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COMMENT MICHELET ENTREPRIT DE DONNER SON HISTOIRE A LA FRANCE.

Publié le 28/04/2011

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michelet

   En 1869, Michelet met cette Préface à sa grande Histoire de France. Il y expose ce qu'il a voulu faire, comment il a conçu ce projet. On se rappellera que l'Histoire de France de Michelet a été publiée de 1833 à 1867.    Cette oeuvre laborieuse, d'environ quarante ans, fut conçue d'un moment, de l'éclair de juillet (1830). Dans ces jours mémorables, une grande lumière se fit, et j'aperçus la France.    Elle avait des annales et non point une histoire. Des hommes éminents l'avaient étudiée, surtout au point de vue politique. Nul n'avait pénétré l'infini détail des développements divers de son activité (religieuse, économique, artistique, etc.). Nul ne l'avait encore embrassée du regard dans l'unité vivante des éléments naturels et géographiques qui l'ont constituée. Le premier, je la vis comme une âme et comme une personne.    ...La vie a une condition souveraine et bien exigeante : elle n'est véritablement la vie qu'autant qu'elle est complète, ses organes sont tous solidaires et ils n'agissent que d'ensemble. Nos fonctions se lient, se supposent l'une l'autre ; qu'une seule manque, et rien ne vit plus. On croyait, autrefois, pouvoir par le scalpel, isoler, suivre à part chacun de nos systèmes ; cela ne se peut pas, car tout influe sur tout.    Ainsi, ou tout, ou rien. Pour retrouver la vie historique, il faudrait patiemment la suivre dans toutes ses voies, toutes ses formes, tous ses éléments. Mais il faudrait aussi, d'une passion plus grande encore, refaire et établir le jeu de tout cela, l'action réciproque qui redeviendrait la vie même.    Un maître dont j'ai eu, non le génie, sans doute, mais la violente volonté, Géricault, entrant dans le Louvre, ne parut pas troublé. Il dit : « C'est bien ! je m'en vais le refaire. « En rapides ébauches qu'il n'a jamais signées, il allait saisissant et s'appropriant tout. Et, sans 1815, il eût tenu parole. Telles sont les passions, les furies du bel âge.    Plus compliqué encore, plu6 effrayant était mon problème historique, posé comme résurrection de la vie intégrale, non pas dans ses surfaces, mais dans ses organismes intérieurs et profonds. Nul homme sage n'y eût songé. Par bonheur, je ne l'étais pas.    Dans le brillant matin de Juillet*, sa vaste espérance, sa puissante électricité, cette entreprise surhumaine n'effraya pas un jeune cœur. Nul obstacle à certaines heures. Tout se simplifie par la flamme. Mille choses embrouillées s'y résolveut, y retrouvent leurs vrais rapports et, «'harmonisant, s'illuminent. Bien des ressorts, inertes et lourds, s'ils gisent à part, roulent d'eux-mêmes s'ils sont replacés dans l'ensemble.    Telle fut ma foi, du moins, et cette acte de foi, quelle que fût ma faiblesse, agit. Ce mouvement immense s'ébranla sous mes yeux. Ces forces variées, et de nature et d'art, se cherchèrent, s'arrangèrent, malaisément d'abord. Les membres du grand corps : peuples, races, contrées, s'agencèrent de la mer au Rhin, au Rhône, aux Alpes et les siècles marchèrent de la Gaule à la France.    Michelet.

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