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Commentez ce texte de Spinoza : « Ce n'est pas parce que nous croyons une chose bonne qu'elle devient l'objet de nos désirs, mais au contraire nous appelons bon ce que nous désirons, et conséquemment nous appelons mal ce pour quoi nous avons de l'aversion. » Scholie du Th. 39 du livre III de l'Ethique.

Publié le 13/03/2011

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   Comment expliquer, chez un intellectualiste comme Spinoza, la primauté accordée ici au désir sur l'exercice des fonctions intellectuelles C'est que dans la doctrine de « l'Ethique «, le dynamisme vient corriger ce que l'intellectualisme pouvait avoir d'exclusif.    Impossible en effet de réduire la totalité de la vie psychologique au simple jeu d'un mécanisme de jugements puisqu'un tel mécanisme même suppose l'intervention de ces forces dont on voudrait lui faire rendre compte. Sans doute, d'après Spinoza, les phénomènes affectifs se réduisent-ils à des combinaisons de jugements, sans doute la joie est-elle définie par le passage d'un état de perfection « tenu pour « moindre à un état de perfection « tenu pour « supérieur ; mais les combinaisons judicatoires elles-mêmes reflètent des tendances toutes issues d'un élan fondamental, force ultime placée à la racine des choses : « La Tendance de l'Etre à persévérer dans son Etre. «

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« Il ne s'agit pas en effet, pour l'auteur de l'Ethique, de soutenir d'une manière) générale que le Désir dirige nosjugements et que nos jugements sont incapables de le faire naître, mais d'affirmer cette fonction déterminante desTendances dans les propositions ayant particulièrement trait au Bon et au Mauvais. « Nous désirons une chose non pas parce que nous jugeons que cela est bon mais au contraire nous appelons bonce que nous désirons.

» Il ne s'agit donc pas simplement de juger mais d'apprécier. Du point de vue psychologique une telle localisation du problème se justifie du reste aisément.

Tous les sophismesde la logique affective pivotent en effet plus ou moins autour de jugements de valeur à travers lesquels le Désirparvient à se définir.

J'aspire confusément à une certaine forme de gouvernement, je juge donc qu'elle estsouhaitable (ce qui constitue une appréciation), et je cherche des arguments historiques ou sociologiques pourprouver que les hommes ne peuvent pas s'en passer (ce qui est un jugement de fait).

Vous me mettez en gardecontre une personne en qui' je désire avoir confiance, donc votre avis est mauvais (appréciation), donc je cherchedes preuves destinées à démontrer que votre inquiétude est vaine ou même intéressée.

Et il y a en somme uneprofonde vérité dans la caricature que Maupassant nous suggère d'un tel processus : « Je hais ta mère, donc elleest foncièrement mauvaise, donc elle a encore une syncope pour nous empêcher de dîner.

». Autrement dit, entre le Désir et le jugement d'existence s'articule toujours un jugement de valeur qui constituecomme un moyen terme susceptible de relier ces facteurs psychologiques hétérogènes.

Et dès lors si, précisémenten raison de la fonction de truchement assumée par les jugements de valeur, c'est à leur contact immédiat que lestendances viennent aboutir, si! le passage des besoins aux constatations n'est possible que par l'intermédiaire desappréciations, on comprend combien les confusions peuvent être à craindre entre ces régions mentales trop voisinespour ne pas s'intriquer. Et, en fait, il n'y a rien bien souvent de plus difficile à distinguer d'une aspiration qu'une affirmation de valeur.

Lesraisons d'un attrait ne sont-elles pas comme une transposition en un autre langage où cet attrait vient plutôts'exprimer que se motiver ? Dans les prétextes qu'il invoque un amour ne cherche-t-il pas moins à se justifier qu'à sereconnaître ? Mais comprendre pourquoi la confusion des termes est aisée c'est montrer en quoi la fixation des rapports qui lesunissent est nécessaire.

On aperçoit donc tout l'intérêt que dans ces conditions il pouvait y avoir à redresserl'erreur subordonnant les Tendances aux jugements de valeur qui paraissent en être la source quand ils en sontseulement l'incarnation. Mais ces considérations d'ordre psychologique si elles n'ont pas été sans influer sur l'attitude prise par Spinoza dansle problème qui nous occupe, ne paraissent pas suffire à expliquer la manière dont l'auteur de l'Ethique a centré ladiscussion des rapports de l'activité intellectuelle et des Tendances autour de la question des jugementsappréciatifs. Il y a à cela des motifs plus 'profonds d'ordre métaphysique et moral. D'abord, sur le terrain ainsi délimité, il pouvait sembler particulièrement aisé de montrer la puissance dudéterminisme. Un jugement de fait nous est imposé par l'expérience.

Une conclusion logique découle avec une nécessitéinéluctable des prémisses acceptées et des lois mêmes de notre esprit.

Si j'ai admis le postulat d'Euclide je ne peuxme refuser à conclure que la somme des trois angles d'un triangle est égale à deux droits.

Rien au contraire quisemble plus arbitraire, plus soumis à notre bon plaisir que l'appréciation d'une valeur. On comprend dans ces conditions quel intérêt il pouvait y avoir pour Spinoza, partisan déclaré de la nécessité, àmontrer que, sur ce terrain même où la volonté paraît complètement indépendante, les hommes conformément à lafameuse scholie du troisième livre « se croient libres parce qu'ils sont conscients de leurs actions et ignorants descauses par où ils sont déterminés ».

Les causes ignorées ici ne résideraient-elles pas en effet dans le Désir,expression lui-même d'un inflexible déterminisme, puisque, tendance d'un Etre à persévérer dans l'Etre, il reflète enchacun de ses mouvements l'essence de cet Etre dont il émane. Ensuite et surtout le texte qui nous est soumis exprime un effort particulièrement hardi de Spinoza pour analyserconcrètement la notion de Bien et la définir de manière empirique par son contenu affectif, « La Joie », issue elle-même du Désir ; le mal étant tenu inversement pour une symbolisation de la Tristesse. On éviterait ainsi l'inanité de conceptions définissant le Bien par une espèce de mathématique divine.

Rien en effetde plus vain qu'une pareille théorie définissant la Perfection par une vague harmonie qu'il est impossible de fairecorrespondre à aucune donnée précise. On éviterait surtout et plus directement encore l'erreur de ceux qui, soit par obéissance au conformisme social, soitpar scrupule religieux, se défient du Désir, symbole d'expansion individuelle et en arrivent à cette attitude, opposéeà la nature, de définir avec l'ascétisme la Perfection non seulement par la compression des Désirs, mais par lecontrepied même de la Joie, par la douleur acceptée.

Toutes ces thèses ont le défaut commun de condamner le. »

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