CHEREA Dans un sens, oui.
Publié le 15/12/2013
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CHEREA Dans un sens, oui. HÉLICON Je comprends. Tu es très fort, Cherea. Faux comme un honnête homme. Mais fort, vraiment. Moi, je ne suis pas fort. Et pourtant, je ne vous laisserai pas toucher à Caïus, même si c'est là ce que lui-même désire. CHEREA Je n'entends rien à ce discours. Mais je te féli. cite pour ton dévouement. J'aime les bons domestiques. HÉLICON Te voilà bien fier, hein ? Oui, je sers un fou, Mais toi, qui sers-tu ? La vertu ? je vais te dire ce que j'en pense. Je suis né esclave. Alors, l'air de la vertu, honnête homme, je l'ai d'abord dansé sous le fouet. Caïus, lui, ne m'a pas fait de discours. Il m'a affranchi et pris dans son palais. C'est ainsi que j'ai pu vous regarder, vous les vertueux. Et j'ai vit que vous aviez sale mine et pauvre odeur, l'odeur fade de ceux qui n'ont jamais rien souffert ni risqué. J'ai vu les drapés nobles, mais l'usure au coeur, le visage avare, la main fuyante. Vous, des juges ? Vous qui tenez boutique de vertu, qui rêvez de sécurité comme la jeune fille rêve d'amour, qui allez pourtant mourir dans l'effroi sans même savoir que vous avez menti toute votre vie, vous vous mêleriez de juger celui qui a souffert sans compter, et qui saigne tous les jours de mille nouvelles blessures ? Vous me frapperez avant, sois-en sûr ! Méprise l'esclave, Cherea ! Il est audessus de ta vertu puisqu'il peut encore aimer ce maître misérable qu'il défendra contre vos nobles mensonges, vos bouches parjures... CHEREA Cher Hélicon, tu te laisses aller à l'éloquence. Franchement, tu avais le goût meilleur, autrefois. HÉLICON Désolé, vraiment. Voilà ce que c'est que de trop vous fréquenter. Les vieux époux ont le même nombre de poils dans les oreilles tant ils finissent par se ressembler. Mais je me reprends, ne crains rien, je me reprends. Simplement ceci... Regarde, tu vois ce visage ? Bon. Regarde-le bien. Parfait. Maintenant, tu as vu ton ennemi. Il sort. SCÈNE VII CHEREA Et maintenant, il faut faire vite. Restez là tous les deux. Nous serons ce soir une centaine. Il sort. LE VIEUX PATRICIEN Restez là, restez là ! Je voudrais bien partir, moi. (Il renifle.) Ça sent le mort, ici. PREMIER PATRICIEN Ou le mensonge. (Tristement.) J'ai dit que cette danse était belle. LE VIEUX PATRICIEN, conciliant. Elle l'était dans un sens. Elle l'était. Entrent en coup de vent plusieurs patriciens et chevaliers. SCÈNE VIII DEUXIÈME PATRICIEN Qu'y a-t-il ? Le savez-vous ? L'empereur nous fait appeler. LE VIEUX PATRICIEN, distrait. C'est peut-être pour la danse. DEUXIÈME PATRICIEN Quelle danse ? LE VIEUX PATRICIEN Oui, enfin, l'émotion artistique. TROISIÈME PATRICIEN On m'a dit que Caligula était très malade. PREMIER PATRICIEN Il l'est. TROISIÈME PATRICIEN Qu'a-t-il donc ? (Avec ravissement.) Par tous les dieux, va-t-il mourir ? PREMIER PATRICIEN Je ne crois pas. Sa maladie n'est mortelle que pour les autres. LE VIEUX PATRICIEN Si nous osons dire. DEUXIÈME PATRICIEN Je te comprends. Mais n'a-t-il pas quelque maladie moins grave et plus avantageuse pour nous ? PREMIER PATRICIEN Non, cette maladie-là ne souffre pas la concurrence. Vous permettez, je dois voir Cherea. Il sort. Entre Caesonia. petit silence. SCÈNE IX CAESONIA, d'un air indifférent. Caligula souffre de l'estomac. Il a vomi du sang. Les patriciens accourent autour d'elle. DEUXIÈME PATRICIEN Oh ! dieux tout-puissants, je fais voeu, S'il se rétablit, de verser deux cent mille sesterces au trésor e l'État. TROISIÈME PATRICIEN, exagéré. Jupiter, prends ma vie en échange de la sienne. Caligula est entré depuis un moment. Il écoute. CALIGULA, s'avançant vers le deuxième patricien. J'accepte ton offrande, Lucius. Je te remercie. Mon trésorier se présentera demain chez toi. (Il va vers le troisième patricien et l'embrasse.) Tu ne peux savoir comme je suis ému. (Un silence et tendrement.) Tu m'aimes donc ? TROISIÈME PATRICIEN, pénétré. Ah ! César, il n'est rien que, pour toi, je ne donnerais sur l'heure. CALIGULA, l'embrassant encore.
« Ilsort.. »
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