La cruauté : vice ou vertu ?
Publié le 22/02/2012
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On pourrait s'interroger d'où procédait qu'Agathocle et autres semblables, après d'infinies trahisons et cruautés, purent vivre longtemps en sécurité dans leur pays et se défendre des ennemis extérieurs, sans que leurs concitoyens conspirassent contre eux; vu que plusieurs autres n'ont jamais pu se maintenir en leurs États même en temps de paix, sans parler du temps troublé de la guerre. Je crois que cela vient de la cruauté bien ou mal employée. On peut appeler bonne cette cruauté (si l'on peut dire y avoir du bien au mal), laquelle s'exerce seulement une fois, par nécessité de sa sûreté, et puis ne se continue point, mais bien se convertit en profit des sujets le plus qu'on peut. La mauvaise est celle qui du commencement, encore qu'elle soit bien petite, croît avec le temps plutôt qu'elle ne s'abaisse. Ceux qui useront de la première sorte de cruauté peuvent avec l'aide de Dieu et des hommes trouver quelque remède favorable, comme eut Agathocle. Quant aux autres, il est impossible qu'ils se maintiennent. D'où il faut noter qu'en prenant un pays, celui qui l'occupe doit songer à toutes les cruautés qu'il lui est besoin de faire et toutes les pratiquer d'un coup pour n'y retourner point tous les jours et pouvoir, ne les renouvelant pas, rassurer les hommes, et les gagner à soi par bienfaits. Qui se gouvernera autrement ou par crainte ou par mauvais calcul, il sera contraint de tenir toujours le couteau en la main, et ne se pourra jamais bien fonder sur ses sujets, eux ne se pouvant, pour les continuelles et fraîches injures, confier en lui. Car il faut faire tout le mal ensemble afin que moins longtemps le goûtant, il semble moins amer, et le bien petit à petit afin qu'on le savoure mieux. En outre, un Prince doit sur toutes choses vivre avec ses sujets en sorte que nul accident ou de bien ou de mal n'ait à le faire changer. Car, comme la nécessité vient durant le mauvais temps, il n'est plus temps de faire le mal; et si tu fais du bien, il ne te profitera point parce qu'on l'estimera être forcé et qu'on ne t'en aura point gré. MACHIAVEL
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