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Histoire de la Revolution francaise, III nous a tant coute.

Publié le 11/04/2014

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Histoire de la Revolution francaise, III nous a tant coute. Dans le cote droit, il y a des membres qui n'ont pas assez de confiance en vous; mais moi, qui ai ete votre collegue, qui vous connais pour un honnete homme, pour un ami de la liberte, je leur assure que vous serez pour nous, que vous nous aiderez de tous les moyens que votre place met a votre disposition. Est-ce qu'il peut vous rester la plus legere incertitude sur tout ce que je vous ai dit de ces scelerats?--Je serais trop indigne de l'estime que vous me temoignez, si je vous laissais penser que je crois a la verite de tout ce plan, que vous croyez etre celui de vos ennemis. Plus vous y mettez de faits, de choses et d'hommes, plus il vous parait vraisemblable a vous; et moins il me le parait a moi. La plupart des faits dont vous composez le tissu de ce plan ont eu un but qu'on n'a pas besoin de leur preter, qui se presente de lui-meme, et vous leur donnez un but qui ne se presente pas de lui-meme, et qu'il faut leur preter. Or, il faut des preuves d'abord pour ecarter une explication naturelle, et il faut d'autres preuves ensuite pour faire adopter une explication qui ne se presente pas naturellement. Par exemple, tout le monde croit que Lafayette et d'Orleans etaient ennemis, et que c'etait pour delivrer Paris, la France et l'assemblee nationale, de beaucoup d'inquietudes, que d'Orleans fut engage ou oblige par Lafayette a s'eloigner quelque temps de la France; il faut etablir, non par assertion, mais par preuve, 1. qu'ils n'etaient pas ennemis; 2. qu'ils etaient complices; 3. que le voyage de d'Orleans en Angleterre eut pour objet l'execution de leurs complots. Je sais qu'avec une maniere de raisonner si rigoureuse, on s'expose a laisser courir les crimes et les malheurs devant soi sans les atteindre et sans les arreter par la prevoyance; mais je sais aussi qu'en se livrant a son imagination, on fait des systemes sur les evenemens passes et sur les evenemens futurs; on perd tous les moyens de bien discerner et apprecier les evenemens actuels, et revant des milliers de forfaits que personne ne trame, on s'ote la faculte de voir avec certitude ceux qui nous menacent: on force des ennemis qui ont peu de scrupules a la tentation d'en commettre, auxquels ils n'auraient jamais pense. Je ne doute pas qu'il n'y ait autour de nous beaucoup de scelerats: le dechainement de toutes les passions les fait naitre, et l'or de l'etranger les soudoie. Mais, croyez-moi, si leurs projets sont affreux, ils ne sont ni si vastes, ni si grands, ni si compliques, ni concus et menes si loin. Il y a dans tout cela beaucoup plus de voleurs et d'assassins que de profonds conspirateurs. Les veritables conspirateurs contre la republique, ce sont les rois de l'Europe et les passions des republicains. Pour repousser les rois de l'Europe et leurs regimens, nos armees suffisent, et de reste: pour empecher nos passions de nous devorer, il y a un moyen, mais il est unique: hatez-vous d'organiser un gouvernement qui ait de la force et qui merite de la confiance. Dans l'etat ou vos querelles laissent le gouvernement, une democratie meme de vingt-cinq millions d'anges serait bientot en proie a toutes les fureurs et a toutes les dissensions de l'orgueil; comme l'a dit Jean-Jacques, il faudrait vingt-cinq millions de dieux, et personne ne s'est avise d'en imaginer tant. Mon cher Salles, les hommes et les grandes assemblees ne sont pas faits de maniere que d'un cote il n'y ait que des dieux, et de l'autre que des diables. Partout ou il y a des hommes en conflit d'interets et d'opinions, les bons memes ont des passions mechantes, et les mauvais meme, si on cherche a penetrer dans leurs ames avec douceur et patience, sont susceptibles d'impressions droites et bonnes. Je trouve au fond de mon ame la preuve evidente et invincible de la moitie au moins de cette verite: je suis bon, moi, et aussi bon, a coup sur, qu'aucun d'entre vous; mais quand, au lieu de refuter mes opinions avec de la logique et de la bienveillance, on les repousse avec soupcon et injure, je suis pret a laisser la le raisonnement et a regarder si mes pistolets sont bien charges. Vous m'avez fait deux fois ministre, et deux fois vous m'avez rendu un tres-mauvais service; ce sont les dangers qui vous environnent, et qui m'environnent, qui peuvent seuls me faire rester au poste ou je suis: un brave homme ne demande pas son conge la veille des batailles. La bataille, je le vois, n'est pas loin; en prevoyant que des deux cotes vous tirerez sur moi, je suis resolu a rester. Je vous dirai a chaque instant ce que je croirai vrai dans ma raison et dans ma conscience; mais soyez bien averti que je prendrai pour guides ma conscience et ma raison, et non celles d'aucun homme sur la terre. Je n'aurai pas travaille trente ans de ma vie a me faire une lanterne, pour laisser ensuite eclairer mon chemin par la lanterne des autres." "Salles et moi nous nous separames en nous serrant la main, en nous embrassant, comme si nous avions ete encore collegues de l'assemblee constituante." FIN DES NOTES DU TOME TROISIEME. NOTES ET PIECES JUSTIFICATIVES[1] DU TOME TROISIEME. 113

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