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La justice peut-elle être inégalitaire ?

Publié le 25/01/2004

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justice
(Il faudrait neutraliser toute forme de privilège dû au milieu culturel, aux relations sociales, au poids des corporations, etc.)- En outre, il est une critique que l'on peut adresser à toute pensée méritocratique, qu'elle soit de gauche comme de droite, c'est que valoriser le mérite conduit à substituer une forme d'inégalité à une autre. Si l'on met de côté toute influence sociale - ce que suppose notre hypothèse - d'où vient que certains réussissent mieux que d'autres? Entrent en jeu les aptitudes naturelles et des qualités qui tiennent à la liberté du sujet. Comment évaluer la part de chacune ? Il reste que toute explication en termes de mérite néglige complètement ce qui ressortit à la distribution aveugle et inégalitaire des talents naturels. Or si l'on refuse d'admettre ce postulat, il va de soi qu'en supprimant les inégalités sociales et économiques nous favorisons l'expression des inégalités naturelles. En donnant à chacun les mêmes chances objectives de réussir, la société accorderait au plus talentueux qu'il exploite toutes ses aptitudes, ce qui accentuerait les inégalités naturelles. Celles-ci, dont nous avions dit qu'elles sont sans effet dans l'état de nature, deviendraient effectives dans l'état de société.Pourquoi chercher à éviter les inégalités sociales, si cela a pour effet de ramener à la surface les inégalités naturelles?
justice

« sans nul doute une inégalité naturelle entre les hommes, car chaque individu est un être à part entière qui diffèredes autres.

La nature répartit les qualités entre les hommes sans discernement.

Le hasard règne en maître absolu.Cela dit, cette façon de voir est bien rapide.

On peut estimer que les inégalités naturelles sont minimes, qu'il y a unecertaine uniformité entre les hommes tels qu'ils sortent des mains de la nature.

Il n'existe à la naissance que desvirtualités sur lesquelles on ne peut établir que de vagues conjectures.

C'est la vie en société, la culture, quisollicitent les facultés qui sommeillent en l'homme.

Voilà pourquoi selon Rousseau «la différence d'homme à hommedoit être moindre dans l'état de nature, que dans l'état de société» (Discours sur l'inégalité).

La société accroît parl'éducation les différences qu'il peut y avoir initialement entre les hommes.

Et ces différences créent des inégalités.L'erreur en la matière, dénoncée par Rousseau, vient de ce que «plusieurs différences passent pour naturelles quisont uniquement l'ouvrage de l'habitude et des divers genres de vie que les hommes adoptent en société ».

Et ladifficulté n'est pas mince, en effet, de démêler en l'homme ce qui revient à la nature et à la société.Ce qui signifie que dans l'état de nature, il y a des différences qui n'entraînent aucune inégalité notable.

Unedifférence se transforme en inégalité lorsqu'elle constitue un handicap, lorsque donc elle crée entre les hommes unrapport de domination.

A quoi sert-il d'avoir plus d'esprit ou plus d'habileté et de force qu'un de nos semblables, side ce déséquilibre ne naît aucune dépendance d'un homme vis-à-vis d'un autre? Bref, il n'y a pas à proprementparler d'inégalités dans l'état de nature, puisqu'elles y sont sans influence.â–º 2.

Avec le développement de la culture, les inégalités vont inévitablement se creuser.

La société révèle desinégalités naturelles qui entraînent à leur tour des inégalités sociales et économiques.

Dès lors la justice a pourtâche d'instaurer une égalité de droits entre les personnes.

L'égalité devant la loi matérialise la justice politique.

Parla loi, les hommes sont rendus égaux.

Ce qui ne veut pas dire que la loi égalise les situations sociales.

Les richesseset les talents se répartissent inégalement.

Mais ce qu'il y a de sûr, c'est que nul ne pourra se prévaloir de sesrichesses pour exiger d'échapper à la loi commune.

Le plus riche aura les mêmes droits que le plus pauvre, sarichesse ne lui conférant pas de prérogative particulière.L'égalité devant la loi a pour but de désamorcer le processus par lequel les inégalités sociales et économiquesengendrent une dépendance des moins bien lotis à l'égard des plus fortunés.

Ce en quoi elle fonde la liberté.

Leshommes ne sont libres que lorsqu'ils dépendent des lois, et non d'autres hommes.La justice est donc par essence égalitaire.

Elle installe dans le tissu social des droits qui, parce qu'ils sont identiquespour tous, interdisent de commettre impunément des injustices.

Dès lors, comment concevoir que la loi puissefavoriser des inégalités, sans devenir injuste? En d'autres termes, peut-on parler de lois injustes, sans contradiction,en conservant au mot loi son sens propre? 3.

On peut partir de la définition de la loi qu'on trouve dans l'article 6 de la Déclaration de 89, et qui est un empruntdirect au Contrat social de Rousseau (livre II, chap.

6): «La loi est l'expression de la volonté générale.» Il n'y a doncde loi que «lorsque tout le peuple statue sur tout le peuple », c'est-à-dire «lorsque la matière sur laquelle on statueest générale comme la volonté qui statue ».Ainsi la loi ne s'applique jamais aux personnes prises nommément.

Car si tel était le cas, la volonté ne serait plusgénérale par rapport à son objet.

Le peuple ne peut décider justement que de ce qui le concerne, sur tout autreobjet il ne saurait être juste.

La loi «perd de sa rectitude naturelle lorsqu'elle tend à quelque objet individuel etdéterminé, parce qu'alors jugeant de ce qui nous est étranger, nous n'avons aucun vrai principe d'équité qui nousguide» (Du contrat social, livre II, chap.

4).De ces remarques, il suit deux conséquences.

La première c'est que nul ne sera au-dessus des lois, puisque le Princedoit être lui-même membre de l'État.

La seconde, c'est que par essence toute loi sera nécessairement juste, pourautant que l'on admet que le peuple ne peut être injuste envers lui-même.Tant que la souveraineté appartient au peuple, les lois sont justes, car elles sont lois.

L'égalité entre les individusest préservée.

Mais s'il arrive qu'il se crée une différence entre le souverain et le peuple, la loi ne sera plusuniverselle dans son but comme dans son principe.

Elle portera sur un objet d'intérêt particulier.

Elle ne s'appliqueradonc pas de la même façon pour tous.

Certains bénéficieront de régimes de faveur, ce qui produira inévitablementdes inégalités.De telles décisions ne méritent pas le nom de loi.

Ou, parce qu'elles sont effectivement édictées, on conviendra dedire qu'il y a légalité, mais non légitimité, puisqu'il n'y a de lois légitimes, que celles que le peuple reconnaît.

Lajustice ne devient donc inégalitaire que lorsqu'elle n'est plus la justice. 2.

La justice sociale 1.

La loi institue une égalité de droit entre les individus.

Certes, mais cela n'implique nullement une égalité réelle.

Iln'y a rien dans la Déclaration de 89 qui interdise aux citoyens, de s'enrichir.

Le principe politique de la justice, c'estl'égalité juridique.

Celle-ci rend possible la liberté, car nul n'exerce un pouvoir sur moi, que je n'exerce à mon tour surautrui.

Envisagé de la sorte, l'État n'a pas d'autre but que de garantir la liberté.Se pose alors la question de savoir si cette justice n'est pas l'ouverture à l'injustice sociale? Tous seront égauxdevant la loi, mais il y aura des inégalités de richesses qui iront en s'accentuant.

Or si ces inégalités deviennent trop. »

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