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Explication du texte de JJ. Rousseau : « Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes »

Publié le 01/01/2011

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Explication du texte de JJ. Rousseau : « Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes »

 

Ce texte est extrait du  « Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes » écrit en 1755 pas JJ. Rousseau.

Dans ce texte Rousseau aborde le thème de l’homme et l’animal. Pour cela il se demande s’il y a une différence essentielle entre l’homme et les autres animaux, et si oui laquelle. A cette question Rousseau répond que les hommes ne sont pas guidés pas leur instinct contrairement aux animaux et qu’ils sont donc libres dans leurs choix même si parfois cette liberté les conduit à des excès.

Nous verrons donc dans un premier temps comment Rousseau donne une définition de l’animal au moyen d’une comparaison avec la machine. Nous étudierons ensuite la définition de l’homme que Rousseau met en place au  moyen d’une comparaison avec l’animal. Dans un dernier temps nous analyserons les conséquences positives et négatives de la liberté pour l’homme.

 

 

Dès la première phrase du texte Rousseau compare l’animal à une machine : «  je ne vois dans tout animal qu’une machine ingénieuse à laquelle la nature a donné des sens pour se remonter elle-même et pour se garantir, jusqu’à un certain point, de tout ce qui tend à la détruire ou à la déranger ».

Dans cette phrase Rousseau utilise une vision intellectuelle et abstraite « je ne vois ». Il ne porte pas un regard de naturaliste sur l’animal mais bien un regard de philosophe. En utilisant la métaphore de l’animal machine Rousseau s’inscrit dans une tradition philosophique qui remonte à Descartes, En effet selon ce philosophe français du 17ème siècle, les animaux sont des machines au premier sens du terme, c'est-à-dire privés de conscience, privés de pensée , privés de langage. Certes ce mécanisme est très sophistiqué, il s’agit bien d’une « machine ingénieuse ». La nature a donné aux animaux des sens pour « se remonter eux même ». Rousseau reprend là encore l’image chère à Descartes du mécanisme d’horlogerie « je ne sais bien que les bêtes font beaucoup de choses mieux que nous, mais je ne m’en étonne pas ; car celui même sert à prouver qu’elles agissent naturellement et par ressorts, ainsi qu’une horloge, laquelle montre bien mieux l’heure qu’il est, que notre jugement ne nous l’enseigne. ». R. Descarte, « lettre au Marquis de Newcastel » (23 novembre 1646)

Rousseau propose donc une définition de l’animal qui tout en lui reconnaissant la capacité d’agir par lui-même « pour se remonter elle-même » le réduit à un objet concret, un dispositif matériel fabriqué par la nature et accomplissant de lui-même les différentes fonctions nécessaires à sa survie.

Cette définition est d’abord destinée à distinguer clairement l’animal de l’homme. Dès le début du texte la tournure restrictive « ne que » indique clairement que Rousseau est convaincu à la fois de la supériorité de l’homme sur l’animal et de la différence essentielle entre l’homme et l’animal.

 

 

 

 

Quelle est donc cette différence essentielle entre l’homme et l’animal pour Rousseau ?

Dans un premier temps, Rousseau reconnait à l’homme un statut de « machine humaine ». Sur le plan corporel il constate donc une similitude : « j’aperçois précisément la même chose dans la machine humaine ». Mais ce n’est que pour mieux souligner une différence essentielle « avec cette différence que la nature seule fait tout dans les opérations de la bête, au lieu que l’homme concourt aux siennes, en qualité d’agent libre. »

Là où l’animal « choisit ou rejette par instinct », l’homme agit par un « acte de liberté ». Ainsi pour Rousseau l’homme est proche de l’animal sur le plan corporel mais les mouvements de l’homme sont volontaires. Contrairement à l’animal qui obéit aux lois naturelles, l’homme agit par choix conscient et sans contrainte. Selon Rousseau, l’homme n’est pas soumis à l’instinct.

La bête ne peut s’écarter de sa nature, de la « règle qui lui est prescrite ». A l’inverse l’homme peut s’en écarter.

Là où le comportement animal est immuable car donné une fois pour toute par la nature, celui de l’homme peut varier. En effet, les comportements humains ne cessent d’évoluer. Pour se garantir de ce qui peut « le détruire » ou « le déranger », l’homme ne cesse d’inventer des nouvelles stratégies, des nouveaux modèles. Alors que l’animal perpétue le même terrier, le même nid, l’homme fait évoluer son habitat et invente sans cesse de nouvelles technologies pour se protéger. La confection de vêtements, la complexité de sa nourriture, l’élaboration de médicaments,  la mise au point de procédés de chauffage...etc.

Ainsi l’animal apparait comme une sorte d’automate prédéterminé, programmé par la nature : « la bête ne peut s’écarter de la règle qui lui est prescrite, même quand il lui serait avantageux de le faire ». Rousseau souligne ainsi une faiblesse essentielle chez l’animal. Certes la machine est ingénieuse, mais elle manque passablement de génie. L’animal ne parvient pas à échapper à sa nature, à son instinct même si il doit en mourir : « c’est ainsi qu’un pigeon mourrait de faim prés d’un bassin rempli des meilleures viandes, et un chat sur des tas de fruit ou de grains ».

L’homme est libre, il peut choisir la viande ou le grain. Il ne subit aucun déterminisme dans son choix et n’agit pas par instinct. D’ailleurs, l’homme transforme le grain en farine pour élaborer du pain et cuit sa viande.

Cette liberté semble donc marquer la supériorité de l’homme sur l’animal.

 

 l'homme est un agent libre mais fait-il toujours un bon usage de sa liberté ?

Rousseau nous montre que si cette liberté est bien la qualité spécifique de l’homme,  elle le dessert bien plus qu’elle ne l’avantage.

L’homme n’échappe pas entièrement à la nature. Il est bien une « machine humaine », soumis comme l’animal aux lois naturelles du vieillissement, à la nécessité de se nourrir… Rousseau souligne que « là où la nature fait tout dans les opérations de la bête (…) l’homme concourt aux siennes en qualité d’agent libre. »

L’homme « concourt », c'est-à-dire qu’il participe aux côtés de la nature. Or, étant une « machine libre » il a le pouvoir de se donner d’autres règles, voire d’enfreindre ces lois naturelles qui existent cependant en lui.

L’homme peut donc commettre des actes contre nature : « l’homme s’en écarte souvent à son préjudice ».

 Parce qu’il est libre, la loi naturelle qui ne le détermine pas ne peut non plus le préserver de l’excès et de la démesure. Cette liberté peut donc devenir problématique parce que « la volonté parle encore quand la nature se tait. ». Ainsi, si les animaux peuvent mourir de faim devant une nourriture que la nature ne leur a pas prescrite, l’homme lui peut mourir d’indigestion pour avoir abusé de cette même nourriture :\"les hommes dissolus se livrent à des excès qui leur causent la fièvre et la mort ».

Cette liberté peut donc être fatale à l’homme si l’homme se met en tête de vouloir plus qu’il ne peut : « L’esprit déprave les sens ».

L’homme peut donc faire le choix de l’erreur, le choix du pire. L’affirmation de sa liberté se fait souvent au prix du dérèglement de la machine, peut-être même au prix de la vie elle-même.

Loin d’affirmer la supériorité de l’homme sur l’animal, Rousseau constate que là où l’animal fait un bon usage de ses sens (« à qui la nature a donné des sens pour se remonter elle-même ») l’homme peut mal en user à partir du moment où l’esprit ne lui dicte pas les bons choix.

Certes, on peut remarquer que là où Rousseau généralise son propos concernant l’animal « tout animal » il apporte une restriction et n’évoque pas « tout homme » mais « les hommes dissolus ». Cela laisse entendre que seuls certains hommes font un mauvais usage de leur liberté. Cependant, le texte retrouve un aspect généralisant « la volonté parle encore, quand la nature se tait » qui nous permet de comprendre que Rousseau parle certainement de la plupart des hommes.

Nous comprenons également que puisque l’esprit déprave les sens mieux vaudrait peut-être ne pas en avoir ou du moins faudrait il que l’homme parvienne à équilibrer loi naturelle et usage de sa liberté. Il faudrait que la volonté puisse se caler sur la nature, puisse limiter ses actions de façon raisonnable dans les limites de la loi naturelle. Ainsi l’homme devrait-il cesser de s’alimenter dès lors qu’il a satisfait sa faim, son besoin naturel de se nourrir.  

 

En conclusion on peut donc dire que si dans un premier temps Rousseau semble postuler que l’homme est supérieur à l’animal, il conclut de façon plutôt pessimiste sur le mauvais usage que l’homme peut faire de sa liberté. Cette liberté est la spécificité de l’homme et on pourrait croire à la supériorité d’une « machine libre » sur une machine certes ingénieuse mais dépourvue de toute initiative. Cependant, en s’écartant de la loi naturelle, l’homme peut se nuire gravement et c’est une façon pour Rousseau de sous-entendre que pour lui la loi naturelle est celle qu’il faudrait suivre, écouter et respecter bien plus que les actes dictés par la liberté. Rousseau semble donc  de façon implicite faire l’apologie d’une machine qui ne serait ni simplement ingénieuse, ni uniquement libre mais avant tout raisonnable.

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