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La littérature engagée: Des Lumières à Sartre, une spécificité française

Publié le 23/10/2012

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LA LITTÉRATURE POUR LA CAUSE

 

Synthèse entre un fond (les idées) et une forme (le style), la littérature a toujours été tentée de privilégier l'une ou l'autre en fonction des époques. Tantôt la forme est mise en avant et apparaissent des doctrines telles que « l’art pour l'art », et une figure de l'écrivain coupé des réalités du monde ; tantôt le fond devient primordial et ce sont les idées véhiculées par l'œuvre qui importent.

La littérature engagée est la forme la plus extrême de cet attachement aux idées. De nombreux écrivains ont tenté, à travers les siècles, de s'exprimer sur tel ou tel sujet, voire de lutter contre le pouvoir en place : Du Bellay au xvie siècle, Molière au xviie, Beaumarchais au xviiie ont souvent, en utilisant l’arme de la satire notamment, tenté de faire changer les mentalités de leurs lecteurs. Mais c'est au tournant du xxe siècle que va naître la figure de l'intellectuel engagé.

QU'EST-CE QUE LA « LITTÉRATURE ENGAGÉE » ?

La littérature engagée : roman, poésie, théâtre, mais aussi essai ou pamphlet tente de peser sur son temps. L'écriture devient un acte politique, elle n'est pas seulement là pour raconter des fictions (dans le cas de la prose) ou pour dire le beau (dans le cas de la poésie), mais elle doit jouer un rôle dans la vie réelle.

Il ne s'agit plus seulement de décrire mais de transformer le monde, ou du moins d'écrire de façon à susciter le désir de le changer. Quant à l'écrivain, il ne se contente plus de « dire » mais il doit « faire », s'engager à fond avec son temps :

 

« Il est question d'être utile. Et non de faire l'apôtre. » (Paul Nizan).

ÉVOLUTION DE LA LITTÉRATURE ENGAGÉE

Des écrivains LIBRES

 

En France, au xviiie siècle, la pratique du mécénat en tant que mode de rémunération des écrivains tend à disparaître et l'on entre dans le siècle des Lumières : la monarchie est remise en cause, les interrogations sur la religion, la morale, les droits individuels se multiplient.

C'est à cette période qu'apparaissent les précurseurs de la littérature engagée : Montesquieu (1689-1755) avec De l'esprit des lois (1748), Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) avec Du contrat social, (1762) et le Discours sur l'origine de l'inégalité (1755) et Voltaire (16941778) avec les Lettres philosophiques (1734) et Zadig (1747) sont les plus talentueux représentants de cette pensée nouvelle.

Le géant

Un siècle plus tard, les romantiques imposent l'image du poète « mage » ou témoin privilégié. Victor Hugo (1802-1885) se convainc que les romanciers et les poètes ont une mission à remplir, et qu'un auteur doit prendre part aux grands débats sociaux. Après avoir joué un rôle politique très actif, Hugo va jusqu'à essayer de soulever le peuple de Paris le 2 décembre 1851 contre le futur Napoléon III, ce qui le condamne à vingt années d'exil. À Jersey, puis Guernesey, il rédigera des textes engagés virulents contre l'empereur (Napoléon le Petit 1852).

Quant à Lamartine (1790-1869), il abandonna la poésie pour écrire son Histoire des Girondins (1847) puis sera membre du gouvernement de la IIe République en 1848.

Le tournant de l’AFFAIRE DREYFUS

Quand l'affaire Dreyfus éclate en 1894, les courants réaliste et naturaliste ont pris le pas sur les romantiques. Par le biais de la description sans concession du monde ouvrier notamment ils ouvrent la voie à une prise de conscience du rôle de l'écrivain.

Il doit non seulement décrire mais aussi, et peut-être surtout, lutter contre les injustices, par ses écrits et par ses actes.

C'est Emile Zola (1840-1902) qui va assurer la transition et donner naissance à la figure de l'intellectuel engagé.

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« comportements se distinguent chez les écrivains et poètes français : ceux qui se rangent du côté de Vichy et de l'Allemagne comme Brasillach , Pierre Drieu La Rochelle (1893-1945 ) tandis que Henry de Montherlant {1895 -1972 ) adopte une posture ambigüe ; ceux qui se contentent d 'écrire sans souci du contexte comme Marcel Aymé (1902-1967) ou Jean Anouilh (1910- 1987) et ceux qui empruntent la voie de la Résistance ou de la clandestinité comme Aragon , Éluard, Marguerite Duras (1914 -1996 ), Malraux ou Albert Camus (1913-1960 ).

l'APRES·GUERRE ET LES EXIffiNTIALiffiS A partir de 1946 , l'engagement en littérature, mais aussi en actes , devient le fer de lance de toute une génération , jusqu 'à la fin des années 1960 .

Leader incontesté du mouvement existentialiste, Sartre va élaborer une philosophie de l 'homme libre : la liberté est sans limite et par conséquent , la conscience du rôle que revêtent nos actes est cruciale.

lean-Pau/ Sartre (1905-1980 ) et dans une moindre mesure, Simone de Beauvoir (1908-1986) , joueront un rôle primordial , non seulement par leurs écrits (tous les genres sont utilisés pour servir leurs combats ) mais aussi par leurs actes, allant jusqu'à braver à plusieurs reprises le pouvoir en place, en signant des manifestes ou en participant aux événements de mai 1968 par exemple .

LA FIN DE LA UTltRATURE ENGAGEE ? Apparu dans les années 1950, le nouveau roman , s'il n 'est pas indifférent au contexte politique, ne revendique pas l'engagement sans conces sion des existentiali s tes.

En revanche , il contribue à préparer lentement par ses interrogations, les bouleversements culturels de mai 1968 .

De son côté, la pensée structuraliste , avec Michel Foucault (1926-1984), remet en cause la voix unique de l'intellectuel :il n'existe pas une vérité universelle dont l'écrivain serait le porte-parole privilégié .

Depuis , intellectuels -journalistes , philosophes , sociologues , essayistes sont des acteurs de l'engagement par l'écrit, de Bernard-Henri Lévy et André Glucksmann à Régis Debray en passant par Pierre Bourdieu (1930 -2002).

Les désillusions du marxisme , l ' effondrement de l'URSS et l'implosion de l'ex-Yougoslavie , mais aussi les débats agitant la société française ont accéléré le processus, alors que, fortement médiatisées , les idées se propagent désormais en "temp s réel ».

W AUTEUIS DE HHIENCE AU Xl" SlkLE MAURICE BARRES (1862·1923) Maurice Barrès a commencé sa carrière littéraire en 1889, en même temps que sa carrière politique (député boulangiste de Nancy ) .

Antidreyfusard , militariste, très marqué par la défaite de 1870 et la perte de l'Alsace-Lorraine, il expos e les principes de son nationalisme dans sa seconde trilogie , Le Roman de l'énergie nationale, paru entre 1897 et 1902 (Les D éracin és, L'Appel au soldat, Leurs Figures ).

Il consacre l'essentiel de ses ouvrage s à l' exaltation patriotique .

ANDRE GIDE (1869·1951) Les premières œuvres de Gide sont davanta g e tendues vers la recherche d 'un idéal personnel d'équilibre que vers un engagement politique.

Le véritable déclic viendra d'un voyage en Afrique .

À son retour , il déploiera tout son talent pour dénoncer les excès du colonialisme (Voyage au Congo , 1927 , Retour du Tchad , 1928 ).

Il se rapproche alors du parti communiste mais , déçu par le stalinisme (Retour de l'URSS , 1936) , il préfère s'engager dans la lutte contre le fascisme .

La revendication de son homosexualité fera également de lui un militant pour le droit à la différence.

Le prix Nobel de littérature lui a été décerné en 1947 .

LOUIS ARAGON (1897·1982) Ecrivain et poète, Louis Aragon adhère au parti communiste en 1927, entraîné par Andr é Breton .

Sa rencontre avec Elsa Triolet (1896 -1970 ), romancière d'origine soviétique qui deviendra sa compagne , va l'inciter à défendre la révolution russe dans s es é crits .

Il célèbre l'URSS dans deux recueil s de poésie , Persécuté pers écuteur (1931 ) et Hourra l'Oural {1934 ).

Dan s les anné es d ' après-guerre , Aragon participe à tous les g rands combats du parti communiste , allant jusqu'à devenir membre du Comité central en 1954 .

Tout en poursu ivant une œuvre romanesque et poétique , il ne cesse d 'écrire des textes milit ants (Le Nouveau Crève-cœur , 1948 , Élégie à Pablo Neruda , 1966 ).

ANDRE MALRAUX (1901-1976) Malraux est le premier écrivain pour qui l'engagement en acte s prendra le pas sur l'engagement littéraire .

En 1925 , lors d'un voyage en Chine , il fait la connai ssance de r évolutionnaire s communistes qui lui inspireront La Condition humaine (1933) .

Il dénonce le totalitarisme nazi dans Le Temps du mépris (1935 ) et s'en g a ge aux côtés des républicains durant la guerre d'Espagne , ce qui lui inspirera son roman L'Espoir (1937 ).

Pendant la guerre , il entre dans la Résistance et commande la brigade Alsace -Lorraine .

À partir de 1943 , il s e consacre uniquement aux texte s autobiographique s (Antimémoir es, 1967 ) ou aux essai s (Les Voix du silence , 1951 ).11 devient ministre des Affaire culturelles de 1958 à 1969 sous la présidence de De Gaulle .

PAUL NIZAN (1905·1940) Paul Nizan entre à l'Ecole normale supérieure en 1924, en même temp s que Raymond Aron (1905-1983 ) et Jean-Paul Sartre , puis se coupe de son milieu en partant pour Aden.

En 1932 , il publie un pamphlet visant les philosophes universitaires : Les Chiens de garde .

Il quitte le parti communist e après la signature du pacte germano ­ soviétique, ce qui lui vaut les foudres de plusieurs auteurs engagés , dont Aragon .

Journaliste , il réclame le droit de " philosopher à coup s de marteau ».

Son œuvre romane sque méconnue : Le Cheval de Troie (1935) , La Conspiration (1938 ), a été rééditée au début des années 1960 , en partie grâce à l'influence de Jean-Paul Sartre .

IEAN·PAUL SARTRE (1905·1980) Après ses études à l'Ecole normale supérieure , Jean-Paul Sartre est mobilisé en 1939 , il est fait prisonnier en 1940 , puis libéré en 1941.

Il participe alors à la Résistance en créant l'éphémère réseau Socialisme et Liberté .

En 1945, il fonde la revue Les Temps Modernes et quitte l'enseignement.

Sartre est de tous les combats : la torture (Morts sans sépulture, 1946 ) , le racisme (La Putain respectueuse, 1946 ), l'antisémitisme !------------...._ ___________ __, (Réflexions sur la question juive , 1946 ) , la morale en politique (Les Mains sales, 1948) , la religion (Le Diable et le Bon Dieu , 1951 ), la guerre d'Indochine (L'Affaire Henri Martin , 1953) , la violence (Les Séquestrés d'A/tana, 1959 ) .

LA CHANSON ENGAGÉE En France , alors que la plupart des chansons engagées étaient jusqu 'alors dues à des anonymes (Ah ! ça ira !, 1790, La Carmagnole , 1792, La Chanson de Craonne , 1911) ou à des auteurs connus généralement pour une seule chanson (Le Temps des cerises de Jean-Baptiste Clément et Antoine Renard, 1867, La Butte rouge de Montheus et Krier, 1923) , une nouvelle génération de chanteurs, bien souvent auteurs, compositeurs et interprètes, est apparue dans les années 1950 au moment où les song restent sans doute Bob Dylan, auteur de titres célèbres tels A hard ra in 's a­ gonna fa// (contre la menace des missiles nucléaires en 1962) et Joan Baez, souvent présente lors d'événements contestataires (elle se trouvait aux côtés de Martin Luther King lorsque celui-ci prononça son célèbre discours" 1 had a dream ...

»).

De l'autre côté de l'Atlantique, l'Angleterre a engendré au début des années 1970 le mouvement musical engagé le plus violent le punk rock, avec des groupes tels The Clash, appelant leur public à la révolte contre les nantis (White Riot, 1977, London co/ling, 1979) et les brutalités policières (Police on my bock, 1980, Ghetto Defendant, 1982) .

Aujourd'hui , c'est souvent le rap qui a pris le relais de la contestation dans le monde entier.

En France, le groupe .

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Azat 1 NTM (Nique ta mère) a défrayé la chronique de 1989 à 2001.

Leurs chansons portent un regard critique sur la banlieue : à la fois sur la manière dont les pouvoirs publics réagissent à la violence (Le Monde de demain , 1990) et sur l'attitude des délinquants (Pose ton gun, 2000) .

NTM a été condamné à de la prison ferme en 1996 pour avoir tenu des propos outrageants envers la police.

Parmi les autres groupes contestataires, citons Ministère Amer (Pourquoi tant de haine, 1992) et dans une veine plus modérée, lAM (L'École du micro d'argent, 1997) .

Il participe à de nombreux mouvements de révolte, par exemple contre la guerre d'Algérie, en signant le Manifeste des 121, et prendra fait et cause pour les étudiants de mai 1968 , devenant l'icône de toute une génération .

Il utilisera tous les moyens mis à sa disposition : théâtre et roman bien sûr, mais aussi pétitions, manifestes, déclarations et manifestations .

Il refuse le prix Nobel de littérature en 1964 .

Dans les années 1970 , la lutte contre les dictatures communistes au Cambodge et au Vietnam sera son ultime combat.

SIMONE DE BEAUVOIR (1908·1986) Compagne de Sartre, solidaire de ses engagements , Simone de Beauvoir quitte l'enseignement de la philosophie à la parution de son premier roman , L 'Invitée (1943 ), pour se consacrer à LA LITTÉRATURE ENGAGÉE AU THÉATRE ET AU CINÉMA Près de la moitié des œuvres de Jean­ Paul Sartre est constituée de pièces de théâtre (Les Mouches , Huis clos, Morts sans sépulture, Les Mains sales).

Pour Jean Vilar , fondateur du Festival d'Avignon en 1947, nommé en 1951 à la tête du TNP (Théâtre national populaire) , " le théâtre doit être à la portée de tous » .

Vilar se politise dès 1961 et fait notamment découvrir aux spectateurs français les pièces de l'allemand Bertold Brecht, condamné à l'exil en 1933, puis harcelé aux États-Unis par la Commission des activ ités anti­ américaines à cause des sentiments de révolte et de provocation contenus dans ses textes (Maitre Puntila et son valet Matti, 1948, La Résistible Ascension d'Arturo Ui, 1959).

Les adaptation cinématographiques des œuvres engagées ont parfois plus de retentissement que les écrits eux mêmes.

Le roman de science-fiction de Ray Bradbury publié en 1953, Farenheit 451, en est l'une des meilleures illustrations.

Écrit en réaction au maccarthysme et à ses dérives fascisantes, il a suscité de vives réactions au moment de sa publication , puis a cessé de se vendre.

François Truffaut l'a redécouvert et l'a remis au goût du jour en France en 1966 avec sa version cinématographique.

l'écriture.

Elle mène une réflexion très poussée sur les relati ons entre l'homme et la femme , et sur la défense de la condition féminine (Le Deuxième Sexe, 1949 ).

Elle s 'interroge ensuite sur la notion d'engagement dans son roman Les Mandarins , qui obtient le prix Goncourt en 1954 .

Dès lors, elle tentera de déterminer l'essence de la nature huma ine à partir d 'écrits essentiellement autobiographiques .

ALBERT CAMUS (1913·1960) Né dans un milieu très modeste en Algérie, Albert Camus adhère au parti communiste pendant trois ans (de 1934 à 1937) , puis fonde le Théâtre du Travail.

Au cours de la Seconde Guerre mondiale, il entre dans la Résistance et obtient le succès avec L'Étranger (1942) et Le Mythe de Sisyphe (1942), parus clandestinement.

Lors du soulèvement de Sétif , en Algérie, en 1945, il essaie en vain de mobiliser la conscience métropolitaine.

Suite à la parution de son roman philosoph ique L'Homme révolté (1951 ), il se brouille avec Sartre , qui lui reproche de confondre nazisme et stalinisme et de sombrer dans une révolte métaphysique qui détourne les opprimés de leur tâche historique.

Pendant la guerre d'Algérie , Camus est de nouveau incompris lorsqu 'il appelle à la trêve en 1956.

Il reçoit le prix Nobel de littérature en 1957 " pour avoir mis en lumière les problèmes se posant de nos jours à la conscience des hommes ».. »

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