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L'éthique nietzschéenne

Publié le 23/12/2009

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Si Nietzsche s'oppose à la morale chrétienne traditionnelle c'est pour revenir d'une certaine façon à la morale de Jésus ! Et Nietzsche propose une interprétation finalement assez paulinienne (malgré tout ce qu'il dit à l'occasion contre saint Paul) de l'enseignement de Jésus (très semblable en tous cas à l'enseignement qu'un Spinoza avait déjà tiré de l'Épitre aux Romains). A la morale transcendante de la Loi qui nous condamne de haut sans nous donner de motivations intérieures pour bien agir (La Loi, dit saint Paul,« fait abonder le péché «), Jésus substitue la morale immanente de l'amour. Le « joyeux message c'est la suppression du « péché « c'est-à-dire de toute distance de l'homme à Dieu, et de la «morale«, c'est-à-dire de l'obligation extérieure. Tel est par exemple le sens de ces lignes tirées de Par delà le bien et le mal (n° 164):« Jésus dit à ses juifs: La Loi a été pour des esclaves. Aimez Dieu comme je l'aime. Que nous importe la morale à nous autres fils de Dieu ? «. C'est en ce sens que Nietzsche dit encore que jésus a voulu être un « destructeur de la morale «.

« puissance).

Il est vrai que Nietzsche rejette les croyances de la religion juive, comme celles des Églises chrétiennes.Mais le peuple juif en tant que communauté humaine lui inspire une admiration fervente et lucide.

Nietzsche dégoûtépar le nationalisme germanique, par le pseudo-christianisme ascétique de l'époque se sent lui-même une sorte de juiferrant (« Nous autres sans patrie »).

Ses amours (Lou Salomé), ses amitiés ( Miss Helen Zimmern sa traductriceanglaise, Brandès son disciple danois) furent souvent juives.

Pour lui, « vivre dangereusement » c'est vivre commeles juifs exilés à travers le monde, à l'écart des traditions sécurisantes.

(« La foi sauve, donc elle ment »).

Nietzschequi est non pas darwinien (autre mythe répandu : mais Nietzsche s'est défini l'Anti-Darwin) mais lamarckien, penseque le besoin crée l'organe (« il faut avoir besoin d'esprit pour arriver à avoir de l'esprit »).

Les persécutions ontforgé l'âme juive (« les vertus de ceux qui souffrent n'ont pas cessé de les orner »).

Étrangers partout les juifs sontdevenus citoyens du monde.

Perdus parmi les traditions étrangères ils sont devenus les témoins de l'Universel.Victimes des mensonges et de l'injustice ils sont avant tout préoccupés de vérité et de justice (« l'Europe doit avoirde la reconnaissance à l'égard des juifs pour ce qui est de la logique et des habitudes de propreté intellectuelle »).Faut-il ajouter que la « guerre » et les « guerriers » dont il est question dans le Zarathoustra n'ont rien à voir avecles militaires des diverses nations européennes ? Nietzsche met justement son chapitre de la guerre à côté de celuioù il condamne sous le nom de « nouvelle idole » la religion nationaliste ! La guerre qu'il réclame c'est celle de laraison contre les préjugés, c'est le combat héroïque du philosophe contre les sentiments et les habitudes qui ledétourneraient de sa recherche : « Vivez dangereusement, envoyez vos vaisseaux dans les mers inexplorées, soyezbrigands et conquérants vous qui cherchez la connaissance...

Si vous ne pouvez pas être les saints de laconnaissance, soyez-en les guerriers ! Faites une guerre pour vos pensées ! ». Psychologie de la morale Tandis que Nietzsche félicite les juifs de leur « propreté », il déclare dans Ecce homo que les philosophes allemandssont en général « malpropres ».

Qu'entend-il par là ? Il leur reproche de construire des systèmes, d'édifier deschâteaux métaphysiques sans avoir fait auparavant leur toilette psychologique (« Les Allemands sont malpropresparce qu'ils n'ont jamais passé dans leurs classes comme les Français par un sévère XVII» siècle où l'on apprendl'examen de conscience »).

l'ai été, dit-il encore, « gardé de la niaiserie allemande par le psychologue que je portaisen moi ».

Nietzsche veut avant tout soumettre les idéaux les plus courants à une impitoyable analysepsychologique.

« Humain trop humain », ce titre signifie : « Là où vous voyez de l'idéal je ne vois que des choseshumaines ».

D'où les métaphores chirurgicales ou spéléologiques qu'il affectionne : Tantôt il se présente commel'anatomiste qui « n'épargnera pas à l'humanité » la table ni les « ciseaux de dissection » tantôt comme le «trophonios », l'homme souterrain qui « perce, creuse et ronge ».

Dans Ecce homo il déclare : « Armé d'une torchedont la lumière ne tremble pas je promène une clarté aiguë dans les souterrains de l'idéal ».La critique psychologique de la morale et de la religion ascétiques est à juste titre le thème le plus célèbre dunietzschéisme : la morale ascétique est pour lui profondément hypocrite, elle est l'oeuvre du ressentiment : Ce sontles esclaves, les vaincus de la vie qui ont inventé l'au-delà (avec son Paradis et son Enfer) pour compenser leurmisère.

Ils ont imaginé de fausses valeurs pour se consoler de ne pouvoir participer aux valeurs authentiques, auxvaleurs des maîtres et des forts.

Ils ont forgé le mythe du salut de l'âme parce qu'il n'avaient pas la santé du corps.Ils ont « inventé un autre monde pour pouvoir calomnier celui-ci et le salir ».

Ils ont forgé la fiction du péché parcequ'ils ne pouvaient participer aux joies terrestres de la pleine satisfaction des instincts.

D'où l'hommage rendu à LaRochefoucauld et aux jansénistes qui ont une psychologie très « nietzschéenne » avant la lettre.

La Rochefoucaulda dit que « les vieillards donnent de bons conseils parce qu'ils ne sont plus en état de donner de fâcheux exemples».

Nicole, le maître janséniste de Racine, notait déjà que « d'ordinaire on désire l'humilité par orgueil ».

Seulement lesjansénistes maintiennent une morale ascétique, antinaturelle tandis qu'ils font une critique impitoyable des mobileshumains.

Ils ne nous arrachent à l'hypocrisie que pour nous conduire au désespoir.

Nietzsche quant à lui rejetteradicalement cette morale parce qu'elle est contraire aux valeurs vitales.

Prêcher comme ces chrétiens dégénérés,le mépris de soi-même ou condamner sans pouvoir l'étouffer totalement la passion sexuelle (« le christianisme adonné du poison à boire à Éros, il n'est pas mort, mais il est devenu vicieux »), c'est aller contre la vie.

Nietzschecondamne radicalement la transcendance d'une morale antivitale pour lui substituer une morale immanentiste, unemorale qui dise oui à l'élan intérieur de la volonté. L'éthique nietzschéenne Si Nietzsche s'oppose à la morale chrétienne traditionnelle c'est pour revenir d'une certaine façon à la morale deJésus ! Et Nietzsche propose une interprétation finalement assez paulinienne (malgré tout ce qu'il dit à l'occasioncontre saint Paul) de l'enseignement de Jésus (très semblable en tous cas à l'enseignement qu'un Spinoza avait déjàtiré de l'Épitre aux Romains).

A la morale transcendante de la Loi qui nous condamne de haut sans nous donner demotivations intérieures pour bien agir (La Loi, dit saint Paul,« fait abonder le péché »), Jésus substitue la moraleimmanente de l'amour.

Le « joyeux message c'est la suppression du « péché » c'est-à-dire de toute distance del'homme à Dieu, et de la «morale», c'est-à-dire de l'obligation extérieure.

Tel est par exemple le sens de ces lignestirées de Par delà le bien et le mal (n° 164):« Jésus dit à ses juifs: La Loi a été pour des esclaves.

Aimez Dieucomme je l'aime.

Que nous importe la morale à nous autres fils de Dieu ? ».

C'est en ce sens que Nietzsche ditencore que jésus a voulu être un « destructeur de la morale ».L'éthique de Nietzsche sera donc une morale de la pure immanence ; Gide la résume très bien par ces mots : « Ilfaut suivre sa pente, pourvu que ce soit en montant ».

Non plus le mépris de soi, mais l'affirmation joyeuse de soi (ilfaut comprendre ici que c'est ce respect de l'homme qui fait que Nietzsche condamne l'humiliante et stérile pitiéalors qu'il ne condamne pas mais conseille au contraire la vraie générosité et le dévouement actif.

Un État, dit-ildans Aurore, se juge à ce qu'il fait pour le bien de ses infirmes, de ses vieillards, de ses malades mentaux).

C'est iciqu'il nous faut situer en leur vérité deux thèmes fondamentaux et souvent mal interprétés du nietzschéisme, deux. »

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