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Eugenie Grandet pas le voler, cet homme, pour feter votre cousin?

Publié le 12/04/2014

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Eugenie Grandet pas le voler, cet homme, pour feter votre cousin? Demandez-lui du beurre, de la farine, du bois, il est votre pere, il peut vous en donner. Tenez, le voila qui descend pour voir aux provisions ... Eugenie se sauva dans le jardin, tout epouvantee en entendant trembler l'escalier sous le pas de son pere. Elle eprouvait deja les effets de cette profonde pudeur et de cette conscience particuliere de notre bonheur qui nous fait croire, non sans raison peut-etre, que nos pensees sont gravees sur notre front et sautent aux yeux d'autrui. En s'apercevant enfin du froid denuement de la maison paternelle, la pauvre fille concevait une sorte de depit de ne pouvoir la mettre en harmonie avec l'elegance de son cousin. Elle eprouva un besoin passionne de faire quelque chose pour lui; quoi? elle n'en savait rien. Naive et vraie, elle se laissait aller a sa nature angelique sans se defier ni de ses impressions, ni de ses sentiments. Le seul aspect de son cousin avait eveille chez elle les penchants naturels de la femme, et ils durent se deployer d'autant plus vivement, qu'ayant atteint sa vingt-troisieme annee, elle se trouvait dans la plenitude de son intelligence et de ses desirs. Pour la premiere fois, elle eut dans le coeur de la terreur a l'aspect de son pere, vit en lui le maitre de son sort, et se crut coupable d'une faute en lui taisant quelques pensees. Elle se mit a marcher a pas precipites en s'etonnant de respirer un air plus pur, de sentir les rayons du soleil plus vivifiants, et d'y puiser une chaleur morale, une vie nouvelle. Pendant qu'elle cherchait un artifice pour obtenir la galette, il s'elevait entre la Grande Nanon et Grandet une de ces querelles aussi rares entre eux que le sont les hirondelles en hiver. Muni de ses clefs, le bonhomme etait venu pour mesurer les vivres necessaires a la consommation de la journee. --Reste-t-il du pain d'hier? dit-il a Nanon. --Pas une miette, monsieur. Grandet prit un gros pain rond, bien enfarine, moule dans un de ces paniers plats qui servent a boulanger en Anjou, et il allait le couper, quand Nanon lui dit: --Nous sommes cinq, aujourd'hui, monsieur. --C'est vrai, repondit Grandet, mais ton pain pese six livres, il en restera. D'ailleurs, ces jeunes gens de Paris, tu verras que ca ne mange point de pain. --Ca mangera donc de la frippe, dit Nanon. En Anjou, la frippe, mot du lexique populaire, exprime l'accompagnement du pain, depuis le beurre etendu sur la tartine, frippe vulgaire, jusqu'aux confitures d'alleberge, la plus distinguee des frippes; et tous ceux qui, dans leur enfance, ont leche la frippe et laisse le pain, comprendront la portee de cette locution. --Non, repondit Grandet, ca ne mange ni frippe, ni pain. Ils sont quasiment comme des filles a marier. Enfin, apres avoir parcimonieusement ordonne le menu quotidien, le bonhomme allait se diriger vers son fruitier, en fermant neanmoins les armoires de sa Depense, lorsque Nanon l'arreta pour lui dire: --Monsieur, donnez-moi donc alors de la farine et du beurre, je ferai une galette aux enfants. --Ne vas-tu pas mettre la maison au pillage a cause de mon neveu? --Je ne pensais pas plus a votre neveu qu'a votre chien, pas plus que vous n'y pensez vous-meme. Ne voila-t-il pas que vous ne m'avez aveint que six morceaux de sucre, m'en faut huit. --Ha! ca, Nanon, je ne t'ai jamais vue comme ca. Qu'est-ce qui te passe donc par la tete? Es-tu la maitresse ici? Tu n'auras que six morceaux de sucre. Eugenie Grandet 29 Eugenie Grandet --Eh! bien, votre neveu, avec quoi donc qu'il sucrera son cafe? --Avec deux morceaux, je m'en passerai, moi. --Vous vous passerez de sucre, a votre age! J'aimerais mieux vous en acheter de ma poche. --Mele-toi de ce qui te regarde. Malgre la baisse du prix, le sucre etait toujours, aux yeux du tonnelier, la plus precieuse des denrees coloniales, il valait toujours six francs la livre, pour lui. L'obligation de le menager, prise sous l'Empire, etait devenue la plus indelebile de ses habitudes. Toutes les femmes, meme la plus niaise, savent ruser pour arriver a leurs fins, Nanon abandonna la question du sucre pour obtenir la galette. --Mademoiselle, cria-t-elle par la croisee, est-ce pas que vous voulez de la galette? --Non, non, repondit Eugenie. --Allons, Nanon, dit Grandet en entendant la voix de sa fille, tiens. Il ouvrit la mette ou etait la farine, lui en donna une mesure, et ajouta quelques onces de beurre au morceau qu'il avait deja coupe. --Il faudra du bois pour chauffer le four, dit l'implacable Nanon. --Eh! bien, tu en prendras a ta suffisance, repondit-il melancoliquement, mais alors tu nous feras une tarte aux fruits, et tu nous cuiras au four tout le diner; par ainsi, tu n'allumeras pas deux feux. --Quien! s'ecria Nanon, vous n'avez pas besoin de me le dire. Grandet jeta sur son fidele ministre un coup d'oeil presque paternel. --Mademoiselle, cria la cuisiniere, nous aurons une galette. Le pere Grandet revint charge de ses fruits, et en rangea une premiere assiettee sur la table de la cuisine. --Voyez donc, monsieur, lui dit Nanon, les jolies bottes qu'a votre neveu. Quel cuir, et qui sent bon. Avec quoi que ca se nettoie donc? Faut-il y mettre de votre cirage a l'oeuf? --Nanon, je crois que l'oeuf gaterait ce cuir-la. D'ailleurs, dis-lui que tu ne connais point la maniere de cirer le maroquin, oui, c'est du maroquin, il achetera lui-meme a Saumur et t'apportera de quoi illustrer ses bottes. J'ai entendu dire qu'on fourre du sucre dans leur cirage pour le rendre brillant. --C'est donc bon a manger, dit la servante en portant les bottes a son nez. Tiens, tiens, elles sentent l'eau de Cologne de madame. Ah! c'est-il drole. --Drole! dit le maitre, tu trouves drole de mettre a des bottes plus d'argent que n'en vaut celui qui les porte. --Monsieur, dit-elle au second voyage de son maitre qui avait ferme le fruitier, est-ce que vous ne mettrez pas une ou deux fois le pot-au-feu par semaine a cause de votre ...? --Oui. --Faudra que j'aille a la boucherie. Eugenie Grandet 30

« —Eh! bien, votre neveu, avec quoi donc qu'il sucrera son cafe? —Avec deux morceaux, je m'en passerai, moi. —Vous vous passerez de sucre, a votre age! J'aimerais mieux vous en acheter de ma poche. —Mele-toi de ce qui te regarde. Malgre la baisse du prix, le sucre etait toujours, aux yeux du tonnelier, la plus precieuse des denrees coloniales, il valait toujours six francs la livre, pour lui.

L'obligation de le menager, prise sous l'Empire, etait devenue la plus indelebile de ses habitudes.

Toutes les femmes, meme la plus niaise, savent ruser pour arriver a leurs fins, Nanon abandonna la question du sucre pour obtenir la galette. —Mademoiselle, cria-t-elle par la croisee, est-ce pas que vous voulez de la galette? —Non, non, repondit Eugenie. —Allons, Nanon, dit Grandet en entendant la voix de sa fille, tiens.

Il ouvrit la mette ou etait la farine, lui en donna une mesure, et ajouta quelques onces de beurre au morceau qu'il avait deja coupe. —Il faudra du bois pour chauffer le four, dit l'implacable Nanon. —Eh! bien, tu en prendras a ta suffisance, repondit-il melancoliquement, mais alors tu nous feras une tarte aux fruits, et tu nous cuiras au four tout le diner; par ainsi, tu n'allumeras pas deux feux. —Quien! s'ecria Nanon, vous n'avez pas besoin de me le dire.

Grandet jeta sur son fidele ministre un coup d'oeil presque paternel. —Mademoiselle, cria la cuisiniere, nous aurons une galette.

Le pere Grandet revint charge de ses fruits, et en rangea une premiere assiettee sur la table de la cuisine. —Voyez donc, monsieur, lui dit Nanon, les jolies bottes qu'a votre neveu.

Quel cuir, et qui sent bon.

Avec quoi que ca se nettoie donc? Faut-il y mettre de votre cirage a l'oeuf? —Nanon, je crois que l'oeuf gaterait ce cuir-la.

D'ailleurs, dis-lui que tu ne connais point la maniere de cirer le maroquin, oui, c'est du maroquin, il achetera lui-meme a Saumur et t'apportera de quoi illustrer ses bottes. J'ai entendu dire qu'on fourre du sucre dans leur cirage pour le rendre brillant. —C'est donc bon a manger, dit la servante en portant les bottes a son nez.

Tiens, tiens, elles sentent l'eau de Cologne de madame.

Ah! c'est-il drole. —Drole! dit le maitre, tu trouves drole de mettre a des bottes plus d'argent que n'en vaut celui qui les porte. —Monsieur, dit-elle au second voyage de son maitre qui avait ferme le fruitier, est-ce que vous ne mettrez pas une ou deux fois le pot-au-feu par semaine a cause de votre ...? —Oui. —Faudra que j'aille a la boucherie.

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