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Les sciences de l'homme suffisent-elles à connaître l'homme ?

Publié le 16/02/2004

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Dès lors peut se poser la question du relais qu'elles constitueraient relativement à la « connaissance « de l'homme traditionnellement proposée par la philosophie. Suffisent-elles pour assurer ce relais ?

[I. Apports des sciences humaines]

a. Rappeler quelques acquis : repérage plus précis du devenir humain grâce à l'histoire ; meilleure compréhension des fonctionnements mentaux - normaux ou pathologiques - grâce à la psychologie ; renseignements d'origine sociologique sur les structures et les fonctionnements de la société, etc. Question : cet amas d'informations venant de disciplines diverses peut-il constituer une connaissance de l'homme dans sa globalité ?

b. Souligner la diversité des sciences humaines et de leurs points de vue (entre les principales, on peut toujours concevoir de nouvelles disciplines intermédiaires, plus spécialisées). Comment harmoniser ces points de vue ? Risque : n'existe-t-il pas un homme-pour-l'historien, un homme-pour-le-psychologue, un homme-pour-le-sociologue, etc.

• Quel sens donner à l'expression « connaître l'homme « ? • La question elle-même (« suffisent-elles «) paraît appeler une réponse négative, mais on prendra soin de signaler quels sont les apports des sciences humaines. • Si l'on prétend « connaître l'homme « de façon intégrale, que peut-on faire intervenir en plus des sciences humaines ?

« a.

Kant a d'avance marqué les limites d'une approche scientifique de l'homme.Dans ses réflexions sur ce que peut être une anthropologie, il distingue entrele caractère empirique (soumis à diverses causalités) et le caractère rationnel(qui définit les lois de la conduite humaine) de l'homme.

Pour le premier, lascience est possible, mais pas pour le second.

Les sciences humainescorrespondent ainsi à ce que Kant nommait « anthropologie pragmatique »(concernant le caractère empirique), mais elles laissent de côté la liberté enacte et les valeurs (domaine de l'anthropologie philosophique, même lorsque,le devinant, elles remplacent l'explication par la compréhension (cf.

Dilthey ouMax Weber). Déterminisme et liberté chez Kant Le projet fondamental : rendre possible la coexistence du déterminismeaffirmé par la science et de la liberté revendiquée par la conscience.Le progrès de la connaissance scientifique et l'extension de la méthodeexpérimentale à tous les domaines, en particulier à l'étude de l'homme,placent au XVIIIe siècle la réflexion philosophique devant un dilemme : ou bienla science est capable de rendre compte de la totalité du réel et parconséquent de reconnaître un caractère strictement déterminé aux penséeset aux actes de l'homme, ce qui revient à nier la liberté et à faire de la moralité une illusion ou une mystification, ou bien la science renonce à prendre l'homme pour objet d'étude ; elle seborne à inventorier les lois de l'univers matériel, du monde des objets, limitation qui autorise l'affirmation de la libertéet l'existence de la moralité. La première thèse avait déjà été soutenue au XVIIe siècle par Spinoza : « l'homme n'est pas un empire (de liberté)dans un empire (de nécessité) »...

« La liberté que tous les hommes se vantent d'avoir consiste en cela seulementqu'ils sont conscients de leurs actes et ignorants des causes qui les déterminent». La seconde thèse avait été soutenue par Descartes.

La science a pour seul objet la matière, l'étendue; l'esprit, lapensée lui échappent.

Mais ce dualisme s'il sauve sa liberté ne rend pas vraiment compte de l'existence humaine :l'homme n'est ni une âme, ni une pensée : l'observation montre qu'il est impossible de faire abstraction du corps. La philosophie des Lumières avait radicalisé cette contradiction : la philosophie ne peut être que Spinoziste ouirrationnelle.

D'autre part, il n'est aucune raison sérieuse d'interdire à la science d'étendre le champ de, sesinvestigations : pourquoi l'homme et l'homme seul, échapperait-il aux techniques de la méthode expérimentale?Cependant il est impossible de ne tenir aucun compte de cette certitude qu'éprouve tout homme, du plus inculte auplus savant, que son existence ne se réduit pas à celle d'un morceau quelconque de matière : si j'agis, c'est parceque je me représente un but non encore donné, c'est aussi parce que je dois agir d'une certaine façon plutôt qued'une autre.

La conscience d'un devoir-être réduit à néant la thèse qui voit dans la liberté une simple illusion.

Enbref, il est impossible de limiter le champ d'investigation de la science, mais on ne peut pas davantage nier la liberté. La question centrale de la préface de la 2e édition de la Critique de la Raison Pure formule précisément et de façonradicale ce dilemme : « Comment du même être, par exemple de l'homme, pourrais-je dire que sa volonté est libre etqu'en même temps elle est soumise à la nécessité physique, c'est-à-dire qu'elle n'est pas libre, sans tomber dansune contradiction manifeste? » Ce dilemme a été mis en relief par le succès des sciences positives, qu'il est impossible, à moins d'irrationalisme,voire de mysticisme, de nier. La solution kantienne sera donnée par la Critique de la Raison Pure théorique : la science porte sur les phénomènes,non sur les choses en soi.

Connaître, ce sera saisir les liaisons nécessaires des phénomènes et la connaissance estrendue possible par la structure même de l'esprit humain. b.

L'homme ne subit pas seulement l'existence : il la réfléchit — d'où ses questions métaphysiques (cf.

Gauguin : «Qui sommes-nous ? D'où venons-nous ? Où allons-nous ? »).

Toute approche scientifique, par définition, ignore lasource d'un tel questionnement (cf.

la loi des trois états de Comte : ce n'est qu'en renonçant aux questions sur lescauses premières ou finales que la science se constitue), et laisse de côté, non seulement la dimensionmétaphysique de l'être humain, mais sa racine même. [Conclusion] Historiquement, la formation des sciences humaines s'effectue au moment du développement capitaliste et de larecherche de l'efficacité maximale.

Si elles pouvaient connaître intégralement l'homme, elles fourniraient la possibilitéde le diriger parfaitement (et les régimes totalitaires s'accompagnent d'une prétention à savoir ce que doit êtrel'homme).

Que l'être humain ne puisse élaborer à son propos une connaissance aussi stricte que celle qu'il a dumonde extérieur, c'est aussi la garantie de sa liberté.. »

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