Devoir de Philosophie

Peut-on invoquer la passion en guise d'excuse ?

Publié le 11/08/2005

Extrait du document

..), ils ne peuvent vivre en paix les uns avec les autres. Seule la raison leur fait rechercher le bien commun : leur nature (qui pousse chacun vers ce qu'il juge le plus profitable) s'accorde alors nécessairement. « La raison est, et elle ne peut qu'être l'esclave des passions; elle ne peut prétendre à d'autres rôles qu'à les servir et à leur obéir. «  Hume, Traité de la nature humaine, 1740. « On peut généralement définir [les passions comme] des perceptions, ou des sentiments, ou des émotions de l'âme, qu'on rapporte particulièrement à elle, et qui sont causées, entretenues et fortifiées par quelque mouvement des esprits. « Descartes, Les Passions de l'âme, 1649.Les passions illustrent à merveille les interactions entre l'âme et le corps. Elles résultent en effet, selon Descartes, de l'influence sur l'âme des « esprits animaux «, lesquels sont composés des parties les plus subtiles et les plus agitées du sang. Ces «esprits «, qui sont de nature entièrement corporelle, agissent sur l'âme, alors en proie aux passions. « J'appelle ici passions toutes les émotions que l'âme ressent naturellement à l'occasion des mouvements extraordinaires des esprits animaux.

Pourquoi la passion pourrait-elle être une excuse ? Lorsque l'on a une bonne excuse, c'est que l'on peut faire référence à une cause qui ne vient pas de nous, c'est-à-dire ni de notre jugement ni de notre volonté : avoir une excuse, c'est ne pas être responsable. Or la responsabilité ne peut être conférée qu'à quelqu'un qui est à la fois libre et qui possède tout son jugement, toute sa raison. Il faut donc que analyser en détail le rapport entre passion, jugement (raison), liberté, volonté et moralité. Ne faut-il pas distinguer la "faute" (morale) de l'"erreur" (de jugement) ? Puis-je moi-même invoquer ma passion comme une excuse, ou l'excuse n'a-t-elle de valeur que si c'est quelqu'un d'extérieur qui estime que ma passion peut excuser mes actes ? Pourquoi ?

L'inclination dominante et difficilement maîtrisable peut-elle constituer une raison alléguée pour expliquer ou atténuer une faute ? La passion met-elle à distance la liberté du pour-soi ? Pourquoi la passion pourrait-elle être une excuse ? Lorsque l'on a une bonne excuse, c'est que l'on peut faire référence à une cause qui ne vient pas de nous, c'est-à-dire ni de notre jugement ni de notre volonté : avoir une excuse, c'est ne pas être responsable. Or la responsabilité ne peut être conférée qu'à quelqu'un qui est à la fois libre et qui possède tout son jugement, toute sa raison. Il faut donc que analyser en détail le rapport entre passion, jugement (raison), liberté, volonté et moralité. Ne faut-il pas distinguer la "faute" (morale) de l'"erreur" (de jugement) ? Puis-je moi-même invoquer ma passion comme une excuse, ou l'excuse n'a-t-elle de valeur que si c'est quelqu'un d'extérieur qui estime que ma passion peut excuser mes actes ? Pourquoi ?

 

« Ainsi, un homme qui ne saurait se prémunir des effets dévastateurs de la passion et qui se laisserait aller à des dérives ne trouverait grâce aux yeux de ces philosophes qui font de la raison, universelle et souveraine, lamaîtresse des passions.

Quelle excuse trouver en effet à un homme qui aurait vendu sa maison pour pouvoir réglerses dettes de jeu et continuer à jouer au casino, mettant ainsi sa famille en grande difficulté ? Le bon sens amène àpenser que cet homme aurait dû essayer de se raisonner, de se dominer ou bien de chercher de l'aide pour yparvenir. En somme, dans cette conception, il semble qu'on ne puisse rien construire de positif avec la passion car en échappant au contrôle de la raison, elle représente la porte ouverte à toutes les dérives.

Aucunes de celles-ci nesauraient dès lors être justifiées ou excusées par la passion. 2- Ambiguïté et complexité de la passion S'arrêter à cela semble pourtant insuffisant.

Soit on sous-estime la force de la passion, soit on surestime le pouvoir de la raison.

Dans tout les cas, on nie le caractère complexe et insidieux de la passion, qu'il faut à présentchercher à cerner mieux. Continuant avec l'exemple de la passion du jeu, comme l'ont décrit avec brio des auteurs comme Dostoïevski (Le joueur ) ou encore Stephan Zweig ( 24 heures dans la vie d'une femme ), on doit dire tout d'abord que le joueur n'est pas un simple amateur de sensations fortes irresponsable qui aime être grisé.

C'est au contraire une personnetellement attachée à la passion du jeu qu'elle finit elle-même par ne plus en être que l'illustration.

Son désir dejouer, toujours plus fort, lui procure pourtant une insatisfaction essentielle et permanente, ce qui semblecontradictoire.

En fait, si la réalisation de ce désir ne comble pas le passionné, c'est que ce processus complexe estl'expression du mode d'être par lequel le joueur perçoit le monde et s'y rapporte.

Et cela n'est pas sans souffrance.Étymologiquement, « passion » vient en effet du latin patior , qui signifie « souffrir », « pâtir ».

Ainsi donc, l'homme en proie à la passion vit une situation paradoxale où il sait que ce qu'il fait lui nuit ou va nuire à quelqu'un, mais il nepeut pourtant s'empêcher de le faire.

On peut ici citer la formule paradoxale de Sainte-Beuve, quand il déclare :« l'état de souffrance où je suis continuellement est ma seule excuse ». Juger le comportement d'un homme passionné est donc plus difficile qu'à première vue, et on ne peut à présent plus totalement exclure l'idée que la passion, à défaut d'excuser un acte, peut au moins être unecirconstance atténuante.

Pour s'en convaincre, on peut prendre l'exemple édifiant du crime passionnel.

Le crimepassionnel, même s'il n'a plus d'existence juridique depuis 1791, est en effet différent du crime ordinaire en ce que les acteurs de cette affaire entretiennent une relation amoureuse ou sexuelle.

Il est notable que ce genre de crimesd'amour et de haine a bénéficié de circonstances atténuantes jusqu'en 1975 ! Ainsi, avant cet date, un homme quiaurait trouvé sa femme couchée chez lui avec un autre et qui, hors de lui, l'aurait tuée, n'aurait pas été jugécomplètement responsable ou coupable de cet acte.

Aujourd'hui demeure d'ailleurs encore ancrée dans nosmentalités la certitude que l'amour, la passion ou la jalousie sont des circonstances atténuantes « évidentes », qui entraînent un homme banal à tuer une femme dans un coup de folie (cf.

l'affaire Bertrand Cantat et les réactionscontrastées qu'elle a suscitée).

Nous sommes ici dans un processus dévastateur auquel chaque homme (même un juge !) peut être confronté, bien loin de l'idéal romantique qui prônait l'exaltation de la passion avec la figure del'amoureux, poussé à se dépasser au-delà de lui-même, se rendant ainsi digne de l'amour qu'il réclame. 3- La passion, un déséquilibre qui peut devenir un moteur positif Après ces considérations contrastées sur la passion, demandons-nous tout de même si le déséquilibre causé par la passion peut, in fine , déboucher sur quelque chose de positif. Cela peut sembler curieux, voire paradoxal, mais l'énergie mise par les philosophes évoqués plus haut à combattre la passion et la ferveur avec laquelle ils condamnent ses effets et ses manifestations, ne ressemblent-elles pas elles-mêmes à de la passion, sous les traits d'un amour inconditionnel et irrépressible de la sagesse querien ne peut juguler ? Certes, cette passion inoffensive ne fait pas disparaître les autres, mais elle permet au moins. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles