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La prudence est-elle la vertu du juge ?

Publié le 26/07/2005

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En 1804, Portalis écrivait que les lois « sont des actes de sagesse de justice et de raison. Mais force est de constater que le langage jurique contemproian ne se réfère plus gère à la sagesse. La prudence est une sagesse pratique, c'est ainsi qu'elle est définie notamment par les philosophes antiques. Mais qu'est-ce que cela signifie ? La prudence, plus simplement, est le savoir du bon choix. Le prudent est l'homme qui excelle dans la préférence des choses bonnes et utiles en vue de la fin qu'il s'est donné. Autrement dit, la prudence pourrait se définir comme l'excellence, c'est-à-dire la vertu, de la faculté de juger. Dans ce cas, il semble bien alors que le juge en serait le paradigme puisque comme son nom l'indique il est celui est l'organe de la justice et qui exerce dont sa faculté de juger, et son discernement dans chaque affaire qu'il juge. Pourtant, le juge n'est pas qu'un simple organe de la loi, celui qui doit juger des punitions et des sanctions contre ceux qui enfreignent la loi ? En ce sens, on ne demanderait pas tant au juge de faire preuve de prudence que de bien suivre la lettre de la loi. Ainsi compris le juge ne serait qu'une rouage de la machine étatique. Il n'aurait donc tant à faire des choix qu'à simplement réclamer réparation en fonction de la loi et à établir la sanction. La vertu du juge serait alors celle de l'obéissance. Le juge n'est bien qu'un fonctionnaire au service de l'Etat. Pourtant bien que le choix de la sanction soit une part du jugement et affaire de choix il n'en reste pas moins que cette vertu ne serait pas première. La prudence serait seulement du côté du législateur produisant la loi. Mais ne serait-ce pas méconnaître ici le rôle et les prérogatives du juge ? En effet, le juge aussi peut par ses décisions faire force de loi comme c'est le cas de la jurisprudence. Or on le remarque même dans la formation étymologique du mot : la « jurisprudence » est bien une prudence juridique, c'est-à-dire celle du juge. En ce sens, nous serions obligé de reconnaître au juge un vertu ou la nécessité d'une vertu prudentielle. Or c'est bien là que le questionnement du sujet prend tout son sens et toute son envergure à l'aune de l'interrogation : « la prudence est-elle la vertu du juge ? » En ce sens, s'il s'agit de déterminer si le juge peut être cet homme prudent faisant de bons choix en vertu d'une règle droite, il faudra alors aussi s'interroger pour savoir si la prudence est bien le propre du juge ; si le juge est un prudent en soi. Ainsi, si à l'aune d'une définition classique du juge, nous serons peut-être amené à refuser au juge ce caractère prudentiel lui préférant une autre vertu (1ère partie), sans doute qu'à l'aune d'un fonctionnement réel de la justice nous serons amenés à voir notamment à grâce à la jurisprudence que le juge a bien une vertu de prudence (2nd partie), nous conduisant alors à discuter du caractère paradigmatique du juge en tant qu'homme prudent, c'est-à-dire à nous interroger pour savoir si la prudence est bien la vertu en soi du juge ou s'il ne faut lui en préférer une autre plus adapté à sa fonction (3ème partie). Par ailleurs, il est évident que nous raisonnerons sur le juge en tant que type, c'est-à-dire en tant que fonction et non pas à travers un exemple particulier qui ne saurait avoir valeur universelle.

« n'être que « la « bouche qui prononce les paroles de la loi ».

En ce sens, reflet de la loi, il n'est qu'une fonction, sonlibre choix n'existe quasiment pas.

Et cela se comprend dans le fait que le juge n'est pas le législateur c'est-à-direcelui qui fait la loi.

Il y a, et c'est là la grande innovation de Montesquieu et une formidable critique du pouvoirabsolutiste, séparation entre les pouvoirs, c'est-à-dire entre le pouvoir législatif, exécutif et judiciaire.

En ce sens,on ne demande pas au juge de porter des jugements sur la loi ou encore moins de faire des lois.

Sa fonction selimite à porter des sentences contre les contrevenants à la loi.

On ne voit pas donc en quelle circonstance le jugepourrait être acte de prudence ou définir un bon choix.

On pourrait cependant évoquer le cas de la condamnation etde la fixation de la peine.

Mais tel que l'entend Montesquieu, la loi fixe aussi l'échelle des peines et en ce sens, lejuge se distingue moins par le choix qu'il pourrait faire que par son application quasi mécanique de la loi : il est unrouage de l'Etat.c) Et c'est bien ce que l'on trouve concrètement dans le Code civil français dès le début puisque dans l'article 5 il est clairement établi que : « Il est défendu aux juges de prononcer par voie de disposition générale etréglementaire sur les causes qui leur sont soumises ».

En ce sens, la loi n'est pas fixée par le juge.

Il ne se substituepas au législateur.

On lui demande alors moins de faire un choix que d'être obéissance.

Cela signifie que la décisiond'un juge ne saurait faire règle de loi à l'avenir sur le sort d'une question de droit et ne s'applique en principe qu'àl'affaire jugée.

Le juge n'a pas dans sa décision de caractère normatif ce qui explique que la vertu de prudence nesoit pas nécessaire pour lui, ni son apanage.

Pourtant, et c'est bien là que le problème semble se compliquer :comme le montre l'article 4 du Code civil français, il ne peut y avoir de déni de justice c'est-à-dire que le juge doittoujours rendre un décision même si la loi est sur ce point est silencieuse : « le juge qui refusera de juger, sousprétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni dejustice ».

Même dans le silence de la loi, le juge doit prendre alors une décision.

Mais n'est-ce pas alors faireréférence à une valeur prudentielle et normative du juge ? Transition : Ainsi si compte tenu de la définition de la prudence que nous avons produite il apparaît qu'en raisons desattributions du juge ce dernier n'a pas la vertu de prudence en tant qu'il est l'organe de la loi et qu'il ne doit qu'enproduire l'application, il apparaît manifestement que le juge ne peut être qu'un simple rouage de la loi comme lemontre clairement la confrontation de l'article 4 et de l'article 5 du Code civil français.

Et c'est notamment à traversla question du déni de justice que se repose la question de la vertu de prudence du juge en l'exercice réel de safonction, notamment dans le silence de la loi.

II – Le juge comme homme prudent : paradigme de la jurisprudence a) En effet, la fonction de juger ne se réduit pas voire rarement à une application mécanique et cela parce quecomme on peut le voir dans l'Article 1353 du Code civile belge faisant allusion à la prudence qui quand il dispose : « les présomptions qui ne sont point établies par la sont, sont abandonnées aux lumières et à la prudence dumagistrat […] ».

Il est clairement fait référence ici à la notion de prudence, c'est-à-dire à la sagesse pratique dujuge au cas où ce dernier devrait avoir à trancher dans le silence de la loi.

En effet, la loi ne peut pas avoir prévutous les cas de figures et c'est bien pour cela que la jurisprudence existe.

La jurisprudence peut se comprendre soitcomme une habitude à juger, c'est-à-dire que la doctrine du droit est marquée par une tendance à tranchertoujours dans le même sens ; soit dans des cas exceptionnel.

Ainsi, le jugement est laissé au soin de la consciencedu juge en fonction non plus de la lettre de la loi, qui ici est muette, mais bien en fonction de l'esprit de la loi.

Etc'est en ce sens que l'on peut parler d'une prudence du juge.

En effet, c'est déjà ce que Portalis mettait en avance alors même qu'il est l'un des principaux rédacteurs du Code civil français sous Napoléon dans son Discours préliminaire sur le Projet de Code civil : « Un code, quelque complet qu'il puisse paraître, n'est pas plutôt achevé, que mille question inattendues viennent s'offrir aux magistrats.

Car les lois une fois rédigées demeurent tellesqu'elles ont été écrites.

Les homme, au contraire, ne se reposent jamais ; ils agissent toujours : et ce mouvement,qui ne s'arrête pas, et dont les effets sont diversement modifiés par les circonstances, produit, à chaque instant,quelque combinaison nouvelle, quelque nouveau fait, quelque résultat nouveau.

Une foule de choses sont doncnécessairement abandonnées à l'empire de l'usage, à la discussion des hommes instruits, à l'arbitrage des juges.L'office de la loi est de fixer, par de grandes vues, les maximes générales du droit : d'établir des principes fécondsen conséquences, et non de descendre dans le détail des questions qui peuvent naître sur chaque matière.

C'est aumagistrat et au jurisconsulte, pénétrés de l'esprit général des lois, à en diriger l'application.

De là, chez toutes lesnations policées, on voit toujours se former, à côté du sanctuaire des lois, et sous la surveillance du législateur, undépôt de maximes, de décisions et de doctrine qui s'épure journellement par la pratique et par le choc des débatsjudiciaires, qui s'accroît sans cesse de toutes les connaissances acquises, et qui a constamment été regardé commele vrai supplément de la législation.

» b) Ainsi comme le remarque Kelsen dans sa Théorie pure du droit nous avons affaire ici au double statut du juge qui est à la fois un simple organe de la loi et peut par sa prise de décision juridictionnelle faire œuvre de législateursur un point précis.

Dès lors le juge officie bien en se référant à l'esprit de la loi, c'est-à-dire en faisant référence àdes normes supérieures de juridiction de la loi comme cela peut être le cas avec la constitution.

Or c'est bien ce quenous pouvons remarquer ici avec l'arrêt rendu par le Conseil d'Etat de 1995 pour la commune de morsang-sur-orgefaisant référence à la dignité humaine.

En effet, il a été reconnu impossible et interdit à des nains de faire leshommes-canons en raison de leur petite taille car cela portait atteinte à la dignité de la personne et la dignitéhumaine.

Plus exactement par l'arrêt « Commune de Morsang-sur-Orge » , le Conseil d'État a considéré que lerespect de la dignité de la personne humaine devait être regardé comme une composante de l'ordre public.

Le maire. »

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