A-t-on besoin de sens pour exister ?
Publié le 31/03/2011
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Introduction Un mouvement particulier de l'histoire de la philosophie connut un engouement exceptionnel pour la question du sens de l'existence. Déjà, ce dernier terme annonçait, à l'époque de ce mouvement qu'Alain Juranville nomme aujourd'hui « la pensée de l'existence « (dont les figures de proue, du XIXe au XXe siècle, furent Kierkegaard, Jaspers, Heidegger, Sartre), une nouvelle forme de pensée philosophique dont nous sommes les héritiers directs. Il s'agissait alors de penser l'existence, indépendamment de tout domaine d'approche philosophique (moral, éthique, métaphysique...), pour et par elle-même, en respectant la spécificité d'une telle notion. Il s'agissait même, pour les pionniers de ce questionnement – tel Kierkegaard, que les historiens de la discipline nomment « le Père de l'existentialisme « – de débarrasser celle-ci de l'amoncellement de la longue tradition de postulats métaphysiques et religieux dans lesquels l'existence était enferrée, asservie et dévoyée de sa plus simple expression : l'existence humaine devenait dès lors la base unique de ce nouveau mode de pensée. L'objectif était tracé : par la compréhension de ce qu'est l'existence humaine, ces penseurs espéraient trouver le sens véritable et inaliénable de celle-ci
«
l' Enkelte (« l'unique », comme il aimait s'appeler), à la découverte du tragique du vécu : le vertige de « la possibilité de la liberté ».
Rien ne préside à mon existence, elle est pure liberté et je dois constamment choisir, me choisir sansaucune aide, aucune certitude ni aucun repère !
Heidegger ensuite et de manière très différente, certes, s'engage sur cette voie « d'abîme ».
L'individu
(leDasein comme il le nomme, qui signifie « l'être-là ») est littéralement « jeté au monde », sans qu'il soit le moins du
monde responsable ou conscient de cette existence naissante.
L'humain est donc un simple dépositaire de son
existence et il a à charge d'assumer celle-ci dans son devenir, sans que, là encore, aucun sens premier ne vienne
l'aider dans sa démarche.
Heidegger ne cessera d'ailleurs de rechercher un sens à « l'Être », pensant que l'humanité
dans son histoire n'avait, jusqu'à lui, qu'effleuré pour détourner aussitôt cette question de l'Être (il incrimine la
métaphysique).
Il trouve certes, à la fin de sa vie, un sens à celui-ci, mais quel sens !? « L'Être », nous dit-il, est
« sans fond, sans raison » ( der Abgrund )...
L'existence n'est donc déterminée par rien, si ce n'est l'abyssale
ignorance du pourquoi de sa situation, selon Heidegger.
Il critiquera fortement nos habitudes et règles de vie
sociale, y voyant qu'une façon « inauthentique », illusoire de vivre derrière ce réseau rassurant de significations
pré-construites que l'humanité se crée par peur de la solitude, de l'angoisse, de la mort ! Preuve en est cet usage
du « on » impersonnel, impropre et illusoire ; simple « bavardage » qui nous sert de silhouette rassurante d'une
solidarité et d'une communion humaine qui n'existent pas.
L'existant naît, vit et meurt littéralement seul et sans
savoir pourquoi.
Sartre enfin, qui, à l'instar de cette célèbre formule qu'on lui prête (à tort, ne l'ayant pas exprimée
ainsi) : « l'existence précède l'essence » , retrouve toute la substance des réflexions avancées par Kierkegaard et
Heidegger avant lui, et affirme la finitude radicale et l'absurdité originelle de l'existence.
L'absurde désigne en effet
selon lui le caractère de l'existence en tant qu'il échappe absolument à toute tentative de conceptualisation ou de
justification rationnelle.
Cette absurdité est aussi bien celle de l'étrangeté et l'opacité du monde que l'absence
totale de raison d'être de ma propre existence, suspendue dans le vide, sans possibilité de se référer à quelque
valeur transcendante.
Laissons Sartre stigmatiser cette absence absolue de signification présidant à l'existence
humaine :
« Exister, c'est être là simplement.
Les existants apparaissent, se laissent rencontrer, mais on ne peut jamais les
déduire. (cf. La Nausée )
Devant l'angoisse et le désespoir qu'occasionnent immanquablement ces analyses, une question, malgré tout,subsiste.
Si l'existence est réellement dénuée de sens et que l'humain, chacun peut en témoigner, ne peuts'empêcher d'y songer, pourquoi continue-t-il, dès lors, à se lever le matin ?
II) L'épreuve du sens par l'épreuve de soi
Loin de nous consoler de prime abord, une réflexion propre aux penseurs de l'existence reste à analyser.
Si sens del'existence il y a, celui-ci est profondément tragique et négatif...
Kierkegaard, Heidegger et Sartre l'affirment.
Ilsl'affirment car, justement, c'est le tragique existentiel qui, par sa nature et son intensité, nous donne ce sentimentsi puissant d'exister...
dans la souffrance.En outre, cette sphère d'affectivité négative (peur, angoisse, désespoir, sentiment de solitude, rupture, douleur devivre, mélancolie, pensée de la mort...) est propice au penseur, bien plus que le bonheur.
Pourquoi ? Parce quecontrairement à ce dernier (jamais assuré, peut visible et rarement durable), la souffrance émaille manifestement etcontinuellement nos vies, s'offrant ainsi parfaitement à la pensée.
C'est alors la notion d'épreuve qui vient.
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