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Suffit-il d'avoir des opinions pour penser ?

Publié le 25/03/2004

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(D3) Quelle exigence conduit à soumettre à la pensée la formation des opinions ? (D4) L'enjeu de la question : comment concevoir la pensée comme autonomie du jugement ? - D2. Comment rendre compte de l'existence d'opinions qui ne résultent pas de la pensée ? Il s'agit de réfléchir, notamment, sur les facteurs de conditionnement dont relève l'existence d'opinions non réfléchies. Quelques points de repère pour l'étude de ce problème. Descartes : l'enfance, « âge des préjugés » (soumission au témoignage des sens, à l'autorité des précepteurs, aux impressions d'un vécu singulier). Marx : le rôle des idées dominantes, des valeurs idéologiques véhiculées par la conscience collective et l'éducation. Freud : résistances et valorisations inconscientes liées à la biographie personnelle, aux culpabilisations, etc. Thème de synthèse : l'ignorance déguisée en savoir ; le préjugé aveugle à sa propre cause.

« Discussion : Si l'opinion est précisément pour les philosophes un des obstacles principaux dans la recherche de la vérité, c'est bien parce qu'elle ne pense pas.

Elle nefait que suivre un courant, suivre une mode.

Ainsi celui qui pense s'inscrit dans la volonté de se défaire des préjugés et de l'opinion commune afin de luttercontre une pensée de masse, au profit d'une pensée individuelle.

Suggestion de plan : Première partie : l'opinion ne pense pas.

L'opinion est synonyme de préjugé, d'idée toute faite, elle est colportée par l'échange courant et banal entre les individus.

Elle ne présuppose donc aucuneinformation, aucune pensée véritable, elle ne repose souvent que sur l'habitude, la tradition, voire le vide.

« Le mensonge et la crédulité s'accouplent etengendrent l'Opinion.

» Mélange (1939) Paul, Valéry. L'opinion n'étant le fruit, ni de la réflexion, ni d'une médiation approfondie, elle n'appartient donc pas à la catégorie de la pensée, elle semble bien plusaffective que méditative : « Ce n'est pas l'esprit qui fait les opinions, c'est le coeur.

» Essai sur les causes qui peuvent affecter les esprits et les caractères Montesquieu.

En ce sens, elle ne correspond pas à la même démarche de l'esprit humain : « L'opinion pense mal; elle ne pense pas : elle traduit des besoins en connaissances.

En désignant les objets par leur utilité, elle s'interdit de les connaître.

On ne peut rien fonder sur l'opinion : il faut d'abord la détruire.

»Ces considérations de Bachelard montrent que l'opinion n'est pas la résultante de la pensée et qu'avoir des opinions et penser sont bien deux mouvementsopposés de l'esprit.

La première est l'émanation d'un jugement hâtif et souvent superficiel tandis que le savoir oblige, par un cheminement assidu et logique,à trouver réponse à une interrogation laissée suspendue.

Ainsi, si penser c'est avoir des opinions, alors il n'y a en vérité pas de réelle pensée.

Deuxième partie : combattre l'opinion au profit de la pensée.

La tâche du philosophe consiste donc à combattre les erreurs que recèle un jugement hâtif et pourtant souvent très répandu.« Il faut appeler philosophes ceux qui s'attachent en tout à l'essence, et non amis de l'opinion.

» La République , 480a P laton.

Cette attitude est difficile, exigeante, et s'oppose à la paresse de l'esprit ou à la facilité qui vont avec la diffusion de paroles creuses.« Si nous désirons vaquer sérieusement à l'étude de la philosophie et à la recherche de toutes les vérités que nous sommes capables de connaître, nousnous délivrerons en premier lieu de nos préjugés, et ferons état de rejeter toutes les opinions que nous avons autrefois reçues en notre créance, jusqu'à ceque nous les ayons derechef examinées.

» Descartes, Principes de la philosophie , 1644. Nous sommes tous plus ou moins imprégnés de cette opinion qui nous fait parfois parler à tort et à travers, si bien que Descartes choisit une méthodesystématique qui consiste à chercher tout ce qu'il sait véhiculer d'idées reçues et non discutées : « Si cela pouvait être, je m'appliquerais sérieusement etavec liberté à détruire généralement toutes mes anciennes opinions.

» Le discours de la Méthode, Descartes. Troisième partie : l'opinion est l'obstacle à toute pensée.

L'aliénation provient de la répétition.

Répéter c'est s'enfermer sans prendre le moindre recul dans des propos dont les implications peuvent être graves ycompris pour nous-même.

L'absence de vérification conduit à perpétrer l'erreur et contredit en ce sens l'épanouissement de chacun dans la vérité.« La science, dans son besoin d'achèvement comme dans son principe, s'oppose absolument à l'opinion.

» Bachelard, La Formation de l'esprit scientifique , 1938.« L'opinion, écrit Bachelard, pense mal, elle ne pense pas : elle traduit des besoins en connaissances.

En désignant les objets par leur utilité, elle s'interditde les connaître.

On ne peut rien fonder sur l'opinion, il faut d'abord la détruire.

Elle est le premier obstacle à surmonter.

» .

En somme, l'opinion est faussepar nature et non pas par accident, elle se fonde sur l'intérêt et plus généralement sur des critères autres, que ceux que doit mobiliser la vérité.

On comprend ainsi comment la connaissance scientifique peut stagner du fait du maintien d'un certain nombre de préjugés.« La science et son objet diffèrent de l'opinion et de son objet, en ce que la science est universelle et procède par des propositions nécessaires [...].L'opinion s'applique à ce qui, étant vrai ou faux, peut être autrement qu'il n'est.

» A ristote, Seconds Analytiques . Combattre l'opinion n'est donc pas contraire à la liberté de penser, on pourrait même considérer que c'est un appel plus pressant encore à l'affirmation decette liberté."La vérité doit toujours avoir l'avantage, quoique nouvellement découverte, puisqu'elle est toujours plus ancienne que toutes les opinions qu'on en a eues,et que ce serait ignorer sa nature que de s'imaginer qu'elle ait commencé d'être au temps qu'elle a commencé d'être connue.

" Pascal, Sur le traité du vide . Cette lutte implique d'ailleurs un courage moral de grande ampleur puisque l'opinion souvent dominante déploie de grands moyens pour préserver sa forcepersuasive.

Elle est ce sur quoi reposent bien des régimes et le pouvoir a souvent un intérêt majeur à la pérenniser. "On la nomme (l'opinion) la reine du monde ; elle l'est si bien, que quand la raison veut la combattre, la raison est condamnée à mort." Voltaire, Dictionnaire philosophique , 1764. Conclusion : Accéder à la pensée, c'est se dégager de l'opinion, formuler une pensée personnelle et véritable, mais comme le dit Schopenhauer avec ironie :« Ne combattez l'opinion de personne; songez que, si l'on voulait dissuader les gens de toutes les absurdités auxquelles ils croient, on n'en aurait pas fini,quand on atteindrait l'âge de Mathusalem.

» Aphorismes sur la sagesse dans la vie (1851).

Le règne de l'opinion semble universel, et surtout le principal obstacle à la pensée.. »

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