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Il me semble que la vertu est chose autre, et plus noble, que les inclinations à la bonté qui naissent en nous.

Publié le 03/11/2013

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Il me semble que la vertu est chose autre, et plus noble, que les inclinations à la bonté qui naissent en nous. Les âmes réglées d'elles-mêmes et bien nées, elles suivent même train, et représentent en leurs actions même visage que les vertueuses ; mais la vertu sonne je ne sais quoi de plus grand et de plus actif que de se laisser, par une heureuse complexion (1), doucement et paisiblement conduire à la suite de la raison. Celui qui, d'une douceur et facilité naturelle, mépriserait les offenses reçues, ferait sans doute chose très belle et digne de louange ; mais celui qui, piqué et outré jusqu'au vif d'une offense, s'armerait des armes de la raison contre ce furieux appétit de vengeance, et après un grand conflit s'en rendrait enfin maître, ferait sans doute beaucoup plus. Celui-là ferait bien, et celui-ci vertueusement : l'une action se pourrait dire bonté, l'autre vertu ; car il semble que le nom de la vertu présuppose de la difficulté au combat et du contraste, et qu'elle ne peut être sans partie (2). C'est à l'aventure pourquoi nous nommons Dieu (3), bon, fort, et libéral, et juste ; mais nous ne le nommons pas vertueux ; ses opérations sont toutes naïves et sans effort. MONTAIGNE, Essais 1)« complexion « : tempérament. 2)« partie « (ici) : adversaire. 3)Comprendre : « C'est pourquoi, parmi d'autres noms, nous nommons Dieu... «

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