Que peut-on savoir de soi ?
Publié le 05/03/2005
Extrait du document
«
Par-delà la multiplicité de ses affections, la conscience est ce qui se présente comme quelque chose d'unique.
Levécu peut se présenter sous des formes multiples, les réactions devant des situations diverses, voire identiques,peuvent être différentes, mais en dépit de ces différences, il s'agit de mon expériences, de mon vécu.
La multipliciténe prend sens que sur fond d'unité de la conscience.
Ainsi Descartes, dans la « Deuxième Méditation » reconnaîtqu'il existe des facultés diverses et multiples : l'entendement, la volonté, l'imagination, la sensibilité.
Mais cesfacultés sont toutes déduites à partir de l'unité du cogito.
La conscience s'apparaît donc à elle-même commefondamentalement unique & identique.
Elle joue comme pouvoir unificateur.
C'est cette unité de la conscience quiassure l'accès à la personne.
Kant écrit : « Posséder le JE dans sa représentation : ce pouvoir élève l'hommeinfiniment au-dessus de tous les autres êtres vivants sur la terre.
Par là, il est une personne ; et grâce à l'unité dela conscience dans tous les changements qui peuvent lui survenir, il est une seule et même personne, cad un êtreentièrement différent, par le rang et la dignité, de choses, comme le sont les animaux sans raison, dont on peutdisposer à sa guise.
» (« Anthropologie du point de vue pragmatique »).
4) Le pouvoir de la conscience.
Immédiateté et transparence de la conscience à elle-même assurent la présence du sens.
L'unité de la consciencepermet d'assigner un pôle d'identité à une multiplicité d'actes pourtant différents.
De cela et sur cela on peut fonderle pouvoir de la conscience.
Car la possibilité de référer des actes divers à un même sujet exclut la possibilité derenvoyer la faute sur autrui.
En outre, la claire transparence de la conscience à elle-même exclut la possibilité d'unacte dont le sens échapperait au sujet.
Elle ne saurait toutefois suffire.
Ne tenons-nous pas l'essentiel de ce que nous savons sur nous-même des autres ?Cf.
l'analyse que consacre Sartre dans l'Être et le Néant au sentiment de la honte.
« Imaginons que j'en sois venu, parjalousie, par intérêt, à coller mon oreillecontre une porte, à regarder par le troud'une serrure.
Je suis seul [...] Celasignifie d'abord qu'il n'y a pas de moi pourhabiter ma conscience.
Rien donc, à quoije puisse rapporter mes actes pour lesqualifier.
Ils ne sont nullement connus,mais je les suis et, de ce seul fait, ilsportent en eux-mêmes leur totalejustification.
Je suis pure conscience deschoses [...].
Cela signifie que, derrièrecette porte, un spectacle se proposecomme « à voir », une conversationcomme « à entendre ».
La porte, la serruresont à la fois des instruments et desobstacles : ils se présentent comme « àmanier avec précaution » ; la serrure sedonne comme « à regarder de près et unpeu de côté », etc.
Dès lors « je fais ceque j'ai à faire » ; aucune vuetranscendante ne vient conférer à mesactions un caractère de donné sur quoi puisse s'exercer un jugement : maconscience colle à mes actes, elle est mes actes ; ils sont seulement commandéspar les fins à atteindre et par les instruments à employer.
Mon attitude, parexemple, n'a aucun « dehors », elle est pure mise en rapport de l'instrument (troude la serrure) avec la fin à atteindre (spectacle à voir), pure manière de meperdre dans le monde, de me faire boire par les choses comme l'encre par unbuvard [...].
Or voici que j'ai entendu des pas dans le corridor : on me regarde.Qu'est-ce que cela veut dire ? C'est que je suis soudain atteint dans mon être etque des modifications essentielles apparaissent dans mes structures [...].
D'abord, voici que j'existe en tant que moi pour ma conscienceirréfléchie.
C'est même cette irruption du moi qu'on a le plus souvent décrite : jeme vois parce qu'on me voit, a-t-on pu écrire [...] ; pour l'autre je suis penchésur le trou de la serrure, comme cet arbre est incliné par le vent.
[...] S'il y a unAutre, quel qu'il soit, où qu'il soit, quels que soient ses rapports avec moi, sansmême qu'il agisse autrement sur moi que par le pur surgissement de son être, j'aiun dehors, j'ai une nature ; ma chute originelle c'est l'existence de l'autre.
».
»
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