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L'abstraction nous éloigne-t-elle de la réalité ?

Publié le 24/02/2004

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  • ANALYSE DE L'ÉNONCÉ
  Devant la difficulté du sujet (nous y reviendrons) la tentation peut être grande d'en traiter (plus ou moins consciemment) un autre plus classique : «Dangers et avantages de l'abstraction« ou «Abstrait et concret« par exemple. Il va sans dire qu'il faut absolument renoncer à cette sollicitation même si l'on pense ainsi recouper plus ou moins ce qui est à traiter (et éluder les difficultés...). Le mieux est sans doute de se mettre courageusement au travail et de tenter d'analyser le plus finement possible les divers éléments de l'énoncé. 
  •  THÈMES DE RÉFLEXION
  • L'abstraction Abstraire vient de « abtrahere « (tirer de). L'abstraction dit le «Vocabulaire de philosophie« de Lalande, c'est «l'action de l'esprit considérant à part un élément d'une représentation en portant spécialement l'attention sur lui et en négligeant les autres. « Ceci implique, semble-t-il, qu'abstraire c'est isoler dans une «réalité concrète« un certain nombre d'éléments destinés à être pensés, représentés.  • Le concret Le concret, c'est, étymologiquement, ce qui est donné en même temps, comme un tout dans «la réalité«, que cette «réalité« soit une perception extérieure ou qu'elle soit une image, un souvenir, un sentiment. (Remarque importante : le concret ce n'est pas «la réalité« mais telle ou telle «réalité« particulière (qu'elle soit physique ou mentale).  • Abstraction et représentation Toute abstraction est représentation (l'inverse n'étant pas vrai à proprement parler : cf. définition de Lalande). L'abstraction étant re-présentation, on peut se demander si — à ce premier niveau même — l'abstraction ne nous éloignerait pas de «la réalité« en ce sens que se représenter le réel impliquerait d'une certaine manière qu'on n'y serait plus pleinement présent. Abstraire étant isoler, considérer à part certains éléments d'une représentation qui par elle-même sépare du réel, l'abstraction serait une séparation «au carré«. (Notons cependant — d'ores et déjà — que le problème n'est pas simple : nous avons admis qu'«une réalité mentale« est «une réalité«. Nous devons donc admettre qu'une abstraction fait partie du réel, de «la réalité«... : une partie de «la réalité« peut-elle s'éloigner de la réalité ?) 

« expressions telles que «réalité pratique », « réalité objective », « réalité subjective ».

Des distinctions sont à opérersi l'on veut trancher la question posée par le sujet car il serait peut-être utile de savoir en quel (s) sens on prendrale terme «réalité», lorsqu'il s'agira d'ordonner le devoir...

et de conclure. • «Réalité sensible» et «Réalité intelligible»Le terme de réalité se dédouble (de façon symptomatique ?) de la façon la plus simple (et la plus fréquente à uncertain point de vue) en «réalité sensible» (matrice de l'apparence, du fictif, de l'imaginaire) et « réalité intelligible »(lieu de la « vraie» réalité, de la «certitude»).

Il va sans dire que l'abstraction est nécessaire à la visée de «la réalitéintelligible» même si toute abstraction ne la vise pas.On peut se poser la question suivante : prétendre que l'abstraction (spécialement sous sa forme éminente etprivilégiée, la conceptualisation) n'éloigne pas mais au contraire rapproche de «la réalité», n'est-ce pas implicitementadmettre que la réalité est double, que «la réalité vraie» est «la réalité intelligible» (c'est-à-dire en définitiverationnelle, logique et corrélativement conceptuelle)? La Réalité (par delà les apparences de toutes sortes) ne seraitRéalité qu'en tant qu'elle coïnciderait avec les concepts ?En termes schématiques, faudrait-il être idéaliste pour dire que l'abstraction, loin d'éloigner de la réalité, serait aucontraire le seul moyen convenable pour nous en rapprocher voire nous l'approprier ? • N'y aurait-il pas des raisons de mettre en cause ce dualisme Réalité sensible-Réalité intelligible (Réalitéapparente-Réalité vraie).En effet la notion de «réalité vraie» en convainquant les apparences et la subjectivité d'illusion, de non-réalité (lesillusions font-elles partie du réel ?...) peut-elle prendre en compte «réellement» l'activité connaissante ?On peut se demander si la volonté d'appréhender (et de réduire) la réalité selon les schémas de la logique n'est pasce qui nous écarte le plus de la réalité dans la mesure où l'illusion, les apparences font partie de la réalité qui seraitdonc à la fois être interprété et interprétant (selon le mot de Nietzsche).«Que les choses puissent avoir une nature en soi, indépendamment de l'interprétation et de la subjectivité, c'estune hypothèse parfaitement oiseuse; elle supposerait que l'interprétation et la subjectivité ne sont pas essentielles,qu'une chose détachée de toutes ses relations est encore une chose.» Extrait de : La Volonté de Puissance de NietzscheLa difficulté [en dehors d'une position qui identifierait la Réalité (Vraie etIntelligible) avec des Idées] pour admettre que l'abstraction peut ne pas nouséloigner de la réalité ne viendrait-elle pas du critère d'adéquation commecritère de vérité ? A cet égard Marx et Engels nous fournissent des élémentsde réflexion qui ne manquent pas d'intérêt.Dans son « Introduction à la Critique de l'Économie politique » (ÉditionsSociales) Marx aboutit à une première conclusion : le « concret » en lui-mêmene donne jamais que des « représentations chaotiques » désordonnées, sanslien entre elles.En fait, dit-il, « le concret est concret parce qu'il est la synthèse de multiplesdéterminations, donc unité de la diversité ».

C'est-à-dire que l'« unité » la «simplicité » ne sont pas données au départ.

C'est pourquoi la démarcheempirique « du concret à l'abstrait » qui prétend tirer directement etimmédiatement du réel « sensible » sa connaissance, n'est pas une méthode «scientifiquement correcte ».

Le point de départ c'est donc la construction de« théories » qui rendent possibles la connaissance.

Le point d'arrivée est lesuivant :« La méthode qui consiste à s'élever de l'abstrait au concret n'est pour lapensée que la manière de s'approprier le concret, de le reproduire sous laforme d'un concret pensé ».L'objet pensé est distinct de l'objet réel : tel est le statut, qui peut paraître paradoxal, de la connaissance scientifique.

Engels formule (« Lettres sur le Capital », Éditions Sociales, pp.

416-419)cette distinction entre la pensée et le réel en se servant de l'image de l'asymptote :« Le concept d'une chose et la réalité de celle-ci sont parallèles comme deux asymptotes qui se rapprochent sanscesse l'une de l'autre sans jamais se rejoindre ».De plus — et c'est peut-être le plus important — si les concepts restent toujours asymptotes au réel, c'est parceque le réel lui-même n'est pas immobile, mais en évolution, et que la pensée elle-même joue un rôle dans leprocessus de transformation du réel.Engels (même lettre) : « A partir du moment où nous acceptons la théorie de l'évolution, tous nos concepts de lavie organique ne correspondent à la réalité que de façon approchée.

Sinon, il n'y aurait pas de transformations ; dujour où concept et réalité coïncideraient absolument, c'en serait fini de l'évolution ».Autrement dit, il ne saurait y avoir jamais parfaite adéquation de la réalité et de la pensée.

Le critère de l' «adéquation » ne suppose-t-il pas en effet un monde fixe tel qu'on le représentait au Moyen Age, une « nature »donnée de toute éternité, des concepts immuables ?Là encore — si l'on s'arrête à ces quelques réflexions — le sujet prend une autre dimension : l'abstraction peut-elleêtre conçue comme un processus, la réalité aussi (l'abstraction procédant et faisant « partie » d'une réalité enprocessus, en mouvement) ? En ce cas le critère d'adéquation est caduc et le problème posé par le sujet traité estconclu d'une « certaine manière ». • DERNIÈRE REMARQUE.. »

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