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La vérité est-elle toujours de l'ordre du discours ?

Publié le 12/07/2004

Extrait du document

discours

Le mot vérité est polysémique, c'est-à-dire qu'il présente plusieurs sens: la vérité est ce qui dit le vrai, ce qui est en accord avec le réel, ce qui n'implique pas contradiction. Où donc est le vrai ? Ici, le sujet nous demande si la vérité se situe dans le discours, le discours étant l'expression verbale de la pensée, c'est-à-dire la parole. La vérité peut-elle s'exprimer d'une autre façon que par et dans le langage? C'est un sujet assez difficile. Platon écrivait que « philosopher, c'est chercher la vérité avec toute son âme «, avec toute sa conscience et sa raison critique. Peut-on définir la philosophie comme la pensée qui dit la vérité ? Platon utilise, comme moyen d'accès à la vérité, la méthode dialectique, qui est l'art de remonter de définition en définition jusqu'à l'Idée vraie, jusqu'aux essences. Étymologiquement, la dialectique est l'art de discuter. Ainsi, le terme de vérité ne semble pouvoir s'appliquer qu'à l'ordre du discours. La vérité se montrerait donc dans un domaine particulier qui est le genre du discours, c'est-à-dire du langage, de la parole. La pensée discursive est un raisonnement qui tire une proposition d'une autre proposition, par une série de raisonnements successifs. Elle atteint son but en passant par une série d'opérations intermédiaires, contrairement à l'intuition qui atteint son but immédiatement, c'est-à-dire sans intermédiaire. Le logos grec est à la fois parole et raison. Le discours est donc l'expression de la pensée rationnelle. Le discours peut être banal, scientifique, philosophique. Mais ne trouve-t-on la vérité que dans l'énonciation, que dans la formulation écrite ou parlée de notre pensée aux autres ou à soi-même ? « Se tenir discours à soi-même est juger «, dit  Platon. Seul l'homme pense et parle. Le langage est le « révélateur de la raison «. On dispose du langage pour exprimer sa pensée, pour répondre à tout nouveau contexte. Non seulement le langage exprime la pensée, mais il enseigne « la présence de l'homme en tout homme «, comme le dit P. Guénancia, quelles que soient les inégalités, et même jusque dans la folie. Ainsi, la vérité, si elle existe, ne peut être que de l'ordre du logos, du discours. Il n'y a pas de pensée sans langage : « C'est dans les mots que nous pensons «, dit Hegel. Le langage semble nécessaire à la pensée conceptuelle. Mais toute pensée est-elle conceptuelle ? N'y a-t-il pas de pensée indépendante du discours ? Si la vérité est de l'ordre du discours, le discours dit-il toujours, ou est-il capable d'énoncer toujours la vérité ? (Pensez aux discours des sophistes, les grands ennemis de Platon ; pensez à Bergson pour qui le langage est même destructeur, car il déforme, décompose notre richesse intérieure par sa généralité, et nous éloigne des choses.) L'intuition, ce mode de connaissance sans intermédiaire, nous fait pénétrer au coeur des choses. Mais pour qu'il y ait vérité, il faut qu'il y ait communication avec autrui, accord. La vérité, si elle existe, ne peut qu'être universelle, et doit donc passer par le discours. Penser vraiment, c'est donner un sens aux mots que l'on emploie. Comme le dit Saint-Exupéry, « la vérité, c'est le langage qui dégage l'universel «. La vérité est toujours de l'ordre du discours, en ce sens qu'elle suppose un accord de tous les esprits sur le contenu qu'il faut donner aux mots. C'est la première demarche philosophique, celle de Platon. 

   La question au centre de notre travail sera donc de déterminer si la vérité est nécessairement de l’ordre du discours, ou s’il est possible de concevoir une vérité en deca, au delà du discours, sinon purement extra discursive. 

 

 

  • I. La vérité est inaccessible à l'homme en tout état de cause 

a. L'homme ne peut atteindre la vérité en raison de la faiblesse de son entendement

 

b. L'homme n'a accès qu'au vrai : des propositions momentanément valables

 

  • II. La vérité est toujours de l’ordre du discours, car la vérité s’inscrit nécessairement dans le langage 

   a. La difficile découverte de la vérité dans la pensée Platonicienne

 

b. « C’est ce que nous pouvons dire qui oriente et détermine ce que nous pouvons penser « (Emile Benveniste)

 

  • III. Mais il est possible de concevoir une vérité absolument non discursive

   a. La vérité est d’ordre divin, non d’ordre discursif de Dieu et non de l'effort de l'esprit humain

 

b. La critique Bergsonienne de la vérité discursive : langage et simplification du monde

 

discours

« II.

La vérité est toujours de l'ordre du discours, car la vérité s'inscrit nécessairement dans le langage a.

La difficile découverte de la vérité dans la pensée Platonicienne Cependant, nous dirons que cette thèse ne peut être longtemps soutenue, dans la mesure où la vérité parait bel etbien accessible à l'homme, et toute entière accessible dans le langage.

C'est en effet tout le sens de l'allégoriePlatonicienne de la caverne : la situation des prisonniers enchaînés dans une caverne, ne voyant que des ombresqu'ils prennent pour des réalités, symbolise l'illusion dont ils sont victimes.

Et même si le prisonnier est délivré de seschaînes, la quête de la vérité s'avère toujours pénible : il faut qu'il prenne conscience de l'ignorance qui est lasienne, afin de quitter son univers de croyance et de s'aventurer seul.

Car même s'il est guidé, il doit la découvrirpar un effort de la pensée.

Ce que nous montre cette allégorie de Platon, c'est que la découverte de la vérité estdifficile, pénible, aventureuse, et que la conquête des Idées vraies est pénible.

Néanmoins, cette conquête estpossible : pour Platon, il existe bien une connaissance de la vraie beauté, du vrai bien, du juste et de l'injuste.

Etc'est précisément dans le discours, dans la parole que cette quête peut avoir lieu.

Platon appelle en effet «maïeutique » cette opération du langage qui consiste par une série d'interrogations successives a accoucher de lavérité.

La vérité est donc bel et bien de l'ordre du discours, et toujours de cet ordre, puisqu'elle se découvre dans lelangage, au cours d'un dialogue de l'âme avec elle-même (c'est ainsi que Platon définit la pensée) ou au cours d'unéchange entre deux personnes. b.

« C'est ce que nous pouvons dire qui oriente et détermine ce que nous pouvons penser » (EmileBenveniste) Mais c'est en un autre sens que nous pouvons dire que la vérité est toujours de l'ordre du discours : parce que nousne pouvons penser séparément la vérité est le langage qui la formule, l'informe.

En effet, nous pouvons croire que lapensée en dehors du langage n'est qu'une pensée encore confuse, non encore accouchée, non encore achevée :une pensée qui ne mérite pas encore pleinement ce nom et qui est de toute évidence incapable d'accéder à lavérité.

Allant plus loin, nous pouvons rappeler avec le linguiste Emile Benveniste que « c'est ce que nous pouvonsdire qui oriente et détermine ce que nous pouvons penser ».

Benveniste entend par là que la pensée n'a pasd'existence extra linguistique, elle est toute entière dépendante du langage : penser, c'est donc s'exprimer dans unelangue singulière dont la structure est les caractéristiques formelles orientent considérablement ce qui est signifiépar le locuteur.

Nous dirons donc que la vérité est toujours de l'ordre du discours, car la pensée qui la formule nesaurait avoir d'existence extra linguistique. III.

Mais il est possible de concevoir une vérité absolument non discursive a.

La vérité est d'ordre divin, non d'ordre discursif de Dieu et non de l'effort de l'esprit humain Cependant, n'y a-t-il pas lieu de nuancer cette thèse ? En effet, par vérité, c'est aussi la vérité révélée que nouspouvons entendre.

La vérité révélée est la certitude de l'existence d'un Dieu unique.

Celle ci est-elle atteinte aumoyen de la raison humaine, ou provient-elle d'une autre source ? La fresque de Raphaël intitulée l'école d'Athènesmet en évidence l'opposition fondamentale de ces deux types de vérité : d'un côté, la vérité révélée apparaîtcomme une lumière divine, tombant du ciel, pour éclairer les hommes.

Cette splendeur de la vérité symbolise la foichrétienne, dont la doctrine s'expose dans les textes sacrés et dans les œuvres des pères de l'Église.

A partir decette distinction entre vérité révélée et vérité rationnelle, nous dirons que la vérité révélée n'est pas de l'ordre dudiscours.

Certes, la vérité rationnelle est discursive, la fresque de Raphaël le montre bien avec la représentationd'Aristote, qui désigne le sol, la terre, c'est à dire un domaine d'investigation accessible à l'homme, dont celui ci nedoit pas s'éloigner s'il veut atteindre la vérité par l'induction et l'observation.

En revanche, la vérité révélée, celle quia pour objet la certitude de l'existence de Dieu, est non discursive, inaccessible à l'homme, car elle provient de Dieuseul, qui choisit ou non de se révéler aux hommes.

Pensons à ce propos à la pensée janséniste, et à l'expérience dela "nuit de feu" vécue par Pascal, Pascal qui fut aussi un défenseur de la distinction entre vérité révélée et véritérationnelle.

La première n'est pas de l'ordre du discours, ni de l'ordre de la raison : elle appartient davantage au sensde l'individu.

Il s'agit d'une vérité bien davantage ressentie que conclue. b.

La critique Bergsonienne de la vérité discursive : langage et simplification du monde Mais allant plus loin, nous pouvons rappeler la critique Bergsonienne de la vérité discursive : ce que nous appelonsvérité, et qui s'énonce dans le langage, n'est peut être tout au plus qu'une intolérable et dommageable simplificationdu monde.

Voici ce qu'écrit Bergson a ce propos : « Nous ne voyons pas les choses mêmes ; nous nous bornons, le plus souvent, à lire des étiquettes collées surelles.

Cette tendance, issue du besoin, s'est encore accentuée sous l'influence du langage.

Car les mots (àl'exception des noms propres) désignent des genres.

Le mot, qui ne note de la chose que sa fonction la pluscommune et son aspect banal, s'insinue entre elle et nous […].

Et ce ne sont pas seulement les objets extérieurs,ce sont aussi nos propres états d'âme qui se dérobent à nous dans ce qu'ils ont d'intime, de personnel,d'originalement vécu.

Quand nous éprouvons de l'amour ou de la haine, quand nous nous sentons joyeux ou tristes,est-ce bien notre sentiment lui-même qui arrive à notre conscience avec les mille nuances fugitives et les millerésonances profondes qui en font quelque chose d'absolument nôtre ? Nous serions alors tous romanciers, touspoètes, tous musiciens.

Mais, le plus souvent, nous n'apercevons de notre état d'âme que son déploiementextérieur.

Nous ne saisissons de nos sentiments que leur aspect impersonnel, celui que le langage a pu noter une. »

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