La Chartreuse de Parme infâmes qui se vendent pour mille écus ou une croix.
Publié le 12/04/2014
Extrait du document
«
le prince, après l'avoir examinée, je perds ce moyen de la rappeler en ce pays.
Encore en ce moment, si elle
sort de ce cabinet elle est perdue pour moi, Dieu sait ce qu'elle dira de mes juges à Naples...
Et avec cet esprit
et cette force de persuasion divine que le ciel lui a donnés, elle se fera croire de tout le monde.
Je lui devrai la
réputation d'un tyran ridicule qui se lève la nuit pour regarder sous son lit..."Alors, par une manoeuvre adroite
et comme cherchant à se promener pour diminuer son agitation, le prince se plaça de nouveau devant la porte
du cabinet, le comte était à sa droite à trois pas de distance, pâle, défait et tellement tremblant qu'il fut obligé
de chercher un appui sur le dos du fauteuil que la duchesse avait occupé au commencement de l'audience, et
que le prince dans un mouvement de colère avait poussé au loin.
Le comte était amoureux."Si la duchesse part
je la suis, se disait-il, mais voudra-t-elle de moi à sa suite? voilà la question."
A la gauche du prince, la duchesse debout, les bras croisés et serrés contre la poitrine, le regardait avec une
impertinence admirable; une pâleur complète et profonde avait succédé aux vives couleurs qui naguère
animaient cette tête sublime.
Le prince, au contraire des deux autres personnages, avait la figure rouge et l'air inquiet; sa main gauche jouait
d'une façon convulsive avec la croix attachée au grand cordon de son ordre qu'il portait sous l'habit; de la
main droite il se caressait le menton.
\24 Que faut-il faire? dit-il au comte, sans trop savoir ce qu'il faisait lui-même et entraîné par l'habitude de le
consulter sur tout.
\24 Je n'en sais rien en vérité, Altesse Sérénissime, répondit le comte de l'air d'un homme qui rend le dernier
soupir.
Il pouvait à peine prononcer les mots de sa réponse.
Le ton de cette voix donna au prince la première
consolation que son orgueil blessé eût trouvée dans cette audience, et ce petit bonheur lui fournit une phrase
heureuse pour son amour-propre.
\24 Eh bien! dit-il, je suis le plus raisonnable des trois; je veux bien faire abstraction complète de ma position
dans le monde.
Je vais parler comme un ami.
Et il ajouta, avec un beau sourire de condescendance bien imité des temps heureux de Louis XIV.
\24 Comme un ami parlant à des amis.
Madame la duchesse, ajouta-t-il, que faut-il faire pour vous faire
oublier une résolution intempestive?
\24 En vérité, je n'en sais rien, répondit la duchesse avec un grand soupir, en vérité, je n'en sais rien, tant j'ai
Parme en horreur.
Il n'y avait nulle intention d'épigramme dans ce mot, on voyait que la sincérité même parlait par sa bouche.
Le comte se tourna vivement de son côté; l'âme du courtisan était scandalisée; puis il adressa au prince un
regard suppliant.
Avec beaucoup de dignité et de sang-froid le prince laissa passer un moment; puis
s'adressant au comte:
\24 Je vois, dit-il, que votre charmante amie est tout à fait hors d'elle-même; c'est tout simple, elle adore son
neveu.
Et, se tournant vers la duchesse, il ajouta, avec le regard le plus galant et en même temps de l'air que l'on
prend pour citer le mot d'une comédie: La Chartreuse de Parme
LIVRE SECONDE 132.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- La Chartreuse de Parme de Stendhal (analyse détaillée)
- La Chartreuse de Parme de Stendhal
- Stendhal: La Chartreuse de Parme
- Chartreuse de Parme (la), de Stendhal
- Chartreuse de parme