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Le couronnement métaphysique de la morale, les postulats de la raison pratique (Kant)

Publié le 21/03/2011

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morale

 — La morale de Kant est, comme on dirait aujourd'hui, une morale indépendante. Elle se fonde sur un fait de la raison, sur une nécessité pratique a priori, que l'on constate, mais dont il n'y a pas à demander de justification comme loi pratique. On peut faire appel, pour en expliquer la présence en nous et la force impérative, à des concepts transcendants; mais loin que la loi morale tire sa force de ces conceptions, c'est elle seule au contraire qui en peut garantir la valeur objective. La morale ne se fonde donc pas sur une métaphysique et, moins encore, sur une religion. Pourtant Kant a toujours pensé, avec la tradition, qu'il y a un lieu étroit entre les idées morales et les croyances métaphysiques : toute la question est de savoir quel est ce lien et comment se situent et s'ordonnent dans notre esprit ces deux sortes de conceptions. Il a paru à Kant que les croyances traditionnelles relatives à l'existence de Dieu et à l'immortalité de l'âme ne pouvaient recevoir leur certitude que de la loi morale à titre de conditions de l'objet qu'elle nous assigne pour but suprême de la pratique, le souverain Bien.

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« Maintenant en quoi consiste au juste cette conviction morale ainsi restreinte à l'affirmation d'une existence ? C'estce qu'il est assez malaisé d'expliquer.

Il y a sur ce point, dans la pensée de Kant, un peu de flottement.

En certainsendroits il dit nettement que, obligés de vouloir le souverain Bien et de travailler à le réaliser, nous sommes par suiteobligés de le croire possible.

(R.

P., 259.) Mais, dès la page suivante, il se reprend et déclare que la foi au souverainBien et à ses conditions n'est pas l'objet d'un commandement.

Une croyance commandée est un non-sens.(R.Pr.,201.) Même ailleurs il laisse entendre que cette croyance n'est pas après tout indispensable.

Elle estseulement utile à l'énergie de l'action ; elle est avantageuse à la moralité : elle est donc moralement souhaitable.

(R.Pr., 204.) Et, parce qu'il y a là « une libre détermination de notre jugement», l'honnête homme pourrait dire : Jeveux qu'il y ait un Dieu et que mon existence se continue au delà de la vie terrestre.

Il y a donc là quelque chose desubjectif qui est d'un tout autre ordre que les convictions théoriques.

Il semble pourtant que l'on puisse concilier cesincertitudes en distinguant dans l'objet de la foi pratique deux choses : d'une part, l'affirmation de la possibilité dusouverain Bien, — ceci serait un devoir lié logiquement au devoir de le réaliser ; d'autre part, l'affirmation d'un Dieuet de l'immortalité de l'âme comme conditions du souverain Bien, — ceci serait un vouloir, libre à quelques égards,car, si notre raison ne peut concevoir d'autres moyens du Bien souverain, il ne s'ensuit pas que d'autres ne soientpossibles : il y a là un élément de doute que nous écartons volontairement en conséquence d'un besoin subjectif, lebesoin d'avoir une représentation de ces moyens.

(R.

Pr., 263.) Finalement tout repose sur ce principe : nous sommes obligés de travailler à réaliser non la vertu seulement, mais lesouverain Bien, en pratiquant la vertu pour nous rendre dignes du bonheur.

Mais c'est sur cette affirmation initiale,sur laquelle Kant passe avec une extrême rapidité, que portent les difficultés ; car de savoir si le concept dusouverain Bien est d'origine rationnelle et de quel droit nous lions ainsi dans notre pensée la vertu et le bonheur, ceserait une question ; et pour y répondre ce n'est pas assez des deux ou trois phrases que Kant énonce en passant.Mais même au cas où la raison voudrait que le bonheur soit joint à la vertu, ce serait encore une question de savoirsi notre obligation n'est pas limitée à la vertu, seule en notre pouvoir : auquel cas le souverain Bien n'étant pasobjet de devoir on ne serait pas plus tenu de croire aux conditions métaphysiques qui le rendent possible qu'on n'esttenu de croire aux idées de la raison pure théorique, encore qu'elles soient conçues nécessairement.

La rapiditéavec laquelle Kant passe sur ces points fondamentaux montre assez qu'en réalité ces considérations ne sont pas lesvrais principes de ses affirmations.

Deux préoccupations l'ont guidé en ces conclusions de sa morale.

L'une,philosophique, est le besoin de concilier les divers éléments de notre nature.

Si nous avons l'obligation de vivrerationnellement, nous avons aussi le besoin d'être heureux.

Il est donc naturel de considérer comme souhaitablel'union de l'objet du devoir et de l'objet du désir.

De là le concept du souverain Bien.

Mais les conditions danslesquelles s'engendre ce concept n'en font nullement un objet de devoir ni davantage de foi.

D'autre part, Kant n'ajamais entendu renoncer aux croyances religieuses qu'il avait reçues de la tradition.

Puisque son rationalisme critiquelui interdisait d'en affirmer les objets comme des objets de savoir, il était naturel qu'il cherchât à leur faire une placeen sa doctrine au moins comme des objets de foi : et ceci était moins philosophique.. »

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