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Charité et violence

Publié le 18/09/2011

Extrait du document

« Le problème du pardon - Tu es là, mon Jacquou ? Ne me laisse pas ! Et je lui répondais, en lui prenant la main : - Ne crains point, mère, je ne te quitterai pas.

Et elle refermait les paupiè­ res, brisée par la fièvre, et la poitrine haletante, oppressée.

( ...

) La nuit d'après, elle sa mit à délirer, parlant de guillotine, de galères, appe­ lant son pauvre homme, mort là-bas, sur une planche nue, les fers aux pieds.

Tous nos malheurs lut revenaient dans la tête et l'affollssalent.

Elle criait après le comte de Nansac, et reniait la Vierge Marle qui n'avait pas sauvé son homme.

Dans sa fièvre, elle battait des bras sur le couvre-pieds pour chasser le bourreau qu'elle disait voir au fond du lit, ou cherchait à se lever pour aller rejoindre son Martlssou qui l'atten­ dait.

J'avals grand-peine à la calmer un peu : Il me fallait monter sur le lit, la prendre par le cou et lui parler comme à un petit drôle en l'embrassant.

Au matin, harassée de fatigue, elle s'assoupit un peu et, mol, la voyant ainsi, je crus qu'elle allait mieux : mals, lorsqu'elle se réveilla en sursaut avec une longue plainte, je vis bien que non.

Sa respiration devenait de plus en plus pénible, précipitée, et la fièvre était si forte que sa main brQialt la mienne.

La journée se passa ainsi, et quand revint la nuit elle ne pouvait plus parler, mals se doutait et s'agitait désespérément.

Oh ! Quelle nuit ! Qu'on s'Imagine un enfant de neuf ans, seul dans une cahute au milieu des bols, avec sa mère agonisante 1 Pendant plusieurs heures, la pauvre malheureuse se débattit contre la mort, faisant aller fortement ses bras, essayant d'arracher le couvre-pieds, se soulevant tout entière dans les transports de la fièvre, les yeux égarés, la poitrine haletante, et retombant sur le lit, le souffle lu! faisant défaut un Instant, pour repren­ dre encore par un pénible effort.

Vers la minuit ou une heure, la fièvre cessa, et un bruit rauque sortit de sa poitrine, le romeau ou rAie de la mort ! Cela dura une demi­ heure : j'étals sur le banc près du lit, et, à moitié couché, je tenais la main de ma pauvre mère serrée contre ma poitrine.

La connaissance lui revint tout à fait à la fin : elle tourna vers mol ses yeux pleins d'un angolsseux désespoir et deux grosses larmes coulèrent sur ses joues amaigries et hAlées : puis ses lèvres remuèrent, le rAie s'arrêta : elle était morte.

Alors, mol, plein de douleur et d'épouvante, je l'appelai : - Mère 1 mère 1 Et je me mis à sangloter sur sa main que je gardais toujours dans les miennes .

Je restai longtemps là, Immobile, affaissé ...

Le jour venu, je me relevai, un peu rassuré et j'avisai ma pauvre mère .

Maintenant elle était froide, roidie par la mort : sa main que je touchais glaçait la mienne : ses cheveux noirs, défaits dans les mouvements de fièvre, s'épandaient en mèches épaisses sur le lit, comme des serpents : sa pâleur était devenue terreuse : ses yeux étalent vitreux et ternis, et sa bouche, toujours grande ouverte, semblait-.

clamer le désespoir de laisser son drôle seul sur la terre.

(p.

114) ...

•*• Alors, gagné par sa bonté (11, Je lui racontai tous mes malheurs.

la mort de mon père au bagne et celle de ma mère à la tullière, Il y avait quatre jours seulement.

Pendant que je lui parlais, lui expliquant ce 9u1 s'était passé, la haine du comte de Nansac perçait dans mes paroles, tellement qu Il me dit : - Alors, si tu pouvais te venger, tu le ferais ? - Oh 1 out ! répondis-je, les yeux brillants.

Une Idée lut vint : - Peut-être tu l'as déjà fait ? dit-Il en me regardant fixement.

- Oui, monsieur le curé ...

Et, sur le coup, pris du besoin de me confier à lui.

je racontai tout ce que J'avals fait : l'étranglement des chiens et l'Incendie de la forêt.

Comment, malheureux 1 c'est toi qui as mis le feu à la forêt de l'Herm ? Après que je lui eus répété la chose, Il resta un moment sans parler...

Puis, relevant la tête, Il me dit, d'une volx qui me remuait dans le creux de l'estomac : ( ...

) - Rappelle-toi qu'il faut pardonner à ses ennemis.

Pardonner au comte de Nansac 1 c'était une idée qui ne me riait pas : Il me semblait que ce serait une lâcheté et une trahison envers mes parents morts.

(p.

129).

•*• Quand j'eus douze ans, le curé me fit faire ma première communion.

( ..

) La veille, pour toute confession, Il me demanda si j'avals encore de la haine dans le cœur contre le comte de Nansac, et, après que je lui eus répondu par un • oui • timide, Il me dit de si belles choses sur l'oubli des Injures et me fit tant d'exhortations de pardonner à l'exemple de Notre-Seigneur Jésus-Christ, que Je l'assu­ rai que je m'efforcerai de tout oublier, et de chasser la haine de mon cœur.

J'étais bien dans les dispositions de le faire à ce moment-là mals ça ne dura pas.

Eugène LE ROY -Jacquou le croquant -Ed.

Calmann-Lévy .

(1) Après avoir erré quatre jours, Il est recueilli chez un curé.. »

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