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La Chartreuse de Parme prince, après une longue discussion avec sa mère, lui ordonna de nouveau de dire son avis.

Publié le 12/04/2014

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La Chartreuse de Parme prince, après une longue discussion avec sa mère, lui ordonna de nouveau de dire son avis. C'est ce que je jure à Vos Altesses de ne point faire! Mais c'est un véritable enfantillage! s'écria le prince. Je vous prie de parler, madame la duchesse dit la princesse d'un air digne. C'est ce dont je vous supplie de me dispenser, madame; mais Votre Altesse, ajouta la duchesse en s'adressant au prince, lit parfaitement le français; pour calmer nos esprits agités, voudrait-elle nous lire une fable de La Fontaine? La princesse trouva ce nous fort insolent, mais elle eut l'air à la fois étonné et amusé, quand la grande maîtresse, qui était allée du plus grand sang-froid ouvrir la bibliothèque, revint avec un volume des Fables de La Fontaine t; elle le feuilleta quelques instants, puis dit au prince, en le lui présentant: Je supplie Votre Altesse de lire toute la fable. LE JARDINIER ET SON SEIGNEUR Un amateur de jardinage Demi-bourgeois, demi-manant, Possédait en certain village Un jardin assez propre, et le clos attenant. Il avait de plant vif fermé cette étendue: Là croissaient à plaisir l'oseille et la laitue, De quoi faire à Margot pour sa fête un bouquet, Peu de jasmin d'Espagne et force serpolet. Cette félicité par un lièvre troublée Fit qu'au seigneur du bourg notre homme se plaignit. Ce maudit animal vient prendre sa goulée Soir et matin, dit-il, et des pièges se rit; Les pierres les bâtons y perdent leur crédit: Il est sorcier, je croisSorcier! je l'en défie, Repartit le seigneur: fût-il diable, Miraut, En dépit de ses tours, l'attrapera bientôt. Je vous en déferai, bonhomme, sur ma vie. Et quand?- Et dès demain, sans tarder plus longtemps. La partie ainsi faite, il vient avec ses gens. Çà, déjeunons, dit-il: vos poulets sont-ils tendres? L'embarras des chasseurs succède au déjeuner. Chacun s'anime et se prépare; Les trompes et les cors font un tel tintamarre Que le bonhomme est étonné. Le pis fut que l'on mit en piteux équipage Le pauvre potager. Adieu planches, carreaux; Adieu chicorée et poireaux; Adieu de quoi mettre au potage. Le bonhomme disait: Ce sont là jeux de prince. Mais on le laissait dire; et les chiens et les gens CHAPITRE XXIV 229 La Chartreuse de Parme Firent plus de dégât en une heure de temps Que n'en auraient fait en cent ans Tous les lièvres de la province. Petits princes, videz vos débats entre vous; De recourir aux rois vous seriez de grands fous. Il ne les faut jamais engager dans vos guerres, Ni les faire entrer sur vos terres. Cette lecture fut suivie d'un long silence. Le prince se promenait dans le cabinet, après être allé lui-même remettre le volume à sa place. Eh bien! madame, dit la princesse, daignerez-vous parler? Non pas, certes, madame! tant que Son Altesse ne m'aura pas nommée ministre; en parlant ici, je courrais risque de perdre ma place de grande maîtresse. Nouveau silence d'un gros quart d'heure, enfin la princesse songea au rôle que joua jadis Marie de Médicis, mère de Louis XIII: tous les jours précédents, la grande maîtresse avait fait lire par la lectrice l'excellente Histoire de Louis XIII, de M. Bazin. La princesse, quoique fort piquée, pensa que la duchesse pourrait fort bien quitter le pays et alors Rassi, qui lui faisait une peur affreuse pourrait bien imiter Richelieu et la faire exiler par son fils. Dans ce moment, la princesse eût donné tout au monde pour humilier sa grande maîtresse mais elle ne pouvait: elle se leva, et vint, avec un sourire un peu exagéré, prendre la main de la duchesse et lui dire: Allons, madame, prouvez-moi votre amitié en parlant. Eh bien! deux mots sans plus: brûler, dans la cheminée que voilà, tous les papiers réunis par cette vipère de Rassi, et ne jamais lui avouer qu'on les a brûlés. Elle ajouta tout bas, et d'un air familier, à l'oreille de la princesse Rassi peut être Richelieu! Mais, diable! ces papiers me coûtent plus de quatre-vingt mille francs! s'écria le prince fâché. Mon prince répliqua la duchesse avec énergie, voilà ce qu'il en coûte d'employer des scélérats de basse naissance. Plût à Dieu que vous puissiez perdre un million, et ne jamais prêter créance aux bas coquins qui ont empêché votre père de dormir pendant les six dernières années de son règne. Le mot basse naissance avait plu extrêmement à la princesse, qui trouvait que le comte et son amie avaient une estime trop exclusive pour l'esprit, toujours un peu cousin germain du jacobinisme. Durant le court moment de profond silence, rempli par les réflexions de la princesse, l'horloge du château sonna trois heures. La princesse se leva, fit une profonde révérence à son fils, et lui dit: Ma santé ne me permet pas de prolonger davantage la discussion. Jamais de ministre de basse naissance; vous ne m'ôterez pas de l'idée que votre Rassi vous a volé la moitié de l'argent qu'il vous a fait dépenser en espionnage. CHAPITRE XXIV 230

« Firent plus de dégât en une heure de temps Que n'en auraient fait en cent ans Tous les lièvres de la province. Petits princes, videz vos débats entre vous; De recourir aux rois vous seriez de grands fous. Il ne les faut jamais engager dans vos guerres, Ni les faire entrer sur vos terres. Cette lecture fut suivie d'un long silence.

Le prince se promenait dans le cabinet, après être allé lui-même remettre le volume à sa place. \24 Eh bien! madame, dit la princesse, daignerez-vous parler? \24 Non pas, certes, madame! tant que Son Altesse ne m'aura pas nommée ministre; en parlant ici, je courrais risque de perdre ma place de grande maîtresse. Nouveau silence d'un gros quart d'heure, enfin la princesse songea au rôle que joua jadis Marie de Médicis, mère de Louis XIII: tous les jours précédents, la grande maîtresse avait fait lire par la lectrice l'excellente Histoire de Louis XIII, de M.

Bazin.

La princesse, quoique fort piquée, pensa que la duchesse pourrait fort bien quitter le pays et alors Rassi, qui lui faisait une peur affreuse pourrait bien imiter Richelieu et la faire exiler par son fils.

Dans ce moment, la princesse eût donné tout au monde pour humilier sa grande maîtresse mais elle ne pouvait: elle se leva, et vint, avec un sourire un peu exagéré, prendre la main de la duchesse et lui dire: \24 Allons, madame, prouvez-moi votre amitié en parlant. \24 Eh bien! deux mots sans plus: brûler, dans la cheminée que voilà, tous les papiers réunis par cette vipère de Rassi, et ne jamais lui avouer qu'on les a brûlés. Elle ajouta tout bas, et d'un air familier, à l'oreille de la princesse \24 Rassi peut être Richelieu! \24 Mais, diable! ces papiers me coûtent plus de quatre-vingt mille francs! s'écria le prince fâché. \24 Mon prince répliqua la duchesse avec énergie, voilà ce qu'il en coûte d'employer des scélérats de basse naissance.

Plût à Dieu que vous puissiez perdre un million, et ne jamais prêter créance aux bas coquins qui ont empêché votre père de dormir pendant les six dernières années de son règne. Le mot basse naissance avait plu extrêmement à la princesse, qui trouvait que le comte et son amie avaient une estime trop exclusive pour l'esprit, toujours un peu cousin germain du jacobinisme. Durant le court moment de profond silence, rempli par les réflexions de la princesse, l'horloge du château sonna trois heures.

La princesse se leva, fit une profonde révérence à son fils, et lui dit: \24 Ma santé ne me permet pas de prolonger davantage la discussion.

Jamais de ministre de basse naissance; vous ne m'ôterez pas de l'idée que votre Rassi vous a volé la moitié de l'argent qu'il vous a fait dépenser en espionnage.

La Chartreuse de Parme CHAPITRE XXIV 230. »

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