Devoir de Philosophie

Le travail fonde-t-il le droit de propriété ?

Publié le 28/02/2004

Extrait du document

travail

Mais, avant de nous engager dans ce délicat problème, il sera bon de nous demander quelles sont les fonctions essentielles du travail et de la propriété. L'individualisme régnant depuis près de deux siècles a répandu une conception individualiste du travail et de la propriété : on travaille et on est propriétaire pour soi. De nos jours, une réaction puissante et rapide complète cette conception étroite : si le travail et la propriété ont une fonction individuelle, ils ont aussi une fonction sociale et surtout une fonction familiale. Inutile de le dire, la première raison du travail est sa nécessité vitale : il faut manger pour vivre, et, si on ne travaille pas, on risque bien de manquer de nourriture. D'ailleurs, le travail n'est pas moins nécessaire au développement mental et moral : ce ne sont pas les peuples qu'une nature clémente dispense du souci de l'alimentation qui sont à la tête du progrès; au contraire, leur insouciance même les fixe au stade d'une perpétuelle enfance. C'est dans le travail que l'intelligence se développe,, que la volonté se fortifie et que s'achève le type humain reçu à l'état d'ébauche à la naissance. La propriété se présente comme un corollaire du travail : elle assure à l'individu le fruit de ses efforts (dans un pays où les champs seraient à tous, comment garantir sa récolte à celui qui aurait semé ?), elle constitue une réserve pour le jour où le fruit du travail ne suffirait pas à lui fournir sa subsistance; enfin, le désir de posséder ou d'augmenter ses biens est un stimulant au travail que rien ne peut remplacer. Mais c'est bien plus pour sa famille que pour lui-même que l'homme travaille et qu'il cherche à se constituer une propriété : le travail et la propriété sont essentiellement des fonctions familiales. L'individu ne se suffit pas.

 

  • I. — Accord général sur la thèse.

  • II. — Le travail ne peut fonder un droit absolu.

A) COMMENT LA PROPRIÉTÉ SE FONDERAIT SUR LE TRAVAIL. B) DISCUSSION. a) Valeur pratique de l'argument.

b) Son insuffisance.

  • III. — Rapports justes du travail et de la propriété.

A)  Justification de la propriété par son usage. B)  Contrôle légitime de l'État sur la propriété.

C) L'appropriation mesurée sur le travail. D) La propriété avant le travail.

 

travail

« mental et moral : ce ne sont pas les peuples qu'une nature clémente dispense du souci de l'alimentation qui sont àla tête du progrès; au contraire, leur insouciance même les fixe au stade d'une perpétuelle enfance.

C'est dans letravail que l'intelligence se développe,, que la volonté se fortifie et que s'achève le type humain reçu à l'étatd'ébauche à la naissance.La propriété se présente comme un corollaire du travail : elle assure à l'individu le fruit de ses efforts (dans un paysoù les champs seraient à tous, comment garantir sa récolte à celui qui aurait semé ?), elle constitue une réservepour le jour où le fruit du travail ne suffirait pas à lui fournir sa subsistance; enfin, le désir de posséder oud'augmenter ses biens est un stimulant au travail que rien ne peut remplacer.Mais c'est bien plus pour sa famille que pour lui-même que l'homme travaille et qu'il cherche à se constituer unepropriété : le travail et la propriété sont essentiellement des fonctions familiales.L'individu ne se suffit pas.

Il se ente nécessairement sur une famille qui est la véritable cellule de la société.

Aussiest-il instinctivement porté à chercher le bien de cette cellule, dût-il se sacrifier lui-même, et la raison approuve cetinstinct qui porte au détachement et à la pratique des vertus sociales.

Ce n'est pas la pensée de sa propresubsistance qui préoccupe l'ouvrier; il songe surtout aux petits qu'il faut faire vivre, éduquer et établir.

C'estpourquoi le travail étant une fonction familiale, sa rémunération, elle aussi, doit être familiale : il convient que lesalaire soit proportionné au nombre de ceux qu'il doit faire vivre.Héritée des parents qui l'ont transmise à leurs enfants où acquise grâce aux économies réalisées sur l'emploi d'unsalaire destiné à l'entretien d'une famille, la propriété, elle aussi, a une fonction familiale.

Dans la majorité des cas,en particulier chez les paysans, une propriété est le fonds sur lequel une famille travaille de père en fils; par là, elleest le symbole permanent de la continuité familiale, et l'on comprend le serrement de coeur du père consciencieuxqui est acculé à l'aliénation d'un bien de famille de ce genre : il lui semble que la famille elle-même disparaît avec lui.Quant aux autres propriétés qui n'ont pas cette valeur de symbole, elles, restent familiales par leur destination :elles ont pour but d'assurer l'avenir, en particulier l'avenir des enfants.

Aussi le chef de famille doit-il se considérerplutôt comme l'administrateur des biens familiaux que comme un maître absolu; et elles 'seraient sages les lois quigarantiraient les propriétés familiales contre les abus de gestion de pères indignes.Mais la cellule familiale est intimement liée à des collectivités plus grandes : le village, la profession, qui se groupentelles-mêmes dans une société plus vaste, la nation, l'ensemble des nations constituant la société humaine.

C'est aubien de la nation et de l'humanité entière que doivent contribuer le travail et la propriété.La famille ne peut pas se replier sur elle-même en se retranchant derrière le grand principe individualiste : chacunpour soi.

Au contraire, quand on a conscience de la dignité de l'homme, on a comme devise : chacun pour tous.Sans doute, l'ordre naturel est de subvenir d'abord à ses besoins et aux besoins de ses proches; mais, dans lamesure de leur pouvoir, le travailleur et le propriétaire ont à leur charge l'humanité entière.

On ne donne pas auxcélibataires le produit intégral de leur travail : une fraction importante est retenue pour les allocations familiales.

Demême le fisc prélève une part notable des revenus encaissés par le propriétaire pour assurer les services générauxde la nation.

La fonction sociale du travail et de la propriété s'accuse de jour en jour .

ainsi se corrigent peu à peules erreurs de l'individualisme des dernières générations. *** Une autre conséquence néfaste du libéralisme individualiste qui a régi l'économie européenne au siècle dernier a étéle divorce entre la propriété et le travail.

Normalement, le travailleur doit exploiter son propre fonds; le propriétaire,s'occuper à faire produire ses terres ou son atelier.

Or que voyons-nous depuis plus de cent ans ? Si la petiteentreprise agricole subsiste grâce à l'attachement du paysan au sol et à sa résistance à la fatigue, il n'en est pasde même du petit atelier dont le chef travaillait jadis avec les siens ou avec un tout petit nombre d'ouvriers.

Lapetite entreprise a disparu; l'entreprise moyenne est progressivement absorbée par ces firmes géantes qui aspirentau monopole de la production, L'artisan est devenu ouvrier, à moins que, plus habile ou moins honnête, il n'ait réussià devenir industriel et à passer de l'autre côté de la barricade.

Le résultat est la division du monde de la productionen deux groupes fort inégaux : d'un côté, la propriété capitaliste, entre les mains d'un petit nombre de privilégiés;de l'autre, la masse que constitue le prolétariat salarié.

Les premiers, grâce aux dividendes qu'ils encaissent,peuvent mener une vie large dans une oisiveté qui scandalise les travailleurs.

Ces derniers ne peuvent guèreespérer, après une vie de travail, laisser à leurs enfants une situation sensiblement améliorée et la propriété d'unbien familial.

Aux uns il manque le travail bienfaisant; aux autres, la dignité et la sécurité que donne le sentimentd'avoir des biens au soleil.Il faudrait faire en sorte de revenir à l'ordre naturel : que quiconque est capable de fournir un travail utile assure unservice dans l'organisation sociale, que le travailleur puisse facilement devenir propriétaire et que soit assurée latransmission héréditaire de la propriété familiale.Pour cela, il est à souhaiter que se multiplie la petite propriété, que se reconstitue la petite entreprise artisanale.

Onobjectera peut-être le moindre rendement de ces modestes ateliers incapables d'acquérir les puissantes machinesqu'on voit dans les usines.

Mais, dans bien des cas, ce moindre rendement sera compensé par l'application del'ouvrier qui sait qu'il travaille pour lui seul, et qui, par suite, est attentif à ne pas perdre un instant, à économisermatière première et énergie électrique.

D'ailleurs, produire n'est pas le but dernier de la vie, et, si une augmentationde production doit déshumaniser la vie du travailleur, il faut y renoncer.On ne peut, sans doute, pas espérer voir se fermer un jour les grandes fabriques, remplacées par de petits ateliersfamiliaux.

Mais jusque dans des usines aussi importantes qu'une ville, on peut faire quelque chose pour atténuer lacondition prolétarienne de ceux qui y travaillent.

En accordant à chaque atelier, ainsi qu'il a été fait avec succès,une certaine indépendance administrative et financière, la grande entreprise se transforme en une fédérationd'entreprises plus modestes qui rappellent l'atelier de village.

En faisant participer l'ouvrier aux bénéfices, on lui ôteral'impression de n'avoir aucun intérêt à la prospérité de l'usine où il travaille.

Mais l'idéal serait de voir l'ouvrieractionnaire de la société qui l'a embauché, en sorte qu'il puisse avoir l'impression de travailler chez lui.

Si cette. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles