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Patricio Aylwin : un homme pressé par l'histoire

Publié le 22/02/2012

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histoire
14 décembre 1989 - Un éternel sourire, le goût des choses simples, une enfance sans histoire, une famille unie. Rien ne prédisposait cet homme tranquille de soixante et onze ans à symboliser le retour de son pays à la démocratie. Dans sa jeunesse, Patricio Aylwin semble suivre les traces d'un père avocat et président de la Cour suprême. Il en subit l'influence franc-maçonne, radicale et laïque, prédominante dans le Chili des années 30. L'amitié de Clodomiro Almeyda, qui sera plus tard l'une des principales figures de l'Unité populaire, le rapproche même du socialisme. Il suit les cours à la faculté de droit, devient le premier président de l'Académie juridique, et obtient à l'âge de vingt-cinq ans son diplôme d'avocat. Seul point de rupture d'une existence a priori toute tracée, " Don Patricio " se tourne alors vers le catholicisme, sous l'influence de sa mère. De cette conversion date son entrée en politique au sein de la Phalange nationale, qui regroupe alors tous les jeunes en rupture de ban avec le Parti conservateur. Il garde toutefois de ses anciennes sympathies pour la gauche une certaine sensibilité dont il ne se départira pas. " J'ai toujours été attiré par les idées de progrès et de justice sociale, et me sens donc sur ce point plus près de la gauche que de la droite ", affirme-t-il aujourd'hui. Depuis 1957-date de la fondation du Parti démocrate-chrétien,-on le retrouvera sept fois à la présidence de la formation centriste. Sa carrière politique est des plus classiques. Elu sénateur en 1965, il joue notamment un rôle important dans la rédaction de la loi sur la réforme agraire, approuvée par le gouvernement du président démocrate-chrétien Eduardo Frei. En janvier 1971, après la formation du gouvernement de l'Unité populaire, il accède à la présidence du Sénat et l'abandonne un an plus tard, pour prendre la tête de son parti. Alors alliée avec la droite, la démocratie chrétienne s'oppose avec vigueur au président Allende. Le dirigeant de la démocratie chrétienne cherchera cependant une solution négociée à la crise que connaît le pays. Le coup d'Etat du 11 septembre 1973 rendra vaine cette tentative. Son rôle à cette époque et son attitude favorable à l'instauration du régime militaire lui valent toujours de fréquentes critiques. Il s'en défend en expliquant que " l'extrême polarisation idéologique a conduit la démocratie à sa perte ", et il " regrette que les conversations avec Allende n'aient pu aboutir ", en affirmant que " le coup d'Etat pouvait être évité ". Alliance avec la gauche En 1975, après la rupture entre la démocratie chrétienne et le régime du général Pinochet, Patricio Aylwin entame sa traversée du désert. Ne jouant plus un rôle de tout premier plan, il intègre deux ans plus tard le groupe, dit " des 24 ", qui élabore un projet constitutionnel de retour à la normalité démocratique. Il ne rejoindra la direction de la démocratie chrétienne qu'en 1982, y représentant l'aile " droite " minoritaire, réticente à la mobilisation sociale. Le mouvement de protestation populaire, amorcé en 1983, aboutit à une impasse quatre ans plus tard et Patrico Aylwin se voit ainsi conforté dans son analyse, et se retrouve à la tête du parti. Ironie d'une Histoire qui le bouscule, c'est lui, l' " homme de droite ", qui scellera l'alliance avec la gauche non communiste, et sera, en 1988, le porte-parole de la Coordination pour le " non " lors du plébiscite organisé par le régime militaire. La victoire de l'opposition, le 5 octobre, fait de lui le plus probable candidat à l'élection présidentielle. Il apparaît de plus en plus comme un arbitre et déploie ses talents d'habile négociateur. Sa désignation officielle, au mois d'août dernier, par les dix-sept partis de la Concertation pour la démocratie, consacre son destin national. GILLES BAUDIN, DENIS HAUTIN-GUIRAUT Le Monde du 16 décembre 1989

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