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Ce que vous défendez. Anatole FRANCE

Publié le 03/05/2011

Extrait du document

Soldats de la France, dans cette guerre des nations, la cause que vous défendez est juste et belle, ct digne des plus énormes efforts et des plus grands sacrifices. Ce que vous défendez, c'est la terre natale, cette terre riante et fertile, la plus belle du monde ; ce sont vos champs, vos prairies. C'est l'auguste mère qui, couronnée de pampres et d'épis, vous attend pour vous accueillir et vous redonner les richesses de son sein inépuisable. Ce que vous défendez, c'est votre clocher, ce sont vos toits de brique ou d'ardoise, qui fument vers un ciel si doux ! Ce sont les tombeaux de vos pères et les berceaux de vos enfants. Ce que vous défendez, ce sont nos villes augustes qui dressent au bord des fleuves les monuments des générations; églises romanes, cathédrales, collégiales, abbayes, palais, arcs de triomphe, colonnes de bronze, théâtres, musées, hôtels de ville, hôpitaux, statues des héros et des sages, et qui étendent à perte de vue les murs humbles ou magnifiques qui abritent le commerce, l'industrie, la science, les arts, tout ce qui fait la beauté de la vie. Ce que vous défendez, c'est dix siècles d'histoire, c'est la longue et difficile formation de la patrie, qui coûta tant de sang et de larmes. C'est la gloire antique, c'est la rouge oriflamme fleur de lysée de Saint-Denis qui flottait devant les bannières des communes à Bouvines; ce sont les nobles étendards de Patay et de Formigny; ce sont les drapeaux de Rocroy et de Fontenoy, et les drapeaux de Fleurus, d'Arcole, de Zurich, de Marengo, les aigles formidables d'Austerlitz, d'Eylau, de Wagram, les aigles blessées et plus chères encore à nos coeurs, de Champaubert et de Montmirail. Ce que vous défendez, c'est notre patrimoine moral, nos moeurs, nos usages, nos lois, nos coutumes, nos croyances, nos traditions; ce sont les oeuvres de nos sculpteurs, de nos architectes, de nos peintres, de nos graveurs, de nos orfèvres, de nos émailleurs, de nos verriers, de nos tisserands; ce sont les chants de nos musiciens; c'est le parler maternel qui, durant huit siècles, avec une ineffable douceur, coula sans tarir des lèvres de nos poètes, de nos orateurs, de nos historiens, de nos philosophes, c'est la science de l'homme et de la nature, du concret et de l'abstrait, cette science encyclopédique qui fut portée chez nous à son plus haut point d'exactitude et de clarté. Ce que vous défendez, c'est le génie français qui éclaira le monde et porta la liberté aux peuples, c'est cet esprit généreux qui fait tomber les bastilles. Ce que vous défendez enfin, aux côtés des Belges, des Anglais, des Russes, des Italiens, des Serbes, c'est non seulement la France, mais l'Europe, sans cesse troublée et follement menacée par l'ambition dévorante de l'Allemagne. Patrie! liberté! chers enfants de la France; voilà les trésors sacrés confiés à vos bras; voilà pourquoi vous endurez sans plainte de longues fatigues et des périls constants; voilà pourquoi vous triompherez. Et vous, femmes, enfants, vieillards, jonchez de feuillages et de fleurs toutes les routes de France : nos soldats vont revenir vainqueurs.

(Sur la Voie glorieuse, Libr. Ed. Champion.)

I. — L'ensemble. — Une page éloquente et émue. — Quelle vous paraît être l'idée générale de ce morceau? Indiquez l'ordre suivi dans le développement (remarquer la progression; l'auteur ne cesse d'élargir l'horizon des soldats : Ce que vous défendez..., c'est votre terre natale, votre clocher..., c'est-à-dire tout ce qui est près de vous... ; et enfin, ce qui est bien plus loin, l'Europe...); Quels sont les deux mots par lesquels l'auteur résume tous les biens que défendent les soldats? Quel poétique et touchant tableau évoque-t-il, dans sa conclusion? Sous l'empire de quels sentiments vous paraît-il avoir écrit cette page? Quelle impression laisse en vous cette lecture?

II. — L'analyse du morceau. — Distinguez les différentes parties du morceau : a) Ce que vous défendez; — 6 alinéas; b) Trésors en lesquels se résument tous les biens défendus; c) Ce que vont faire les femmes, enfants et vieillards; Comment l'auteur qualifie-t-il la cause défendue par les soldats ? Qu'implique la défense d'une telle cause? Dites, — d'après le texte des 2e, 3e, 4e, 5e, 6e et 7e alinéas, — ce que défendent particulièrement nos soldats (la terre natale, — votre clocher, — ...); Pourquoi les soldats triompheront-ils ? Que feront, pour les recevoir, les femmes, les enfants et les vieillards?

III. — Le style ; — les expressions. — La plus grande partie de ce morceau comprend une énumération : quel est, en général, l'écueil dans une énumération? Montrez que l'auteur a su l'éviter (faire remarquer la beauté toute poétique des épithètes : c'est la terre natale, cette terre riante et fertile, la plus belle du monde...); Montrez également qu'il emploie des termes pittoresques, c'est-à-dire des termes qui mettent en quelque sorte sous les yeux du lecteur les objets évoqués (C'est l'auguste mère qui, couronnée de pampres et d'épis, vous attend...; ce sont vos toits de brique ou d'ardoise qui fument vers un ciel si doux...); Faites remarquer la rapidité, l'élan du style; De quels sentiments vous paraissent empreintes les paroles des deux derniers alinéas? Expliquez ces mots : les aigles blessées et plus chères...; Quel est le sens de ces expressions : sein inépuisable, — villes augustes, — églises romanes. — collégiales, —science encyclopédique, — bastilles ?

IV. — La grammaire. — Quelle est la composition des mots : oriflamme et fleurdelysée? Trouvez un synonyme de nobles (nobles étendards), — de ineffable (ineffable douceur), — de encyclopédique (science encyclopédique); Indiquez les propositions subordonnées contenues dans le 4° alinéa; Nature et fonction de chacun des mots suivants : Ce que vous défendez.

Rédaction. — Montrez que la cause défendue par la France, pendant la guerre de 1914, est, suivant l'expression même d' Anobie France, une cause juste et belle.

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