dans les nes, l'absence de prédateur permet donc aux petites espèces de grandi r.

Cette augmentation de taille va de pair avec un changement de stratégie écologique .

La stratégie K prédom ine : faible métabol isme , fécondité tardive et réduite , longévité accrue.

Chez les oiseau x, cette évolution se traduit de la façon suivan te : • déplacements moins coOteux en énergie , en remplaçant le vol par la marche , • réduction des muscles des ailes et de la taille du bréchet • augmentation de la masse géné rale.

LE DODO Symbo le des espèces détruites par l'homme , le dodo (R-,,IH,s CIICIHtlls ) s'est éteint sur 111e Maurice au xv,~ siècle.

Long de plus d'un mètre pour un poids de 10 kilos, il était frugivore et faisait probablement des réserves de graisse pour la saison sèche.

Comme son cousin le solitaire de Rodrigues (Pezophaps solitaria ), disparu un siècle plus tard, il appartenait à une sous­ famille des Columbidés (pigeons ).

Leur plus proche cousin vivant est peuHtre le pigeon de Nicobar, ou nicobar à camail, Caloenas nicobarica , qui mesure 40 cm de long .

MOA •NAl.O5 Les • cana rds géants d'Hawaï • avaient disparu avant le voyage de Cook et n'ont été découverts que dans les années 1980 .

On en connaît 4 espèces .

Incapables de voler, massifs (4 à 7,5 kg), ils occupè rent la niche écologique d'herbivores dominants à Hawaî durant plus de 3 millions d'années.

Thambetochen chaulidious était folivore, Chelychelychen quassus ressemblait à une oie à bec de tortue .

Néanmoins, ils étaient apparentés aux cana rds plutôt qu'aux oies.

Leur ancêtre, arrivé à Hawaï il y a environ 3,6 millions d'années , était un canard, et leur plus proche cousin actuel est le cana rd à sourcil Anas superdliosa , l'équivalent du colvert dans le Pacifique.

KAKA,o Strt,o,s ,,_,,,..,,,,IIS de Nouvelle­ Zélande est le seul perroquet non- volant et aussi le plus lourd : 2 à 4 kg pour 60 cm.

C'est peut-être aussi l'oiseau qui a la plus grande longévité .

Son métabolisme est lent.

Les males ne se reproduisent pas avant 5 ans, les femelles pas avant 9 ou 11 ans.

Ils ne se reproduisent d'ailleurs que les années où les fruits sont très abondants , ce qui leur assure un des plus faibles taux de reproduction parm i les oiseaux.

Nocturnes , herbivores , ils sont très menacés .

La Nouvelle-Zélande abritait également le takahe, ,,.,.,.yrlo lloduteltffl , le plus grand rallidé vivant avec 63 cm de long.

li partage avec le kakapo les ailes réduites, la grande longévité , la maturité tardive et le régime herbivore .

Il est également menacé d'extinction .

RONGEURS Les hutias géants des Caralbes forma ient une famille aujourd'hui éteinte, les Heptaxodontidés.

On en connaît 5 espèces, dont Amblyrhiza inundata, qui vivait à Saint-Martin et Anguilla, dans les petites Antilles, et pesait entre 50 et 200 kg.

Ils ont probablement été anéantis par les indigè nes cara '1bes .

Les Baléares possédaient 2 espèces de lérots géants .

Hypnomys morphaeus à Majorque et Hypnomys mahonensis à Minorque : cette dernière est probablement issue d'individus de l'autre, venus de Majorque au moment de la derniè re glaciation.

Le rat géan t de 111e de Flores , Papagomys armandvillei , mesure plus de 40 cm, plus une queue de 35 à 70 cm, soit deux fois la taille d'un surmu lot On connait également des rongeurs géants fossiles sur les nes de Méditerranéé .

INSECTIVOIES La presqu11e de Gargano O'éperon de la botte italienne) était jadis une ne, où vivait Deinagalerix koenigswaldi.

Cet insectivore, apparentés aux hérissons actuels, mesurait 60 cm, dont 20 cm de crane.

Il occupait la niche écologique d'un chat ou d'un chien.

L11e abritait également deux espèces de pikas géants du genre Prolagus .

DRAGON DE KOMODO Varanus komodoensis est le plus grand varan actuel : 2 à 3 m de long, poids moyen de 70 kg.

C'est le prédateur dominant de plusieurs petites nes de la Sonde , mais la pression qu'il exerce sur ses proies est limitée par la lenteur de son métabolisme : s'il peut manger jusqu 'à 80 % de son poids en un seul repas, il peut aussi se contente r de 12 repas par ans (il se nourrit d'ailleurs principalement de charognes ).

En l'absence de male , les femelles sont capables de se reproduire par parthénogenèse.

Dans ce cas, les œufs contiennent uniquement des males, ce qui laisse supposer qu'une seule femelle suffirait à coloniser une ne.

INncns Le gigantisme insulaire se manifeste chez des insectes appartenant à des groupes divers .

Xixuthrus heros , capricorne géant des nes Fidji, est l'un des plus gros insectes existants, avec 15 cm sans les antennes.

C'est aussi la taille de Dryococelus australis , le phasme de Lord Howe, considéré comme l'insecte le plus rare du monde : son milieu naturel est réduit à un seul buisson sur un not rocheux .

Labidura herculanea , le perce-o reille de Sainte-Hélène, atteignait 8,4 cm ; probablement éteint il est surnommé le • dodo des dermaptères •· Enfin les wetas géants de Nouvelle-Zélande sont 11 espèces d'orthoptères du genre DellMcr#M .

Ils mesurent 10 cm pour environ 20 à 30 g (un moineau pèse 30 g).

Nocturnes, aptères , ils occupent la niche écologique de petits rongeurs.

Mtc.A-HHIES Les nes subarctiques de la Nouvelle­ Zélande possèdent un climat détestable , pluie, vent froid permanents, ainsi qu'un sol acide et pauvre , mais l'absence d'herbivores y a permis l'éclosio n d'une flore étonnante de grandes plantes à grandes feuilles et grandes fleurs.

L'ombellifère Anisotome latifolia (proche de la carotte), présente ainsi des grappes de fleurs roses pouvant atteindre 75 cm de diamèt re, sur une tige de 1,50 m.. »