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intolérable.

Publié le 15/12/2013

Extrait du document

intolérable. J'avais chaque jour de longs devoirs à faire pour M. Mell, mais je les faisais (M. Murdstone et sa soeur n'étaient plus là), et je ne m'en tirais pas mal. Avant et après mes heures d'étude je me promenais, sous la surveillance, comme je l'ai déjà dit, de l'homme à la jambe de bois. Je me rappelle encore, comme si j'y étais, tout ce que je voyais dans ces promenades, la terre humide autour de la maison, les pierres couvertes de mousse dans la cour, la vieille fontaine toute fendue et les troncs décolorés de quelques arbres ratatinés qui avaient l'air d'avoir reçu plus de pluie et moins de rayons de soleil que tous les arbres du monde ancien et moderne. Nous dînions à une heure, M. Mell et moi, au bout d'une longue salle à manger parfaitement nue, où on ne voyait que des tables de sapin qui sentaient le graillon, et puis nous nous remettions à travailler jusqu'à l'heure du thé ; M. Mell buvait son thé dans une petite tasse bleue, et moi dans un petit pot d'étain. Pendant toute la journée et jusqu'à sept ou huit heures du soir, M. Mell était établi à son pupitre dans la salle d'études ; il s'occupait sans relâche à faire les comptes du dernier semestre, sans quitter sa plume, son encrier, sa règle et ses livres. Quand il avait tout rangé le soir, il tirait sa flûte et soufflait dedans avec une telle énergie que je m'attendais à tout moment à le voir passer par le grand trou de son instrument, jusqu'à son dernier souffle, et à le voir fuir par les clefs. Je me vois encore, pauvre petit enfant que j'étais alors, la tête dans mes mains au milieu de la pièce à peine éclairée, écoutant la douloureuse harmonie de M. Mell tout en méditant sur mes leçons du lendemain ; je me vois également, mes livres fermés à côté de moi, prêtant toujours l'oreille à la douloureuse harmonie de M. Mell, et croyant entendre à travers ces sons lamentables le bruit lointain de la maison paternelle et le sifflement du vent sur les dunes de Yarmouth. Ah ! combien je me sens isolé et triste ! je me vois montant me coucher dans des chambres presque désertes, et pleurant dans mon petit lit au souvenir de ma chère Peggotty ; je me vois descendant l'escalier le lendemain matin et regardant, par un carreau cassé de la lucarne qui l'éclaire, la cloche de la pension suspendue tout en haut d'un hangar, avec une girouette par dessus ; je la contemple et je songe avec effroi au temps où elle appellera à l'étude Steerforth et ses camarades, et pourtant j'ai encore bien plus peur du moment fatal où l'homme à la jambe de bois ouvrira la grille aux gonds rouillés pour laisser passer le redoutable M. Creakle. Je ne crois pas avec tout cela que je sois un très mauvais sujet, mais je n'en porte pas moins le placard toujours sur mon dos. M. Mell ne me disait pas grand-chose, mais il n'était pas méchant avec moi ; je suppose que nous nous tenions mutuellement compagnie sans nous parler. J'ai oublié de dire qu'il se parlait quelquefois à lui-même, et qu'alors il grinçait des dents, il serrait les poings et il se tirait les cheveux de la façon la plus étrange ; mais c'était une habitude qu'il avait comme ça. Dans les commencements cela me faisait peur, mais je ne tardai pas à m'y faire. VI J'agrandis le cercle de mes connaissances Je menais cette vie depuis un mois environ, lorsque l'homme à la jambe de bois se mit à parcourir la maison avec un balai et un seau d'eau ; j'en conclus qu'on préparait tout pour recevoir M. Creakle et ses élèves. Je ne me trompais pas, car bientôt le balai envahit la salle d'étude et nous en chassa M. Mell et moi. Nous allâmes vivre je ne sais où et je ne sais comment ; ce que je sais bien, c'est que, pendant plusieurs jours, nous rencontrions partout deux ou trois femmes, que je n'avais qu'à peine entrevues jusqu'alors, et que j'avalai une telle quantité de poussière que j'éternuais aussi souvent que si Salem-House avait été une vaste tabatière. Un jour M. Mell m'annonça que M. Creakle arriverait le soir. Après le thé, j'appris qu'il était arrivé ; avant l'heure de me coucher, l'homme à la jambe de bois vint me chercher pour comparaître devant lui. M. Creakle habitait une portion de la maison beaucoup plus confortable que la nôtre ; il avait un petit jardin qui paraissait charmant à côté de la récréation, sorte de désert en miniature, où un chameau et un dromadaire se seraient trouvés comme chez eux. Je me trouvai bien hardi d'oser remarquer qu'il n'y avait pas jusqu'au corridor qui n'eût l'air confortable, tandis que je me rendais tout tremblant chez M. Creakle. J'étais tellement abasourdi en entrant, que je vis à peine mistress Creakle ou miss Creakle qui étaient toutes deux dans le salon. Je ne voyais que M. Creakle, ce bon et gros monsieur qui portait un paquet de breloques à sa montre : il était assis dans un fauteuil, avec une bouteille et un verre à côté de lui. « Ah ! dit M. Creakle, voilà le jeune homme dont il faut limer les dents. Faites-le retourner. » L'homme à la jambe de bois me retourna de façon à montrer le placard, puis lorsque M. Creakle eut eu tout le temps de le lire, il me replaça en face du maître de pension, et se mit à côté de lui. M. Creakle avait l'air féroce, ses yeux étaient petits et très enfoncés ; il avait de grosses veines sur le front, un petit nez et un menton très large. Il était chauve et n'avait que quelques petits cheveux gras et gris, qu'il lissait sur ses tempes, de façon à leur donner rendezvous au milieu du front. Mais ce qui chez lui me fit le plus d'impression, c'est qu'il n'avait presque pas de voix et parlait toujours tout bas. Je ne sais si c'est qu'il avait de la peine à parler même ainsi, ou si le sentiment de son infirmité l'irritait, mais, toutes les fois qu'il disait un mot, son visage prenait une expression encore plus méchante, ses veines se gonflaient, et quand j'y réfléchis, je comprends que ce soit là ce qui me frappa d'abord, comme ce qu'il y avait chez lui de plus remarquable. « Voyons, dit M. Creakle. Qu'avez-vous à m'apprendre sur cet enfant ? - Rien encore, répartit l'homme à la jambe de bois. Il n'y a pas eu d'occasion. » Il me sembla que M. Creakle était désappointé. Il me sembla que mistress Creakle et sa fille (que je venais de regarder pour la première fois, et qui étaient maigres et silencieuses à l'envi l'une de l'autre), n'étaient pas désappointées. « Venez ici, monsieur ! dit M. Creakle en me faisant signe de la main. - Venez ici ! dit l'homme à la jambe de bois en répétant le geste de M. Creakle. - J'ai l'honneur de connaître votre beau-père, murmura M. Creakle en m'empoignant par l'oreille. C'est un digne homme, un homme énergique. Il me connaît, et moi je le connais. Me connaissez-vous, vous ? hein ! dit M. Creakle en me pinçant l'oreille avec un enjouement féroce. - Pas encore, monsieur ! dis-je tout en gémissant. - Pas encore ? hein ? répéta M. Creakle. Cela viendra, hein ? - Cela viendra ! hein ? » répéta l'homme à la jambe de bois. Je découvris plus tard que son timbre retentissant lui procurait l'honneur de servir d'interprète à M. Creakle auprès de ses élèves. J'étais horriblement effrayé et je me contentai de dire que je l'espérais bien. Mais tout en parlant, je me sentais l'oreille tout en feu, il la pinçait si fort ! « Je vais vous dire ce que je suis, murmura M. Creakle en lâchant enfin mon oreille, mais après l'avoir tordue de façon à me faire venir les larmes aux yeux. Je suis un Tartare. - Un Tartare, dit l'homme à la jambe de bois. - Quand je dis que je ferai une chose, je la fais, dit M. Creakle, et quand je dis qu'il faut faire une chose, je veux qu'on la fasse. - Qu'il faut faire une chose, je veux qu'on la fasse, répéta l'homme à la jambe de bois. - Je suis un caractère décidé, dit M. Creakle. Voilà ce que je suis. Je fais mon devoir, voilà ce que je fais. Quand ma chair et mon sang (il se tourna vers mistress Creakle), quand ma chair et mon sang se révoltent contre moi, ce n'est plus ma chair et mon sang ; je les renie. Cet individu a-t-il reparu ? demanda-t-il à l'homme à la jambe de bois. - Non, répondit-il. - Non ? dit M. Creakle. Il a bien fait. Il me connaît, qu'il se tienne à l'écart. Je dis qu'il se tienne à l'écart, dit M. Creakle en tapant sur la table et en regardant mistress Creakle, car il me connaît. Vous devez commencer aussi à me connaître, mon petit ami. Vous pouvez vous en aller. Emmenez-le. » J'étais bien content qu'il me renvoyât, car mistress Creakle et miss Creakle s'essuyaient les yeux, et je souffrais autant pour elles que pour moi. Mais j'avais à lui adresser une pétition qui avait pour moi tant d'intérêt que je ne pus m'empêcher de lui dire, tout en admirant mon courage : « Si vous vouliez bien, monsieur. » M. Creakle murmura : « Hein ? Qu'est-ce que ceci veut dire ? » et baissa les yeux sur moi, comme s'il avait envie de me foudroyer d'un regard. « Si vous vouliez bien, monsieur, balbutiai-je, si je pouvais (je suis bien fâché de ce que j'ai fait, monsieur) ôter cet écriteau avant le retour des élèves. » Je ne sais si M. Creakle eut vraiment envie de sauter sur moi, ou s'il avait seulement l'intention de m'effrayer, mais il s'élança hors de son fauteuil et je m'enfuis comme un trait, sans attendre l'homme à la jambe de bois ; je ne m'arrêtai que dans le dortoir, où je me fourrai bien vite dans mon lit, où je restai à trembler, pendant plus de deux heures. Le lendemain matin M. Sharp revint. M. Sharp était le second de M. Creakle, le supérieur de M. Mell. M. Mell prenait ses repas avec les élèves, mais M. Sharp dînait et soupait à la table de M. Creakle. C'était un petit monsieur à l'air délicat, avec un très grand nez ; il portait sa tête de côté, comme si elle était trop lourde pour lui. Ses cheveux étaient longs et ondulés, mais j'appris par le premier élève qui revint, que c'était une perruque (une perruque d'occasion, me dit-il), et que M. Sharp sortait tous les samedis pour la faire boucler. Ce fut Tommy Traddles qui me donna ce renseignement, il revint le premier. Il se présenta à moi en m'informant que je trouverais son nom au coin de la grille à droite, au devant du grand verrou ; je lui dis : « Traddles », à quoi il me répondit « lui-même », puis il me demanda une foule de détails sur moi et sur ma famille. Ce fut très heureux pour moi que Traddles revint le premier. Mon écriteau l'amusa tellement, qu'il m'épargna l'embarras de le montrer ou de le dissimuler, en me présentant à tous les élèves immédiatement après leur arrivée. Qu'ils fussent grands ou petits, il leur criait : « Venez vite ! voilà une bonne farce ! » Heureusement aussi, la plupart des enfants revenaient tristes et abattus, et moins disposés à rire à mes dépens, que je ne l'avais craint. Il y en avait bien quelques-uns qui sautaient autour de moi comme des sauvages, et il n'y en avait à peu près aucun qui sût résister à la tentation de faire comme si j'étais un chien dangereux : ils venaient me caresser et me cajoler comme si j'étais sur le point de les mordre, puis ils disaient : « À bas, monsieur ! » et ils m'appelaient « Castor ». C'était naturellement fort ennuyeux pour moi, au milieu de tant d'étrangers, et cela me coûta bien des larmes, mais à tout prendre, j'avais redouté pis. On ne me regarda comme positivement admis dans la pension, qu'après l'arrivée de F. Steerforth. On m'amena devant lui comme devant mon juge : il avait la réputation d'être très instruit, et il était très beau garçon : il avait au moins six ans plus que moi. Il s'enquit, sous un petit hangar dans la cour, des détails de mon châtiment, et voulut bien déclarer que selon lui, « c'était une fameuse infamie », ce dont je lui sus éternellement gré. « Combien d'argent avez-vous, Copperfield ? » me dit-il tout en se promenant avec moi, une fois mon jugement prononcé. Je lui dis que j'avais sept shillings.

« VI J’agrandis lecercle demes connaissances Je menais cetteviedepuis unmois environ, lorsquel’homme àla jambe debois semit àparcourir lamaison avec un balai etun seau d’eau ; j’enconclus qu’onpréparait toutpour recevoir M. Creakle etses élèves.

Jene me trompais pas, carbientôt lebalai envahit lasalle d’étude etnous enchassa M. Mell etmoi.

Nous allâmes vivrejene sais oùetje ne sais comment ; ceque jesais bien, c’estque,pendant plusieurs jours,nousrencontrions partoutdeuxoutrois femmes, quejen’avais qu’àpeine entrevues jusqu’alors, etque j’avalai unetelle quantité depoussière quej’éternuais aussi souvent quesiSalem-House avaitétéune vaste tabatière. Un jour M. Mell m’annonça queM. Creakle arriveraitlesoir.

Après lethé, j’appris qu’ilétait arrivé ; avantl’heure de me coucher, l’homme àla jambe debois vintmechercher pourcomparaître devantlui. M. Creakle habitaituneportion delamaison beaucoup plusconfortable quelanôtre ; ilavait unpetit jardin qui paraissait charmant àcôté delarécréation, sortededésert enminiature, oùunchameau etun dromadaire seseraient trouvés commechezeux.Jeme trouvai bienhardi d’oser remarquer qu’iln’yavait pasjusqu’au corridorquin’eût l’air confortable, tandisquejeme rendais touttremblant chezM. Creakle.

J’étaistellement abasourdi enentrant, quejevis à peine mistress Creakleoumiss Creakle quiétaient toutesdeuxdanslesalon.

Jene voyais queM. Creakle, cebon et gros monsieur quiportait unpaquet debreloques àsa montre : ilétait assis dans unfauteuil, avecunebouteille etun verre àcôté delui. « Ah ! ditM. Creakle, voilàlejeune homme dontilfaut limer lesdents.

Faites-le retourner. » L’homme àla jambe debois meretourna defaçon àmontrer leplacard, puislorsque M. Creakle euteutout le temps delelire, ilme replaça enface dumaître depension, etse mit àcôté delui.

M. Creakle avaitl’airféroce, sesyeux étaient petitsettrès enfoncés ; ilavait degrosses veinessurlefront, unpetit nezetun menton trèslarge.

Ilétait chauve etn’avait quequelques petitscheveux grasetgris, qu’il lissait surses tempes, defaçon àleur donner rendez- vous aumilieu dufront.

Maiscequi chez luime fitleplus d’impression, c’estqu’iln’avait presque pasdevoix etparlait toujours toutbas.Jene sais sic’est qu’ilavait delapeine àparler même ainsi,ousile sentiment deson infirmité l’irritait, mais,toutes lesfois qu’il disait unmot, sonvisage prenait uneexpression encoreplusméchante, sesveines se gonflaient, etquand j’yréfléchis, jecomprends quecesoit làce qui me frappa d’abord, commecequ’il yavait chezlui de plus remarquable. « Voyons, ditM. Creakle.

Qu’avez-vous àm’apprendre surcetenfant ? – Rien encore, répartit l’homme àla jambe debois.

Iln’y apas eud’occasion. » Il me sembla queM. Creakle étaitdésappointé.

Ilme sembla quemistress Creakleetsa fille (que jevenais de regarder pourlapremière fois,etqui étaient maigres etsilencieuses àl’envi l’unedel’autre), n’étaient pas désappointées. « Venez ici,monsieur ! ditM. Creakle enme faisant signedelamain. – Venez ici !ditl’homme àla jambe debois enrépétant legeste deM. Creakle. – J’ai l’honneur deconnaître votrebeau-père, murmuraM. Creakle enm’empoignant parl’oreille.

C’estundigne homme, unhomme énergique.

Ilme connaît, etmoi jeleconnais.

Meconnaissez-vous, vous ?hein !ditM. Creakle en me pinçant l’oreilleavecunenjouement féroce. – Pas encore, monsieur ! dis-jetoutengémissant. – Pas encore ? hein ?répéta M. Creakle.

Celaviendra, hein ? – Cela viendra ! hein ? »répétal’homme àla jambe debois. Je découvris plustard quesontimbre retentissant luiprocurait l’honneur deservir d’interprète àM. Creakle auprès de ses élèves.. »

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